Bataille de Jarablous (2016)
Date | |
---|---|
Lieu | Jarablous |
Issue | Victoire de la Turquie et des rebelles |
Zekai Aksakalli Ahmed Osman |
300 à 500 hommes[1] 1 500 à 5 000 hommes[2] |
inconnues |
aucune[1] 1 mort[3] |
~ 50 morts[3] (selon les rebelles) ~ 100 morts[4] (selon la presse turque) |
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- Opération Griffe-Épée
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Coordonnées | 36° 49′ 04″ nord, 38° 00′ 58″ est | |
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La bataille de Jarablous oppose la Turquie et ses alliés à l'État islamique le , pendant la guerre civile syrienne. Elle marque le début de l'opération Bouclier de l'Euphrate.
Prélude
[modifier | modifier le code]À l'été 2016, la zone allant du poste frontière d'al-Raï jusqu'à la ville de Jarablous est la dernière contrôlée par l'État islamique le long de la frontière turque[5]. Cette zone est alors convoitée par les Forces démocratiques syriennes, dominée par les Kurdes du PYD, qui ont proclamé une « région fédérale » le et cherchent à unifier leur territoire, de Afrine jusqu'au gouvernorat d'Hassaké[6],[7],[8].
Le 31 mai 2016, les Forces démocratiques syriennes franchissent l'Euphrate et le 12 août, après une longue bataille, elles s'emparent de Manbij. Les FDS menacent alors al-Bab à l'ouest et Jarablous au nord, toujours contrôlés par l'EI. Afin d'apaiser Ankara, elles déclarent le 20 août qu'elles n'ont pour l'heure pas l'intention de faire mouvement sur Jarablous[9]. Mais pour la Turquie, la création d'une entité kurde autonome à sa frontière, contrôlée par le PYD, lié au PKK, est inacceptable[10]. Son objectif est alors de prendre de vitesse les Kurdes et d'occuper Jarablous avant ces derniers[10]. Le 22 août, les FDS annoncent la création d'un « Conseil militaire de Jarablus », mais son commandant, Abdulsattar Al-Kadiri, est assassiné le lendemain[6],[11],[12]. Les Kurdes accusent aussitôt les services secrets turcs[11].
Le 17 août, les rebelles basés à Azaz s'emparent du poste-frontière d'al-Raï[5]. Le 19 août, cinquante familles de combattants de l'État islamique évacuent Jarablous et se replient sur al-Bab[13]. Le 22 août, plusieurs centaines de rebelles venus d'Azaz et Bab al-Hawa prennent position du côté turc de la frontière[14],[15]. Le même jour, l'artillerie turque ouvre le feu et pilonne à la fois les positions de l'État islamique à Jarablous et celles des Forces démocratiques syriennes du côté de Manbij[16]. Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu déclare alors que la frontière « doit entièrement être nettoyée de Daech »[17]. Le 23 août, la population civile de la petite ville turque de Karkamış, située face à Jarablous, est évacuée[11].
Déroulement
[modifier | modifier le code]Le 24 août, à quatre heures du matin, l'armée turque et la coalition lancent l'opération sur la ville de Jarablous, peuplée de 30 000 habitants[18],[6],[19]. Les forces spéciales turques pénètrent les premières en territoire syrien, puis une dizaine de chars soutenus par l'aviation franchissent à leur tour la frontière[19],[20]. Les Américains engagent également des A-10 et des F-16 qui bombardent des positions de l'EI[21]. Selon le président Recep Tayyip Erdoğan, l'opération vise les « terroristes » de l'État islamique et du PYD[19].
Parmi les différents groupes rebelles qui prennent part à la bataille figurent la Division Sultan Mourad[10],[22],[23],[24], Faylaq al-Cham[22],[23],[15],[25],[24], la 13e division[23], Liwa Suqour al-Jabal[23], le Harakat Nour al-Din al-Zenki[26],[22],[23],[15],[25], le Front du Levant[23],[25],[24], Jaych al-Tahrir[23],[24], la Division al-Hamza[23],[25],[24], Liwa al-Fatah[23], Jaych al-Nasr[23], Ahrar Tal Rifaat[23], la Brigade al-Moutasem[23],[25] et Ahrar al-Cham[23],[15]. Les forces rebelles engagent entre 1 500 et 5 000 hommes selon les estimations[19],[2],[27]. Les troupes arabes portent un brassard rouge et les combattants turkmènes un brassard bleu[23].
