Aller au contenu

Shin Bet

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Shin Bet
Shabak
שירות הביטחון הכללי'
« מגן ולא יראה » « Protège et ne te montre pas ».
« מגן ולא יראה » « Protège et ne te montre pas ».

Création Décembre 1948
Juridiction Commission secrète de la Knesset
Siège Tel Aviv, Israël
Effectifs (Classifié)
Budget annuel (Classifié)
Ministre responsable Benyamin Netanyahou (Premier ministre)
Activité(s) Renseignement, protection, contre-espionnage
Direction Ronen Bar (Directeur)
Site web www.shabak.gov.ilVoir et modifier les données sur Wikidata

Le Shin Bet (hébreu : שב), aussi appelé le Shabak (en hébreu : שב"כ Shabak, acronyme de Shérūt ha-Bītāhōn ha-Klālī, en hébreu : שירות הביטחון הכללי) est le service de renseignement intérieur israélien.

C'est un des 3 grands services de renseignement israéliens aux côtés de l'Aman (renseignement militaire) et du Mossad (renseignement extérieur).

Le Shin Bet a pour objectifs de collecter les renseignements liés à la sécurité intérieure, protéger les infrastructures critiques, faire du contre-espionnage, et combattre le terrorisme. C'est aussi lui qui s'occupe de la protection des membres du gouvernement. Il dispose de pouvoirs importants pour une démocratie, en raison des menaces et nombreux attentats qui ont marqué l'histoire d'Israël.

Contrairement au Mossad qui n'obéit à aucune loi, car il agit à l'étranger, le Shin Bet est encadré et surveillé[1]. Il doit ainsi présenter de manière régulière un bilan de ses activités devant le Parlement israélien.

Son directeur, actuellement Ronen Bar, est nommé par le cabinet de sécurité, sur proposition du Premier ministre élu.

Présentation

[modifier | modifier le code]

Le directeur du Shin Bet est nommé collectivement par le cabinet de sécurité, sur la proposition du Premier ministre élu.

Le cabinet de sécurité est formé par les ministres de l'Intérieur, de la Défense, des Finances, de l’Énergie, et des Affaires étrangères. Certains ministres peuvent également y être invités.

Contrairement au Mossad, qui relève exclusivement du Premier ministre, le Shin Bet doit présenter un bilan régulier de ses activités devant le cabinet de sécurité et devant une commission de la Knesset[2].

Isser Harel fut le chef du Shabak (ainsi que du Mossad) dans les années 1950.

Amos Manor lui succède de 1953 à 1963.

Depuis la fondation de l’État d'Israël, une partie significative de la région refuse d'accepter son existence [3]. La jeune société israélienne a ainsi connue plusieurs guerres et des centaines d'attentats (bombes, massacres, etc.) Jusqu’à aujourd’hui, et en plus du conflit israélo-palestinien, le pays continue d’être confronté à des menaces sur ses frontières[4],[5].

Avec l'accord de la classe politique, le Shin Beth est doté d'importants pouvoirs.

Le Shin Beth a pour principale missions de :

  • Collecter les renseignements liés à la sécurité intérieure
  • Protéger l'aéroport de Tel-Aviv, les ports, et les infrastructures énergétiques critiques du pays
  • Mener des missions de contre-espionnage
  • Combattre le terrorisme.
  • Protéger les membres du gouvernement et leur famille.

Il protège aussi la compagnie aérienne El Al, qui a déjà été victime d'attaques dans des aéroports européens.

Le Shabak se compose de trois divisions opérationnelles :

  1. La division des affaires arabes : Cette division s’occupe des opérations anti-terroristes et de la mise à jour d’une banque de données sur des terroristes islamistes. Cette division comporte un détachement militaire nommé Henza qui travaille en collaboration avec les Mista'arvim (corps de troupe du Aman), pour maîtriser les émeutes ;
  2. La division des affaires non-arabes : Cette division a pour but d’infiltrer les agences étrangères de renseignement et les missions diplomatiques en Israël. Avant la chute du bloc soviétique, cette division était subdivisée en 2 sections : section communiste et section non-communiste. On y étudiait les dossiers de certains immigrants venant de l’Europe de l’Est ou des pays d’Union soviétique ;
  3. La division de la sécurité : Cette division assure la protection des infrastructures gouvernementales, diplomatiques et scientifiques; ou encore celle des industries militaires et des vols de la compagnie aérienne nationale El-Al.

