Le Temps de Paris
Le Temps de Paris | |
Pays | France |
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Langue | Français |
Diffusion | 350000 exemplaires (n°1) ex. |
Fondateur | Philippe Boegner |
Date de fondation | Avril 1956 |
Date du dernier numéro | Juillet 1956 |
Directeur de publication | Antoine Pinay |
Rédacteur en chef | André Guérin |
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Le Temps de Paris est un ancien quotidien français, fondé par Philippe Boegner sous l'impulsion et la direction d'Antoine Pinay, édité à Paris d'avril à juillet 1956.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le rôle d'Antoine Pinay
[modifier | modifier le code]En [1], le journaliste Philippe Boegner, directeur de Paris-Match de 1949 à 1953, puis directeur de la rédaction de Science et vie au sein du groupe Excelsior[2],[3] est convoqué par Antoine Pinay, ex-président du conseil[4].
Antoine Pinay est énervé depuis que Le Monde a publié le « rapport Fechteler » en 1952[5], et l'année suivante est marquée par la saisie d'un numéro du journal L'Express, contenant le rapport confidentiel et explosif des généraux Paul Ély et Raoul Salan, destiné au gouvernement[6], rédigé sous une première version secrête en février 1954, trois mois avant la chute de Dien Bien Phu, et conseillant d'évacuer les lieux, car on a sous-estimé la capacité des vietnamiens à acheminer leur artillerie sur des sommets[7]. Le retrait avait été écarté par le ministre de la Défense René Pleven et son secrétaire d'Etat à la Guerre Pierre de Chevigné[7].
Antoine Pinay demande à Philippe Boegner de créer un concurrent capable de mettre Le Monde en difficulté, Alfred Fabre-Luce sert d'intermédiaire[8] et des fonds sont réunis.
Le soutien d'une partie réduite du patronat
[modifier | modifier le code]Une partie du patronat s'inquiète alors de la popularité de Pierre Mendès-France, favorable à la décolonisation et veut lui opposer la figure d'Antoine Pinay. Lors de deux entretiens, Pinay lui demande de préparer la sortie d'un futur quotidien du soir, qui reprendra le nom du quotidien du matin Le Temps, titre de référence pour les questions diplomatiques et internationales, dont l'imprimerie, l'immeuble, la typographie et le format, avaient été attribués en 1944 au quotidien Le Monde d'Hubert Beuve-Méry[4]. Il s'agissait alors d'affaiblir ce dernier [9],[10], dont les éditoriaux sur la Guerre d'Indochine et les questions coloniales irritaient une partie du patronat[4] par la concurrence d'un "journal défenseur des valeurs chrétiennes et de la civilisation occidentale"[4], qui défendra l'Atlantisme et l'Algérie française[11],[5]. Philippe Boegner rend un premier rapport le , une étude de marché proposant plutôt un quotidien du matin[1], alors que Pinay insistait pour le soir[2]. Des négociations vont être engagées avec Hachette pour fusionner ce futur Temps de Paris avec son Paris-Presse, en difficulté. Ce quotidien, souffrant de la concurrence avec France Soir, s'était en 1951 transformé sous l'impulsion de Max Corre.
Robert Puiseux, gendre d'Édouard Michelin, qui contrôle aussi Simca-Citroën[1],[12] et Georges Morisot prennent chacun 2000 actions[2], Jacques Dupuy, PDG d'Excelsior et héritier des actionnaires du Petit Parisien 10000[2], le reste (41,5%)[2] allant à des actionnaires proches de la Banque Worms, dont le duc Jacques d'Harcourt[2], l'autre « vaincu de la Libération », qui accueille les fonctionnaires victimes de l'épuration[2] ou Roger Mouton.
Mais globalement, seule « une fraction très réduite du patronat est engagée dans l'aventure »[2] et dès , Jean Létang, qui dirige le "Bulletin de Paris" du CNPF, affirme ainsi à Hubert Beuve-Méry que le futur journal ne recevra pas un sou des organisations patronales[2]. La position de l'Association de la libre entreprise est moins identifiable[2] car lors de sa réunion fondatrice créée en 1947, Georges Morisot, membre du comité directeur, s'était chargé d'en exposer les idées[13].
Dix-sept mois d'hésitation
[modifier | modifier le code]Le passage de L'Express à la périodicité de quotidien[10], deux ans après sa création, retarde aussi le projet. En 1955 aussi, Jean Madiran, polémiste de la mouvance catholique intégriste, publie deux livres censés alerter l'épiscopat et le Vatican sur l'amitié, selon lui suspecte entre les dirigeants de La Vie catholique et Hubert Beuve-Méry[14],[15],[16]. Au même moment, Jean Prouvost ressuscite Marie-Claire[17], et Europe1 est créé début de 1955, pour profiter du boom de la publicité, dont les prix affichent une hausse accélérée en 1954 et 1955[17].