Dans la journée du 24 août, en début d'après-midi, les rebelles prennent le village de Keklija, situé à 5 kilomètres à l'ouest de Jarablous et 3 kilomètres à l'intérieur du territoire syrien[19]. Les Turcs et les rebelles ne rencontrent qu'une faible résistance, dès le milieu de l'après-midi, après douze heures d'offensive, Jarablous est conquise et les combattants de l'EI se replient vers Al-Bab[28],[29],[3]. Le même jour, le Premier ministre turc souhaitait que l'opération se termine rapidement. Pour Ankara, il n'est pas question que l'armée turque reste plusieurs semaines sur le territoire syrien, avec des troupes au sol[30].
Le 25 août, la Turquie fait entrer en Syrie dix autres chars, des ambulances ainsi que des engins lourds par la ville de Karkamis[4]. Le lieutenant-général Zekai Aksakallı se rend à Jarablous pour inspecter les forces[31].
Les pertes
[modifier | modifier le code]Selon l'agence progouvernementale turque Anadolu, l'armée ne déplore aucune perte et les rebelles comptent un seul tué[3]. Un commandant de Faylaq al-Cham affirme également à l'agence Reuters qu'une cinquantaine de djihadistes ont été tués[3].
Le 25 août au matin, la presse turque annonce la mort d'une centaine de djihadistes[4].
Réactions internationales
[modifier | modifier le code]Dès la mise en place de l'opération, les réactions se multiplient. Le ministre syrien des Affaires étrangères réclame la fin de cette opération qu'il considère comme « une violation flagrante de la souverainté du pays »[32].
En France, un porte-parole du Quai d'Orsay annonce que « La France salue l'intensification des efforts de la Turquie dans la lutte contre Daech »[33]. De son côté, le président François Hollande assure: « comprendre cette attitude compte tenu de ce qu'a été le crime terroriste commis par Daech en Turquie ». Ainsi, le président de la République veut « qu'il y ait à travers cette action une volonté commune d'aller vers la négociation »[34]
L'Allemagne apporte son soutien à l'offensive militaire de la Turquie contre l'EI mais aussi contre les milices kurdes qu'elle considère comme une organisation terroriste[35].
Les États-Unis apportent leur soutien à une opération coup de poing turque indique un responsable américain sous couvert d'anonymat. Selon ce responsable, « Le soutien a pris la forme de partage de renseignements et de participation de conseillers militaires américains, et elle pourrait prendre la forme de soutien aérien au sol, si les Turcs en font la demande »[36]. En visite à Ankara, le vice-président américain Joe Biden déclare également que les YPG qui ont pris part à la prise de Manbij doivent se replier sur la rive est de l'Euphrate, faute de quoi ils perdront le soutien des États-Unis[37],[38],[3].
Salih Muslim, le coprésident du PYD, dénonce l'opération et affirme que : « La Turquie dans le bourbier syrien, sera vaincue comme Daech »[19].
De son côté Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, affirme que : « Moscou est profondément préoccupée par ce qu'il se passe à la frontière turco-syrienne. La possibilité d'une dégradation supplémentaire de la situation dans la zone du conflit est inquiétante »[39]. Mais la Russie ne condamne pas l'intervention[24]. Selon le géographe Fabrice Balanche, la Russie aurait échangé un moindre soutien aux Kurdes du PYD contre celui de la Turquie à la rébellion syrienne[40].
Le , le conseil religieux d'Ahrar al-Cham annonce apporter son soutien à l'intervention militaire turque au nord de la Syrie au nom de la « nécessaire présence d’une faction islamique sur les territoires libérés, pour ne pas laisser le champ libre aux forces contre-révolutionnaires du PKK et du PYD ». Cela provoque quelques tensions avec son allié du Front Fatah al-Cham, hostile à cette intervention[41].
Suites
[modifier | modifier le code]En janvier 2017, la Turquie forme une « police libre » à Jarablous, forte de 450 hommes et constituée en majorité d'anciens rebelles[42].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Aron Lund, « After Murky Diplomacy, Turkey Intervenes in Syria », Fondation Carnegie pour la paix internationale, .
- Anthony Samrani, « Syrie : Erdogan fait d’une pierre quatre coups », L'Orient-Le Jour, .
- Marie Jégo, « Syrie : l’offensive de l’armée turque marque un tournant dans la guerre », Le Monde, .
- Frédéric Autran, «Nous, Américains, avons une vision politique trop irréaliste du futur de la Syrie», Libération, .
Reportages
[modifier | modifier le code]- « Jarabulus, première étape de l'armée turque en Syrie », Le Journal du Dimanche, (consulté le ).
- Allan Kaval, « A Karkamis, à la frontière turco-syrienne, « Daech, c’est terminé » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- Olivier Riou, « Djarabulus, vitrine de l’intervention turque dans le nord de la Syrie », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- Delphine Minoui, « Syrie: la fragile liberté recouvrée de Djarabulus », Le Figaro, (consulté le ).
Vidéographie
[modifier | modifier le code]- (en) « Footage from inside recaptured IS town » [vidéo], BBC, .
