Régent de France
Le régent ou la régente de France était le titre décerné à celui ou celle qui était désigné(e) pour exercer les prérogatives royales et gouverner le royaume de France pendant la minorité ou l'absence du roi de France. Des princes, reines et évêques ont été chargés de la régence par plusieurs modes de désignation. Le terme de cet exercice ayant été la majorité du roi, son retour en France ou sa mort (dans le cas du petit Jean Ier).
Le titre de régent n'est attesté qu'en , après la mort de Louis X le Hutin[1]. Le frère du roi défunt, Philippe le Long, est le premier à le porter. L'article « se conform(e) à l'usage » et l'emploie pour désigner Suger, Adèle de Champagne et Blanche de Castille[2].
À partir du XVe siècle et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, toutes les régences sont exercées par des femmes, à l'exception de celle de Philippe d'Orléans, de à [3].
À la Révolution, le comte de Provence, frère de Louis XVI, émigre. La Législative le déchoit de ses droits à la régence par décret des et [4]. Pour autant, une semaine après l'exécution du roi, par la déclaration de Hamm du , le comte de Provence prendra le titre de régent[5].
La régence est également exercée sous le Premier puis le Second Empire.
Étymologie
[modifier | modifier le code]Le substantif régent est un emprunt au latin regens, regentis, participe présent du verbe rego, regis, regere, rexi, rectum.
Causes
[modifier | modifier le code]La régence est établie lorsque le roi est dans l'incapacité de gouverner.
La minorité du roi est le cas le plus connu d'incapacité. Mais il en est d'autres comme l'aliénation mentale, l'absence du royaume voire la captivité.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le titre de régent n'est attesté qu'en , avec Philippe le Long[6],[1]. Celui-ci est le premier à s'intituler, en latin médiéval, « regis Francorum (ou Francie) filius, regens regna Francie et Navarre »[7], traduit, en français, « fils de roi de France, régent les royaumes de France et de Navarre »[8].
Sous l'empire de la Constitution du , la régence est régie par l'acte constitutionnel.
À la Restauration, la Charte constitutionnelle octroyée du ne traite pas de la régence. Il en est de même, sous la monarchie de Juillet, de la Charte constitutionnelle révisée du .
Sous le Premier Empire, la régence est régie par le titre IV du sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII ().
Sous le Second Empire, la régence est régie par le sénatus-consulte du .
Régents et régentes de France entre 885 et 1870
[modifier | modifier le code]- 885-887 : Charles III dit le Gros, roi de Francie orientale, en attendant la majorité de Charles III, frère cadet du défunt roi Carloman II. Il est déposé par les grands du royaume après les invasions vikings.
- 954-956 : Brunon de Cologne est régent pendant la minorité de Lothaire.
XIe siècle
[modifier | modifier le code]- 1060-1066 : Baudouin V, comte de Flandre, oncle de Philippe Ier (qualifié de tuteur[9] du roi), avec peut-être[10] Anne de Kiev, reine de France, mère de Philippe Ier, durant la minorité de Philippe Ier. En , Philippe fait savoir à Baudouin qu'ayant atteint l'âge de 14 ans, il était devenu majeur[11].
XIIe siècle
[modifier | modifier le code]- - : régence de Suger, abbé de Saint-Denis et principal conseiller de Louis VII, pour cause d'absence de celui-ci[12],[13] qui participe à la deuxième croisade. Suger exerce la régence assisté de Samson, archevêque de Reims[13], et de Raoul, comte de Vermandois[12],[13].
XIIIe siècle
[modifier | modifier le code]- - : première régence de la reine Blanche de Castille, veuve de Louis VIII et mère de Louis IX, pour cause de minorité de celui-ci, âgé de 12 ans à la mort de son père[14],[15].
- - : seconde régence de la reine Blanche de Castille, mère de Louis IX, pour cause d'absence du celui-ci[14],[15], dirigeant la septième croisade.
- - : conseil de régence, pour cause d'absence du roi Louis IX[15].
- : première lieutenance de Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et de Simon de Nesles, pour cause d'absence de Louis IX[16], assistés d'un conseil de régence[15].
- : seconde lieutenance de Mathieu de Vendôme et Simon de Nesles, pour cause d'absence de Philippe III[17].
