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Asylum (Rome antique)

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Asylum
Lieu de construction Capitole
Date de construction VIIIe siècle av. J.-C.
Ordonné par Romulus
Type de bâtiment Sanctuaire, aire sacrée
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Asylum (Rome antique).
Asylum
Localisation de l'Asylum sur une carte topographique de la Rome antique (en rouge)

Coordonnées 41° 53′ 36″ nord, 12° 28′ 59″ est
Liste des monuments de la Rome antique

L'Asylum est un espace à ciel ouvert situé sur la colline du Capitole à Rome. Selon la tradition, cet espace doit son nom à l'institution fondée par Romulus destinée à offrir un refuge à tout individu, quelle que soit sa condition, souhaitant accéder à la citoyenneté romaine.

Localisation

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L'Asylum est situé inter duos lucos (« entre deux bois sacrés » ou « entre deux sources sacrées »[1]) qu'il est difficile d'identifier[2]. Il est précisé par les sources antiques qu'il se trouve également inter Arcem et Capitolium, c'est-à-dire qu'il occupe l'ensellement formé par les deux sommets du Mons Capitolinus, l'Arx et le Capitolium[3].

Fugitifs venant demander l'asile devant le temple de Jupiter Capitolin, fresque des cousins Carracci, Bologne, v. 1590-1591.

L'Asylum est considéré et respecté comme un locus saeptus[a 1], un lieu protégé par le droit d'asile, depuis son institution par Romulus jusqu'au milieu du Ier siècle et l'incendie du Capitole consécutif à la lutte pour le pouvoir entre Vitellius et Vespasien[2].

« Entre-temps la ville s'étendait et annexait sans cesse de nouveaux espaces à l'intérieur de ses remparts, qu'on édifiait bien plus dans la perspective d'une population à venir qu'en fonction du nombre d'habitants qui l'occupaient à ce moment-là. Ensuite, pour ne pas laisser vide une ville de cette taille et en accroître la population, Romulus recourut au vieux stratagème des fondateurs de villes, qui en attirant sur leur territoire des masses anonymes de basse extraction prétendaient mensongèrement que la terre avait pour eux engendré une race : il ouvrit alors comme asile l'endroit qui forme maintenant un enclos sur la pente entre les deux bois sacrés. De peuples voisins afflua une masse de gens, désireux avant tout de changer de vie et dont on ne s'inquièta pas de savoir s'ils étaient libres ou esclaves. Tel fut le noyau de la puissance annonçant notre grandeur naissante. »

— Tite-Live, Histoire romaine, I, 8, 4-6

Le temple de Véiovis semble avoir été étroitement associé à la fonction de refuge de l'Asylum[4]. Le temple permet aux suppliants de se placer sous la protection du culte capitolin[5]. Il est possible que les individus ne respectant pas le droit d'asile aient pu être voués à Véiovis par le biais de la sacratio[6].

Description

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À l'origine, l'Asylum correspond à une zone boisée, le lucus Asyli. Puis il est aménagé en une aire de forme trapézoïdale libre de tout édifice, fermée par une palissade dans un premier temps puis par un haut mur de pierre[a 2]. Du temps d'Auguste, le mur semble avoir disparu mais l'espace est toujours délimité et considéré comme clos[3].

Importance culturelle

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Denier romain montrant, à l'avers, un temple romain avec la légende « Clementiae Caesaris » (« la clémence de César »), et au revers, un aurige avec une couronne triomphale et une palme,au nom du consul P. Sepullius Macer, 44 av. J.-C..

Dans le récits antiques de la fondation de Rome, l'Asylum est évoqué pour expliquer le premier peuplement de la ville en corrélation avec l'enlèvement des Sabines. Cependant, alors que l'épisode des Sabines apparaît très tôt dans les sources, dans une tragédie d'Ennius (IIIe – IIe siècle av. J.-C.) et dans le monnayage, l'asile n'est guère évoqué avant la fin de la République. Selon l'historienne britannique Emma Dench (en), Cicéron, dans le dialogue De Oratore, est le premier auteur connu à attribuer à Romulus le rassemblement « de bergers et de migrants ». En général, les Romains éprouvent une certaine répugnance à admettre, aux origines de leur ville, un ramassis de vagabonds et de hors-la-loi : ainsi, le même Cicéron reproche à Caton le Jeune de discourir « comme si nous étions dans la République de Platon et non dans la fange de Romulus », le mot latin faex évoquant à la fois les déchets et les excréments. Le mot asylum, emprunté au grec, est encore ressenti comme exotique par Tite-Live qui parle des sanctuaires « que les Grecs appellent asyla » (livre 35). Un de ses premiers emplois en contexte romain se trouve dans Dion Cassius (47.19) qui note qu'en 42 av. J.-C., deux ans après l'assassinat de Jules César, le peuple romain vote l'octroi du droit d'asile au temple de César divinisé (Divus Iulius), honneur sans précédent pour lequel Dion fait référence à l'asylum de Romulus, en rapport avec le thème de propagande de la « clémence de César »[7].