- « SYRIE : Pourquoi Washington et Moscou trouvent un intérêt dans l’intervention turque ? » [vidéo], France 24, .
- Fatma Kizilboga, Mayssa Awad et Hussein Asad, « Vidéo : à Jarablus, en Syrie, les femmes libérées de l'EI mais toujours traumatisées » [vidéo], France 24, .
- « Syrie : à Jarablus, une reconstruction sous influence turque » [vidéo], France 24, .
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Syrie: La Turquie envoie 10 nouveaux chars, Le Figaro avec AFP, 25 août 2016.
- Delphine Minoui, « La Turquie s'engage au sol en Syrie », Le Figaro, (consulté le )
- Humeyra Pamuk et Jeff Mason, « Les rebelles syriens soutenus par Ankara ont repris Djarablous »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Reuters,
- « Syrie: La Turquie envoie 10 nouveaux chars », Le Figaro, (consulté le )
- Nicolas Enault, « CARTE. Comment le territoire contrôlé par l'Etat islamique en Syrie et en Irak a évolué pendant l'été », France Info, (consulté le )
- « Syrie: les rebelles annoncent avoir repris Jarablos au groupe Etat islamique », RFI, (consulté le )
- Catherine Gouëset, « Pourquoi la Turquie intervient en Syrie », L'Express, (consulté le )
- Sarah Leduc, « Carte : la frontière syrienne au cœur de la lutte entre Turcs et Kurdes », France 24, (consulté le )
- Angus McDowall, « Les combats entre Damas et Kurdes compliquent encore le conflit »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Reuters,
- Hala Kodmani, « La Turquie à l’offensive pour chasser l’EI et les Kurdes de sa frontière avec la Syrie », Libération, (consulté le )
- AFP, « La Turquie prête à soutenir une opération anti-EI à la frontière syrienne », Le Point, (consulté le )
- Marie Jégo, « Syrie : l’offensive de l’armée turque marque un tournant dans la guerre », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
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- « Depuis la Turquie, les rebelles syriens se préparent à la bataille de Jarablus », RFI, (consulté le )
- Laure Stephan, « Face à l’offensive turque, les rebelles syriens sont partagés », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- AFP, « L'artillerie turque bombarde l'EI en Syrie en réponse à des tirs de mortier sur son sol », sur www.romandie.com, (consulté le )
- Le Point avec AFP, « La Turquie veut "nettoyer" de Daech sa frontière avec la Syrie », Le Point, (consulté le )
- AFP, « Syrie: la Turquie et la coalition anti-EI lancent une opération à Jarablos », Le Point, (consulté le )
- Bulent Kilic et Fulya Ozerkan, « L'armée turque envoie ses F-16 et ses chars en Syrie contre l'EI », sur fr.news.yahoo.com, AFP, (consulté le )
- « Syrie: les rebelles soutenus par la Turquie ont pris Djarabulus », Le Figaro, (consulté le )
- L'Obs avec AFP, « Syrie: les États-Unis soutiennent l'opération anti-EI de la Turquie »,
- Thomas van Linge, « #Syria: after weeks of rumours #Turkey and its #FSA allies have launched their offensive on Jarabulus », twitter,
- Charles Lister, #Turkey jets, artillery & SOF - US jets, drones & SOF - FSA units All involved in offensive on #ISIS in Jarablus., twitter, 24 août 2016.
- Allan Kaval, « Les brigades syriennes du « Bouclier de l’Euphrate » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- Delphine Minoui, « En Syrie, la Turquie veut repousser à la fois l'État islamique et les milices kurdes », Le Figaro, (consulté le )
- Romain Caillet, Syrie :le groupe Nour ad-Din Zenki, ayant décapité un enfant à Alep, participe à la bataille contre l'#EI à Jarablus, twitter, 24 août 2016.
- (en) Michael Weiss, « Turkish Tanks Roll Into a Syrian Battlefield Turned Upside Down », The Daily Beast, (lire en ligne, consulté le )
- Le Monde avec AFP, « Les rebelles syriens soutenus par Ankara annoncent avoir repris la ville de Djarabulus », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- Luc Mathieu, « L'armée turque reprend Jarablous, contrôlée par l'EI », Libération, (consulté le )
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- « En visite en Turquie, Joe Biden ne cède pas sur l'extradition de Fethullah Gülen », RFI, (consulté le )
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- Fabrice Balanche, « Une année d'intervention militaire russe en Syrie : le grand succès de Vladimir Poutine », Le Figaro,
- Madjid Zerrouky, « En Syrie, l’« ennemi américain » exacerbe les tensions entre rebelles islamistes », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- « Syrie: une «police libre» formée par la Turquie pour assurer la sécurité », RFI, (consulté le )