Pinay, devenu ministre des Affaires étrangères en [1], s'inquiète de voir Pierre Mendès-France lancer la décolonisation peu après, estimant que Le Monde y contribue[2]. Il déclare que ses financiers exigent un quotidien du soir[2], et décide d'obtenir le droit de l'appeler Le Temps[2].
Les embauches
[modifier | modifier le code]Jean Jardin, qui conseille les milieux patronaux lorsqu'il s'agit d'ouvrir les caisses noires[18], un « proche du président du CNPF », Georges Villiers[18], s'occupe du dossier après avoir été « l'un des plus proches conseillers » d'Antoine Pinay[18], à partir de sa résidence de Vevey, en Suisse[19] avec son voisin Paul Morand. Ce dernier se félicite de l'embauche d'André Olivier dans les pages littérature[20].
Philippe Boegner amène lui de Paris-Match, afin de couvrir la Guerre d'Algérie, un autre grand résistant, qui y couvre depuis 1953 la Guerre d'Indochine, Joël Le Tac, qui y avait servi comme capitaine en Indochine avant d'intégrer en le bataillon français de l'ONU, combattant dans les batailles de Kumwha, du triangle de Fer et de T Bone de la Guerre de Corée.
Hachette et Marcel Dassault, actionnaire de Paris-Presse hésitent à louer leur imprimerie[5]. Il faut recourir à L'Aurore de Marcel Boussac, industriel textile[5], ce qui est facilité par la nomination d'André Guérin, l'un de ses journalistes, au poste de rédacteur en chef. Les Etats-Unis ne participent pas[21].
Premiers numéros
[modifier | modifier le code]Le Temps de Paris est finalement lancé avec 800 millions de francs de fonds propres (équivalent de 12 millions d'euros 2003)[22] et un capital de 400 millions[9]. Cinéma et affichage concentrent toute l'importante campagne de lancement car toute la presse refuse d'accueillir les publicités[2].
Le premier numéro sort mi-[4], en pleine aggravation de la Guerre d'Algérie par le Président du Conseil Guy Mollet, contesté par Le Monde. Les affiches du Temps de Paris y font allusion : « Les défaitistes ne lisent pas le Temps de Paris »[9]. Des incidents perturbent la distribution[2]. Le premier numéro bénéficie de la curiosité, avec 350000 exemplaires vendus mais 5ème à deux fois moins[2].
L'échec, malgré un succès en Algérie
[modifier | modifier le code]Puis c'est un échec : deux tiers d'invendus après une semaine[10], le tirage de 400000 exemplaires[10], surdimensionné, générant total un gouffre d'un milliard et demi de francs [12],[10],[9]. Le numéro du présente côte à côte un article dénonçant les origines du Monde en 1944 et une grande photo de l'actrice américaine Kim Novak, « bombe de Cannes », qui est « décidée à séduire Jean Cocteau »[2].
Malgré le succès en Algérie, où il s'en vend en mai 4 fois plus que Paris-Presse, autant que Le Monde et Le Figaro réunis, presque autant que France-Soir[2], le journal doit revenir de 36 à 12 pages, la pénurie de papier s'ajoutant aux pertes financières[2]. Philippe Boegner veut continuer mais Pinay souhaite cesser la parution après quelques semaines d'échec[5]. Soucieux de limiter les dégâts, il a visé alors aussi le lectorat de « France-Soir », qui réagit par des primes exceptionnelles à ses vendeurs[22]. France-Soir lance aussi un concours, très richement doté[2], avec pour prix des logements, face à la pénurie.
Le tirage revient à 100000 exemplaires en juin[2], quand Philippe Boegner implore Pinay, qui refuse, de passer en journal du matin, puis deux actionnaires revendent leur part[2]. Jacques Dupuy est le seul à défendre une cession à Paris-Presse[2], tandis qu'une offre de Perrier est jugée trop défavorable [2].
La fermeture
[modifier | modifier le code]Puis le quotidien ferme en juillet, après 66 numéros[4] alors qu'il emploie plus de 200 journalistes, dont quatre débauchés au sein de la rédaction du rival Le Monde par des salaires deux à trois fois plus élevés[11]. Hubert Beuve-Méry n'en reprendra aucun, sauf Nicolas Vichney, après un bref passage à L’Information[23], et pour la rubrique scientifique[11]. Echaudé par cette premier incursion dans la presse, Michelin[24] attendra 21 ans pour y revenir, avec J'informe[25].