XIVe siècle
[modifier | modifier le code]- : régence de Philippe, comte de Poitiers et futur Philippe V[15]. La régence débute à la mort de Louis X le Hutin, comme régence prénatale[18]. Elle se poursuit, à la naissance de Jean Ier le Posthume, comme régence de minorité[18].
- : régence de Philippe, comte de Valois et futur Philippe VI, entre la mort de Charles IV et la naissance posthume de sa fille Blanche.
- - : régence du Dauphin Charles, duc de Normandie, futur Charles V, fils de Jean II, pour cause d'absence du roi, celui-ci étant captif en Angleterre. Le Dauphin Charles est d'abord lieutenant-général du royaume de 1356 à 1358.
- 1364 : De nouveau le Dauphin Charles, pendant la seconde captivité de Jean II le Bon.
- 1380-1388 : Louis Ier, duc d'Anjou, oncle de Charles VI, pour cause de minorité du roi. À partir du sacre du roi[19], ses oncles (Louis Ier d'Anjou - jusqu'en 1384 ; Jean, duc de Berry ; Philippe II, duc de Bourgogne et Louis II, duc de Bourbon) exercent conjointement le gouvernement au sein d'un conseil de tutelle qui s'achève en 1388, bien après la majorité officielle de Charles VI en 1382.
- 1393- ? Isabeau de Bavière, dont le mari Charles VI est victime de folie, prend le rôle de régente officieuse, pour le compte des dauphins successifs.
XVe siècle
[modifier | modifier le code]- 1418-1422 : Charles, dauphin de Viennois, futur Charles VII[20].
- 1420-1422: régence de facto d' Henri V selon le traité de Troyes qui remet la régence au roi d'Angleterre jusqu'à la mort de Charles VI et qui doit revenir la couronne à la mort de ce dernier[20].
- - : régence de facto de Jean de Lancastre, duc de Bedford, oncle d'Henri VI d'Angleterre, pour cause de minorité du roi (dans le cadre de l'occupation anglaise du territoire pendant la guerre de Cent Ans)[15].
- 1483-1491 : Anne de France, duchesse de Bourbon, fille de Louis XI et de son mari Pierre de Beaujeu (1438-1503) durant la minorité de Charles VIII, leur frère et beau-frère. Elle n'est pas officiellement "régente de France", mais en exerce le pouvoir[21], tout en étant tutrice de son frère.
- 1494-1495 : Anne et Pierre exercent de nouveau la régence avec pour ce dernier le titre de Lieutenant Général du Royaume pendant l'absence de Charles VIII due aux guerres d'Italie[21].
XVIe siècle
[modifier | modifier le code]- : régence de Louise de Savoie, mère de François Ier, pour cause d'absence du roi[15], celui-ci étant en campagne militaire en Italie.
- - : régence de Louise de Savoie, mère de François Ier, pour cause d'absence du roi[15], celui-ci étant en campagne en Italie, puis prisonnier en Espagne.
- : première régence de la reine Catherine de Médicis, épouse du roi Henri II, pour cause d'absence de celui-ci[15] lors du voyage d'Allemagne[22].
- - : deuxième régence de la reine Catherine de Médicis, veuve du roi Henri II et mère du roi Charles IX, pour cause de minorité de celui-ci[15],[22], âgé de 10 ans et 6 mois[11]. La régence prend fin le , date du lit de justice tenu au parlement de Rouen[23],[11].
- - : lieutenance générale Antoine de Bourbon, roi de Navarre et premier prince du sang[24]. Le , Antoine de Bourbon ayant renoncé à ses droit à la régence, la régente le nomme, en contrepartie, lieutenant général du royaume[24].
- : lieutenance générale d'Henri, duc d'Anjou et futur Henri III[25]. À la mort du connétable Anne de Montmorency, Henri, âgé de 16 ans, est chargé de la lieutenance générale du royaume[25].
- : troisième régence de la reine Catherine de Médicis, mère du roi Henri III, pour cause d'absence de celui-ci[15] jusqu'à son retour de Pologne[22], dont il avait été élu roi.
XVIIe siècle
[modifier | modifier le code]- - : régence de la reine Marie de Médicis, veuve d'Henri IV et mère de Louis XIII, pour cause de minorité de celui-ci[15], âgé de 8 ans et 8 mois[11]. Le , Henri IV confie oralement la régence à son épouse[22]. Le lendemain, l’assassinat du roi transforme la régence en régence de minorité[22]. La régence prend fin le , date du lit de justice tenu au parlement de Paris[26],[27]. Marie de Médicis gouverne jusqu'en 1617.