Le Shabak comporte également 5 sections de réserve.

Coopération

[modifier | modifier le code]

En raison de son expérience, le Shin Beth est parfois contacté par des pays étrangers qui demandent son aide.

Après l'attentat de Nice, le maire de Cannes David Lisnard fait appel aux services de Nitzan Nuriel, ancien officier du Shin Beth[6]. Il aide les autorités françaises à se préparer à une éventuelle attaque lors du Festival de Cannes.

Après les attentats du 13 novembre 2015 puis l'attaque de l’aéroport de Bruxelles, une commission d’enquête de l'Assemblée nationale part en Israël pour s'informer des directives de sécurité du Shin Beth [7].

Controverses et scandales

[modifier | modifier le code]

Le service a été mis en cause dans certains scandales, ce qui a amené progressivement les institutions israéliennes à renforcer leur contrôle sur lui[1].

Scandale du Bus 300

[modifier | modifier le code]

Le 12 avril 1984, des hommes armés détournent le bus 300 qui relie la ville de Ashkhelon à Tel-Aviv.

Pendant la prise d'otage, un passager est tué. Les palestiniens disposent de couteaux et d'une valise avec des missiles qu'ils menacent de faire exploser. Ils acceptent cependant de libérer une femme enceinte, qui s'enfuit et donne l'alerte[8].

Le bus roule à plus de 120 km/h et défonce plusieurs checkpoints avant de s'écraser près de Deir el-Balad, au nord de la frontière égyptienne. Quelques passagers parviennent à s'échapper et les autres sont alors pris en otage. Moshe Arens, ministre de la Défense se rend sur place, accompagné de Avraham Shalom, directeur du Shin Bet[9].

Après plusieurs heures de négociation, les israéliens finissent par donner l’assaut en pleine nuit.

Un des preneurs d'otages est tué, ainsi qu'une jeune fille israélienne de 19 ans. Deux preneurs d'otages sont capturés vivants et sont amenés pour être interrogés par le Shin Bet. La scène est immortalisée par Alex Levac, un photographe qui couvrait la prise d'otage et accompagnait le ministre. Le lendemain matin, la presse israélienne annonce que « les preneurs d'otage sont morts »[10].

Les deux preneurs d'otage capturés n'auraient pas été interrogés.

Le directeur du Shin Bet, Avraham Shalom, aurait exigé de les tuer, contre l'avis de ses propres hommes.

Une semaine plus tard, la publication de la photo dans la presse des preneurs d'otage vivants et amenés pour être interrogés déclenchent un scandale national[10]. Les services de sécurité sont mis en cause et les procureurs lancent une enquête pour homicide[9].

L'affaire prend progressivement un tournant de plus en plus grave. Pendant plusieurs semaines, les procureurs israéliens convoquent et interrogent le directeur du Shin Bet, Avraham Shalom, ainsi que plusieurs membres des services de sécurité, de la police, et de l'armée. Dans le bureau des procureurs, Shalom affirmera qu'un officier de l'armée présent sur place, le Brigadier Yitzhak Mordechai, a tué les preneurs d'otages en les frappant avec des rochers. Cette version est ensuite défendue par d'autres responsables du Shin Bet, qui se disent témoins[9].

Yitzhak Mordechai jure de son innocence mais il n'a aucun témoin en sa faveur. Il est démis de ses fonctions au sein de Tsahal, arrêté, puis inculpé par la justice pour meurtre. Cependant, plusieurs mois plus tard, des officiers du Shin Bet se rendent au ministère de la Justice. Lors de leur témoignage, ils affirment ne pas pouvoir supporter d'accuser un homme innocent et déclarent que leur patron leur a demandé de mentir pour accuser le brigadier Mordechai. Le ministère de la Justice lance de nouvelles enquêtes, pour meurtre et pour parjure devant la justice.

Selon le journaliste Ronen Bergman, peu avant son arrestation, Avraham Shalom aurait été jusqu’à faire du chantage au Premier ministre et au ministre de la Défense[9]. Il se serait rendu dans leurs bureaux à Jérusalem en les prévenant que si jamais ils ne le font pas gracier, il déclarera publiquement aux médias que ce sont eux qui lui auraient demandé d'avoir comme politique de tuer un maximum de prisonniers. Au moment de sa condamnation, Avraham Shalom sera immédiatement gracié[11].

