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Commande H-infini

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Dans la théorie de la commande dans le domaine de l'automatique et de la théorie du contrôle, la synthèse H-infini ou H est une méthode qui sert à la conception de commandes optimales, imposant des contraintes sur la norme H-infini d'un système dynamique (minimisation, ou imposition d'une borne supérieure). La norme H-infini d'un système peut s'interpréter comme l'amplification énergétique maximale qu'il peut exercer en sortie par rapport à l'énergie de ses signaux d'entrée. Le terme H-infini provient de l'espace fonctionnel de Hardy du même nom[1].

Présentation

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La synthèse H-infini est une méthode qui sert à la conception d'un contrôleur capable de délivrer une commande optimale particulière, prenant en compte des contraintes sur le comportement énergétique attendu d'un système muni de ce contrôleur. Comme pour toute commande optimale, le mot « optimal » est ici utilisé dans un sens strictement mathématique, l'optimisation étant toujours relative à un objectif recherché.

  • En synthèse H-infini optimale, on cherche à obtenir un contrôleur qui minimisera le transfert d’énergie maximal des entrées du système vers les sorties du système.
  • En synthèse H-infini suboptimale, on cherche simplement un contrôleur pour lequel ce transfert d'énergie sera majoré par une valeur choisie à l'avance.

La commande H-infini a pour principal avantage de synthétiser des concepts liés :

  • à la commande classique, typiquement par son interprétation fréquentielle
  • au contrôle moderne, par son aspect MIMO, son interprétation temporelle, et sa capacité à tenir compte d'incertitudes modèle.

C'est une méthodologie très utilisée pour assurer la robustesse d'un contrôleur.

Le « infini » dans H-infini signifie que ce type de commande est conçu pour imposer des restrictions de type minimax au sens de la théorie de la décision (minimiser la perte maximale possible)[réf. nécessaire].

Définition de la norme H-infini

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D'un point de vue fréquentiel, si on considère la matrice de transfert d'un système dynamique linéaire stable qui à une entrée associe une sortie , la norme du système dynamique est donnée par le maximum de la valeur singulière (ou plus rigoureusement, par le supremum essentiel de la valeur singulière) de avec [1],[2]. Il s'agit de la définition de la norme de l'espace des matrices dont les coefficients appartiennent à l'espace de Hardy .

Cette définition a le mérite d'être visuellement claire dans le cas SISO, car la norme d'un système peut alors directement se déduire de la valeur de gain maximale de sur un diagramme de Bode. Dans ce cas, la norme d'un système peut également s'interpréter comme le rapport d'amplitude maximal entre un signal sinusoïdal d'entrée et le signal sinusoïdal de sortie associé (en régime permanent). La valeur où ce maximum est atteint fournit la fréquence de résonance maximale du système.

D'un point de vue temporel, si on considère un système dynamique stable (de condition initiale [3]) comme un opérateur entre des espaces fonctionnels de Lebesgue , qui à une entrée dans associe une sortie dans , alors la norme du système dynamique est définie comme le suprémum du rapport entre la norme des signaux de sorties et la norme des signaux d'entrées[2]. Formellement, il s'agit de la norme d'opérateur subordonnée aux normes des signaux.

Le carré de la norme d'un signal pouvant s'interpréter comme l'énergie de ce signal, il est ici clair que les critères sont des critères d'amplification maximale de l'énergie des signaux de sortie par rapport à l'énergie de leurs signaux d'entrée associés. Cette définition temporelle est équivalente à la définition fréquentielle dans le cas des systèmes linéaires, ce qui peut se démontrer à l'aide de l'égalité de Parseval. Elle a également le mérite de pouvoir se généraliser aux systèmes non-linéaires[4], ainsi qu'à des rapports de normes d'espaces fonctionnels autres que (on applique parfois des normes d'espaces de Sobolev[5]). Bien que le terme soit toujours employé en contrôle pour parler de ces généralisations, il n'y plus de rapport avec l'espace de Hardy qu'il désignait originellement.