- - : régence d'Anne d'Autriche, mère de Louis XIV, pour cause de minorité du roi[15], celui-ci étant âgé de 4 ans et 8 mois[11]. La régence prend fin le , date du lit de justice tenu au parlement de Paris[27]. Le cardinal de Mazarin gouverne jusqu'en 1661.
- : lieutenance générale de Gaston, duc d'Orléans[28].
- : régence de Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV, pour cause d'absence du roi[15] (régente du au , durant l'absence du Roi pour la Guerre de Hollande).
XVIIIe siècle
[modifier | modifier le code]- 1715-1723 : régence du duc Philippe d'Orléans, dit le Régent, oncle de Louis XV, pour cause de minorité du roi, celui-ci étant âgé de 5 ans et 7 mois[11]. Cette régence constitua un régime politique en soi : la Régence. La régence prend fin le , date du lit de justice tenu au parlement de Paris[29],[27].
- 1793-1795 : régence de jure de Louis, comte de Provence et futur Louis XVIII, oncle de Louis XVII, pour cause de minorité du roi[30].
- - : lieutenance générale de Charles, comte d'Artois et futur Charles X, frère de Louis XVIII[30]. Le , Louis XVIII confie à son frère la charge de lieutenant général du royaume[28]. Il la conserve jusque dans les premières semaines de la Première Restauration[28]. En , il précède Louis XVIII en France[28]. Le , il entre à Paris[28]. Le , le Sénat, sans le reconnaître comme lieutenant général du royaume, lui en confie le gouvernement provisoire[28]. Il l'exerce jusqu'au , date de l'arrivée de Louis XVIII[28].
XIXe siècle
[modifier | modifier le code]- 1812-1814 : Marie-Louise d'Autriche, impératrice des français, seconde épouse de Napoléon, exerce la régence lors des guerres de la sixième coalition.
- 1815 : Joseph Bonaparte, ancien roi de Naples et d'Espagne, frère ainé de Napoléon, il exerce la régence pendant la minorité de son neveu Napoléon II durant les Cent-Jours.
- 1830 : Louis-Philippe duc d'Orléans, lieutenant général du royaume depuis le , désigné comme régent par le roi Charles X qui abdique le , à la suite de la renonciation de son fils le duc d'Angoulême (Louis XIX) et à l'avènement de son petit-fils Henri V (duc de Bordeaux) âgé de 10 ans. Le , le duc d'Orléans devient roi des Français.
- : première régence de l'impératrice Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, pour cause d'absence de celui-ci, campagne d'Italie[31]. La régence débute le et prend fin le [32].
- : seconde régence de l'impératrice Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, pour cause d'absence de celui-ci, lors du voyage de l'empereur en Algérie française. La régence débute le et prend fin le [32].
- : troisième régence de l'impératrice Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, pour cause d'absence de celui-ci[31], lors de la guerre franco-prussienne. La régence prend fin le , avec la proclamation de la République[32].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Cosandey 1997, p. 806.
- Berger 1900, p. 424-425.
- Cosandey 1997, n. 58, p. 818.
- D. des et .
- Pestel 2015, § 17.
- Berger 1900, p. 424.
- Berger 1900, p. 416-417.
- Berger 1900, p. 417.
- Lottin, Alain : Histoire des Provinces Françaises du Nord, tome 2, Westhoek Éditions des Beffrois 1989 (ISBN 2-87789-004-X).
Douxchamps, Cécile et Josait : Nos dynastes médiévaux, Wepion-Namur 1996 (ISBN 29600078-1-6); ces auteurs donnent les dates de 1060-1065 pour la tutelle de Baudouin V. - Duc de Castries : Philippe Ier in Rois et Reines de France Tallandier 1979 (ISBN 2-235-00655-8); l'auteur indique que la reine n'exerça pas la régence.
- Corvisier 2002, p. 214.
- Berger 1900, p. 414.
- Corvisier 2002, p. 212.
- Berger 1900, p. 415.
- Corvisier 2002, tab. 4, p. 207.
- Berger 1900, p. 415-416.
- Berger 1900, p. 416.
- Corvisier 2002, p. 204.
- Calmette, Joseph, Les grands ducs de Bourgogne, Albin Michel, Paris, 1949
- Autrand, Françoise, Charles VII, Fayard, 2007. Durant les périodes de « folie » de Charles VI, il n'y a pas eu de régence. Le gouvernement est assuré par le Conseil royal.