La presse décrit cet épisode comme un scandale « digne d'une république bananière ».

L'affaire du Bus 300 dégénère en une crise politique[12] qui manque de faire tomber tout le gouvernement[13].

Le scandale ternit durablement l'image du Shin Bet dans l'opinion publique israélienne. Elle démoralise le service et entraine une pluie d’enquêtes médiatiques, parlementaires et judiciaires sur ses dérives[10],[14].

La Commission Landau

[modifier | modifier le code]

En 1987, le juge Moshé Landau de la Cour suprême israélienne est chargé d’enquêter sur le Shin Bet.

Dans son rapport, il estime qu'il a fait usage de la torture lors de ses interrogatoires, malgré ses dénégations[15].

Devant certains tribunaux, les juges et les procureurs débattent de l'acceptabilité des pressions physique modérées pour lutter contre le terrorisme[15].

La Commission Ben Porat

[modifier | modifier le code]

En 1997, Miriam Ben Porat est élue par la Knesset comme contrôleur général de l’État.

Dans un long rapport, elle estime que le Shin Bet n'a pas assez pris en compte le rapport de la Commission Landau et est allé au-delà « pressions physiques modérées » lors de la première intifada, entre 1988 et 1992[16]. Soumis au comité d’intelligence du Parlement, le rapport est publié en 2001[16].

Affaires récentes

[modifier | modifier le code]

Toujours en 1997, le Comité de l'ONU contre la torture conclut que les méthodes d’interrogatoire utilisées par le Shin Bet constituaient des actes de torture contraires à l’article 1 de la Convention contre la torture[17]. En 2001, le Comité public contre la torture en Israël (PCATI) poursuit en justice le Shin Bet devant la Haute Cour de justice

Le tribunal décrète que les interrogatoires du Shin Bet doivent être soumis aux mêmes restrictions que ceux de la police ordinaire, et que tout acte d'interrogation assimilé à de la torture est totalement illégal.

Le tribunal laisse cependant la possibilité pour les enquêteurs de s’abriter en cas de plainte au pénal derrière l’excuse ex post de « défense nécessaire » (necessity defense) dans le cas du scénario de la bombe à retardement[18].

Près de 10 ans après cet arrêt historique de la Cour, selon le PCATI de 2008, des actes de torture continuent à être pratiqués[19].

Actions et opérations

[modifier | modifier le code]

Contre-espionnage

[modifier | modifier le code]

En 2022, le Shin Bet démantèle une opération menée par l'Iran[20].

Des agents Iraniens utilisant de fausses identités sont entrés en contact avec des universitaires et journalistes en Israël pour les convaincre de voyager à l’étranger et pouvoir ainsi les kidnapper[20].

Terrorisme juif

[modifier | modifier le code]

En plus du terrorisme islamiste, déjà important, le Shin Bet est aussi confronté à la montée en puissance du terrorisme juif.

Le , des terroristes juifs sont arrêtés par le Shin Bet. En réprésaille à l'assassinat de six colons israéliens, ils avaient piégé les automobiles de trois maires palestiniens avec de bombes. Deux d'entre eux sont grièvement blessés, le troisième en sort heureusement indemne[21].

En 1984, le Shin Bet arrête des militants messianiques du Gush Emunim. Avec des explosifs, ils voulaient pulvériser le dôme de la mosquée Al Aqsa. Selon l'ancien directeur du Shin Bet, Carmi Gillon : « On a vraiment échappé au pire. Imaginez si par malheur ils avaient réussi[22]. »

Le 4 novembre 1995, un extrémiste juif assassine le Premier ministre Israélien Ytzhak Rabin à Tel-Aviv. Cet épisode est considéré[Par qui ?] comme un des pires fiascos de l'histoire du Shin Bet.

En 2014, l'école de la coexistence de Jérusalem est retrouvée incendiée[23]. Elle était connue pour accueillir des enfants musulmans et juifs de la maternelle jusqu'au lycée. Le Shin Bet arrête une dizaine d'extrémistes juifs du mouvement Lehava qui sont soupçonnés de l'incendie[24].

En 2015, le Shin Beth arrête Meir Ettinger. Petit fils du rabbin Meir Khane, il dirige un groupe juif extrémiste soupçonné d'avoir attaqué une église[25].