Limitations

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Comme toutes les techniques de contrôle, la synthèse H-infini possède quelques désavantages. Il peut être par exemple difficile d'imposer un temps de réponse particulier à la sortie du système, ou encore un taux de dépassement maximal[5].

Formulation du problème

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Considérant le système représenté par la forme standard suivante:

Le système P possède deux entrées:

  • w représente les entrées extérieures, notamment le vecteur de consigne de commande, les perturbations et les bruits,
  • u représente le vecteur de commande ;

et deux sorties :

  • z les sorties à optimiser pour avoir un bon comportement de la commande
  • v les mesures disponibles utilisées par le contrôleur pour calculer la commande.

Toutes ces données sont d’une façon générale des vecteurs et P et K sont des matrices de transfert.

Le système précédent peut s’écrire en fréquentiel sous la forme:

avec le contrôleur :

Il est alors possible d’exprimer la relation entre z et w par:

est appelé la ‘’Transformation Linéaire Fractionnaire’’ (LFT) définie par:

L’objectif de la synthèse est de trouver le contrôleur tel que la norme de soit minimum. La norme de la matrice de fonctions de transfert est donnée par :

est la valeur singulière maximale de la matrice .

Il existe plusieurs méthodes permettant le calcul et l’optimisation de la norme  :

Applications

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La synthèse de commande est depuis le début des années 2000 utilisée dans le cadre du contrôle de structures flexibles des systèmes spatiaux comme les satellites [6] ou les lanceurs[7]. Ces systèmes possèdent des modes de flexions proches de la bande passante du contrôleur et dont les caractéristiques sont incertaines (fréquence, gain, amortissement). La méthode permet de garantir théoriquement une certaine robustesse de la stabilité du système (via la marge de module) tout en assurant les performances de réjection de perturbation.

Sur Ariane 5, le pilotage basé a ainsi permis de garantir la stabilité du lanceur tout en optimisant la commande de braquage de la tuyère, faisant économiser plusieurs centaines de kilos sur le liquide hydraulique de commande[8].

Articles connexes

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Notes et références

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  1. a et b « H^infinity-control-theory - Encyclopedia of Mathematics », sur encyclopediaofmath.org (consulté le )
  2. a et b « Interpretation of H-Infinity Norm - MATLAB & Simulink - MathWorks France », sur fr.mathworks.com (consulté le )
  3. Y.K. Foo, « H∞ Control With Initial Conditions », IEEE Transactions on Circuits and Systems II: Express Briefs, vol. 53, no 9,‎ , p. 867–871 (ISSN 1057-7130, DOI 10.1109/tcsii.2006.881807, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Jie Huang et Ching-Fang Lin, « Numerical approach to computing nonlinear H-infinity control laws », Journal of Guidance, Control, and Dynamics, vol. 18, no 5,‎ , p. 989–994 (ISSN 0731-5090 et 1533-3884, DOI 10.2514/3.21495, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b Daniel N. Cardoso et Guilherme V. Raffo, « Approximated solutions to the nonlinear H2 and H∞ control approaches formulated in the Sobolev space », 2018 European Control Conference (ECC), IEEE,‎ (DOI 10.23919/ecc.2018.8550612, lire en ligne, consulté le )
  6. H-infinity control for Telecommunication Satellites, C. Philippe, ESA,[1]
  7. Pilotage Robuste des Lanceurs, B. Clément, CNES, [2]
  8. Le Prix Alkan 2000 attribué pour un nouveau système de pilotage d'Ariane 5, Article Futura science du 11 février 2002

Références

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  • Daniel Alazard et al, Robustesse et Commande Optimale, Toulouse, Cepadues, , 348 p. (ISBN 2-85428-516-6)
  • Gilles Duc et Stéphane Font, Commande Hinfini et mu-analyse -- des outils pour la robustesse, Paris, Hermès-Science, , 121 p. (ISBN 2-7462-0041-4)