Les autres tentatives
[modifier | modifier le code]L'année suivante une autre tentative de journal, Les Débats de ce temps, visant Le Monde encore plus directement, échoue aussi[10].En , le gouvernement de Guy Mollet a retiré au Monde toute publicité d'Etat ou d'entreprise publique[2] et lui interdit de relever son prix de vente, que le journal avait retardé face au nouveau concurrent[2].
Journalistes
[modifier | modifier le code]Ont travaillé pour Paris-Presse :
- Philippe Boegner (directeur);
- Joël Le Tac
- Albert Ollivier
- Pierre Desgraupes
- André Guérin (rédacteur en chef)
Sources
[modifier | modifier le code]- Claude Bellanger, Histoire générale de la presse française, Presses universitaires de France, 1969[26],
Notes et références
[modifier | modifier le code]- "Les grandes heures de la presse", Jean-Noël Jeanneney publié aux Editions Flammarion en 2019 [1]
- «Le Monde» de Beuve-Méry ou le Métier d'Alceste", par Jean-Noël Jeanneney et Jacques Julliard, aux Éditions Le Seuil, en 1979
- «Le Monde» de Beuve-Méry ou le Métier d'Alceste", par Jean-Noël Jeanneney et Jacques Julliard, sommaire détaillé [2]
- "Mort de Philippe Boegner" dans Le Monde du 17 octobre 1991 [3]
- "Pinay l'indépendant" par Jean-Antoine Giansily, en 1995 aux Editions Denoël [4]
- «Nous voulions un journal pour dire ce que nous pensions», interview de Françoise Giroud, par Denis Jeambar et Roland Mihaïl dans L'Express le 3 juin 1999 [5]
- "La France a ignoré un rapport militaire préconisant d'évacuer Dien Bien Phu" par Cécile Brisson - The Associated Press - 21 Avril 2004 [6]
- "Alfred Fabre-Luce: Un non-conformiste dans le tumulte du XXe siècle" par Daniel Garbe, Philippe de Saint Robert et Francois-Xavier de Guibert, en 2017
- "Le Monde et les Etats de 1944 à nos jours", par Loïc Laroche, Thèse de doctorat en histoire contemporaine, sous la direction de Patrick Eveno, en 2018 [7]
- "1944-2004, Histoire du journal « Le Monde »" par l'historien Patrick Eveno, en 2004 aux Editions Albin Michel [9]
- "Trois projets de quotidiens nationaux. Un secteur à hauts risques", dans Le Monde du 30 mars 1988 [10]
- , Le Monde, 21 mai 1948, "La première réunion de l'Association de la libre entreprise" [11]
- "Le journal est la cible d'attaques croisées des extrêmes dans des livres pamphlétaires et des libelles depuis les années 1950", dans Le Monde du 26 février 2003 [12]
- "Ils ne savent pas ce qu'ils font", par Jean Madiran aux Nouvelles Editions Latines en 1955
- "Ils ne savent pas ce qu'ils disent", par Jean Madiran aux Nouvelles Editions Latines en 1955
- "Le marché publicitaire français et les grands médias (1918-1970)", par Marc Martin, dans Vingtième Siècle en 1988 [13]
- Tristan Gaston-Breton, « Jean Jardin, de Vichy à la Quatrième République », 6 août 2009, Les Échos.fr, consulté le 5 octobre 2009.
- "Alexandre Jardin : «Famille je te hais !»" par Eric Roussel, dans Le Figaro du 06/01/2011 [14]
- Lettre du 14 mars 1956 de Paul Morand à Jacques Chardonne, publiée dans "Correspondance (Tome 1) - 1949-1960" aux éditions Gallimard [15]
- "America and the intellectual Cold War in Europe", par Volker R.Berghahn, Princeton University Press, 2001, page 287 [16]
- "Pour l’automne Marcel Dassault s’offre un nouveau jouet : un journal", par Claude Angeli, dans L'Obs Du 21 juillet 1965 [17]
- "La carrière de Nicolas Vichney", dans Le Monde du 26 avril 1975 [18]
- "Michelin : un siècle de secrets" par Alain Jemain, en 1981 aux éditions Calmann-Lévy [19]
- "Les nouvelles 200 familles. les dynasties de l'argent, du pouvoir financier et économique" par Gabriel Milési, aux Editions Belfond en 1990 [20]
- Claude Bellanger, Histoire générale de la presse française, Presses universitaires de France, 1969