Anciens directeurs

[modifier | modifier le code]

Plusieurs directeurs se sont succédé à la tête du service depuis sa fondation.

  • Isser Harel (1948–1952)
  • Izi Dorot (1952–1953)
  • Amos Manor (1953–1963)
  • Yossef Harmelin (1964–1974)
  • Avraham Ahituv (1974–1981)
  • Avraham Shalom (1981–1986)
  • Yossef Harmelin (1986–1988)
  • Yaakov Peri (1988–1994)
  • Carmi Gillon (1995–1996)
  • Ami Ayalon (1996–2000)
  • Avi Dichter (2000–2005)
  • Yuval Diskin (2005–2011)
  • Yoram Cohen (2011–2016)
  • Nadav Argaman (2016–2021)
  • Ronen Bar (2021– actuellement)

En 2012, six ancien directeurs du Shin Beth (Shalom, Peri, Gillon, Ayalon, Dichter, et Diskin) ont accepté de témoigner face caméra dans le documentaire The Gatekeepers du réalisateur Dror Moreh.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Eyal Pascovich, « Not above the law: Shin Bet’s (Israel Security Agency) democratization and legalization process », sur Journal of Intelligence History,
  2. Marc Henry, L'autonomie du Mossad mise en cause en Israël, Le Figaro, 2 mars 2010
  3. "The State of Israel has been engaged in an unceasing struggle for both its very existence and security, from the day of its founding" ; Stephen J. Schulhofer, Checks and Balances in Wartime: American, British and Israeli Experiences
  4. Laurent Lagneau, « Syrie : Riposte massive d’Israël après des tirs de roquettes iraniens en direction du Golan », sur Opex 360,
  5. « L’armée israélienne commence à détruire les tunnels du Hezbollah », sur Le Monde,
  6. « Comment Israël est devenu la référence dans la lutte antiterroriste », sur Natalie Hamou,
  7. « Commission d’Enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 », sur Assemblée Nationale,
  8. John Kifner, « 6 KILLED AS ARABS HIJACK ISRAELI BUS », sur New York Times,
  9. a b c et d Ronen Bergman, Rise and Kill First, Random House, , 784 pages (ISBN 1400069718), « The Shin Bet Coup »
  10. a b et c Nachman Shai, Hearts and Minds: Israel and the Battle for Public Opinion, SUNY Press, 284 p., « The unseen shield ? »
  11. Isabel Kershmer, « Avraham Shalom, 86, Israeli Spy Chief Who Hunted Eichmann, Dies », sur New York Times,
  12. Jean Pierre Lagellier, « L'affaire du Shin Bet dégénère en crise politique », sur Le Monde,
  13. Thomas L. Friedman, « CHARGES OF COVER-UP BRING CALL FOR SHAMIR TO RESIGN », sur New York Times,
  14. Thomas Friedman, « Inquiry ordered into national scandal », sur New York Times,
  15. a et b Serge Schmemann, (en)In Israel, Coercing Prisoners Is Becoming Law of the Land, New York Times, 8 mai 1997.
  16. a et b (en)Israel admits torture, BBC, 9 février 2000
  17. Amnesty International, (en) ISRAËL - Les autorités remettent leur rapport au Comité contre la torture tandis qu’elles continuent d’avoir systématiquement recours aux sévices physiques [PDF], Index AI : MDE 15/31/98.
  18. (en) Décision de la Cour suprême israélienne [PDF] de 1999 dans l’affaire PCATI, etc., sur la torture et les interrogatoires du Shin Bet.
  19. (en) Rapport de septembre-octobre 2008 [PDF] du PCATI à l’attention du Comité de l'ONU contre la torture.
  20. a et b « En Israël, le Shin Bet découvre une opération d’espionnage iranienne », sur Courrier International,
  21. « Jewish Terrorists Try To Kill Three Mayors Of Palestinian Cities », sur Middle East History, .
  22. Témoignage dans le film The Gatekeepers.
  23. « Jerusalem's Arab-Jewish School, Hand in Hand, Torched in Apparent Arson Attack », sur NBC News, .
  24. John Reed, « Jewish-Arab school in Jerusalem targeted on Google map app », sur FT, .
  25. « Tablet Mag », sur The Tablet.