- Aubrée David-Chapy, Anne de France, gouverner au féminin à la Renaissance, Passés Composés, , 285 p. (ISBN 978-2-3793-3276-0)
- Corvisier 2002, p. 213.
- Bidouze et Mengès-Mironneau 2011, § 8.
- Barbiche 2003, s.v.Lieutenant général du royaume, p. 741, col. 1.
- Barbiche 2003, s.v.Lieutenant général du royaume, p. 741, col. 1-2.
- Bidouze et Mengès-Mironneau 2011, § 7.
- Corvisier 2002, p. 215.
- Barbiche 2003, s.v.Lieutenant général du royaume, p. 741, col. 2.
- Bidouze et Mengès-Mironneau 2011.
- Corvisier 2002, p. 216.
- Corvisier 2002, tab. 4, p. 208.
- Étèvenaux 2012.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Textes officiels
[modifier | modifier le code]- [D. des et ] Décret des et .
- Acte du , dans Bulletin des lois du royaume de France, IXe série, no 1, , texte no 4, p. 4.
- Proclamation du , dans Bulletin des lois du royaume de France, IXe série, no 2, , texte no 14, p. 11.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- [Barbiche 2003] Bernard Barbiche, « Lieutenant général du royaume », dans Lucien Bély (dir.), Dictionnaire de l'Ancien Régime : royaume de France, XVIe – XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige / Dicos poche », (réimpr. ), 2e éd. (1re éd. ), 1 vol., XV-1384, 20 cm (ISBN 978-2-13-054033-5, EAN 9782130540335, OCLC 417445780, BNF 39084242, SUDOC 075611864, présentation en ligne), p. 741.
- [Berger 1900] Élie Berger, « Le titre de régent dans les actes de la chancellerie royale », Bibliothèque de l'École des chartes, t. 61, , p. 413-425 (DOI 10.3406/bec.1900.452604, JSTOR 43004186, lire en ligne, consulté le ).
- [Bidouze et Mengès-Mironneau 2011] Frédéric Bidouze et Claude Mengès-Mironneau, « Le lit de justice en image et en décor, un peintre « galant » pour un règne majeur », Parlement[s] : revue d'histoire politique, no 15, , p. 136-143 (lire en ligne, consulté le ).
- [Corvisier 2002] André Corvisier, « Pour une enquête sur les régences », Histoire, économie et société, vol. 21e année, no 2, , p. 201-226 (DOI 10.3406/hes.2002.2298, lire en ligne, consulté le ).
- [Cosandey 1997] Fanny Cosandey, « De lance en quenouille : la place de la reine dans l'État moderne (XIVe – XVIIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 52e année, no 4, , p. 799-820 (DOI 10.3406/ahess.1997.279602, lire en ligne, consulté le ).
- [Cosandey 2005] Fanny Cosandey, « Puissance maternelle et pouvoir politique : la régence des reines mères », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, no 21 : « Maternités », , p. 69-90 (DOI 10.4000/clio.1447, résumé, lire en ligne, consulté le ).
- [Étèvenaux 2012] Jean Étèvenaux, « Les trois régences de l'impératrice Eugénie », Revue du Souvenir Napoléonien, no 492, , p. 12 p. (lire en ligne, consulté le ).
- [Lebecq 2004] Stéphane Lebecq, « La charte de Baudouin V pour Saint-Pierre de Lille () : une traduction commentée », Revue du Nord, nos 356-357, , p. 567-583 (DOI 10.3917/rdn.356.0567, résumé, lire en ligne, consulté le ).
- [Pestel 2015] Friedemann Pestel, « Monarchiens et monarchie en exil : conjonctures de la monarchie dans l'émigration française, - », Annales historiques de la Révolution française, no 382, , p. 3-29 (résumé, lire en ligne, consulté le ).
- [Rey 2011] Alain Rey (dir.) (avec la collab. de Marianne Tomi, Tristan Hordé et Chantal Tanet), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, (réimpr. 2011), 4e éd. (1re éd. 1992), 1 vol., XIX-2614, 29 cm (ISBN 978-2-84902-646-5 et 978-2-84902-997-8, EAN 9782849026465, OCLC 757427895, BNF 42302246, SUDOC 147764122, lire en ligne), s.v.régent.