Représentation artistique

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Une des rares représentations artistiques de l'Asylum est une fresque réalisée à la fin du XVIe s. par les cousins Lodovico, Agostino et Annibale Carracci, au Palais Magnani à Bologne. Cinquième scène d'une série sur la vie de Romulus, elle représente deux groupes de fugitifs, dans un paysage forestier, se dirigeant vers le temple de Jupiter Capitolin. Sous l'image est inscrite une devise latine : « Sacrarium praebat securitatem », « Que le sanctuaire donne la sécurité ». Cette œuvre illustre la volonté des cousins Carracci et de leur commanditaire, Lorenzo Magnani, de montrer Bologne à la Renaissance comme une ville ouverte et accueillante dont les nobles habitants, comme ceux de l'ancienne Rome, assurent la sécurité de leurs hôtes[8].

Plan intemporel du Capitole antique
Auguraculum
Iseum
Casa Romuli
Autel
Tensarum
Centus
Gradus
Porta Pandana
Temple de
Janus
Temple de
Junon Sospita
Temple de
Spes
Inter duos lucos
Clivus
Argentarius
Temple de
Vénus
Érycine
Temple de
Mens (?)
Temple de
Fides (?)
Temple
d'Ops (?)
T. de Vénus
Victrix (?)
T. du
Genius publicus
populi Romani
 (?)
T. de Fausta
Felicitas
 (?)

Notes et références

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  • Sources modernes :
  1. Wiseman 1993, p. 130.
  2. a et b Richardson 1992, p. 40.
  3. a et b Thein 2008.
  4. Freyburger 1992.
  5. Freyburger 2003.
  6. Freyburger 2003, p. 166.
  7. Emma Dench, Romulus' Asylum: Roman Identities from the Age of Alexander to the Age of Hadrian, Oxford University, 2005, p. 11 à 18.
  8. Emma Dench, Romulus' Asylum: Roman Identities from the Age of Alexander to the Age of Hadrian, Oxford University, 2005, p. 1 à 5.
  • Sources antiques :
  1. Cicéron, De Divinatione, II, 40
  2. Ovide, Fastes, III, 341
  • Autres sources antiques :

1. Virgile, Énéide, II, 761
2. Servius, Commentaires de l'Énéide de Virgile, VIII, 342
3. Tite-Live, Histoire romaine, I, 8 : locum, qui nunc saeptus descendentibus inter duos lucos est, asylum aperit
4. Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, II, 15
5. Strabon, Géographie, V, 230
6. Tacite, Histoires, III, 71
7. Plutarque, Vie de Romulus, 9
8. Dion Cassius, Histoire romaine, XLVII, 19
9. Velleius Paterculus, Histoire romaine, I, 8
10. Florus, Épitomes, I, 1
11. Schol. Iuv., VIII, 273
12. Pseudo-Aurelius Victor, de vir. ill., 2, 1

Bibliographie

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  • (en) Filippo Coarelli, Rome and environs : an archaeological guide, University of California Press, , 555 p. (ISBN 978-0-520-07961-8)
  • (en) Lawrence Richardson, A New Topographical Dictionary of Ancient Rome, Baltimore, (Md.), Johns Hopkins University Press, , 488 p. (ISBN 978-0-8018-4300-6, BNF 36669536, présentation en ligne)
  • (en) T. P. Wiseman, « Asylum », dans Eva Margareta Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Urbis Romae, vol. I, Rome, Edizioni Quasar, , p. 130
  • (en) Alexander H. Thein, « Asylum », Digital Augustan Rome,‎ (lire en ligne)
  • G. Freyburger, « Le droit d'asile à Rome », LEC, no 60,‎ , p. 139-151
  • G. Freyburger, « Le dieu Véiovis et l'asile accordé à Rome aux suppliants », dans M. Dreher, Das Antike Asyl : kultische Grundlagen, Rechtliche Ausgestaltung und Politische Funktion, Cologne, , p. 161-175
  • [Briquel 1997] Dominique Briquel, Le regard des autres : les origines de Rome vues par ses ennemis (début du IVe siècle – début du Ier siècle av. J.-C.), Besançon, Presses universitaires franc-comtoises (diff. Paris, Les Belles Lettres), coll. « Institut Félix-Gaffiot » (no 14), coll. « Institut des sciences et techniques de l'Antiquité » (no 158), coll. « Annales littéraires de l'université de Besançon » (no 623), , 1re éd., 1 vol., 210-[6], 24 cm (ISBN 978-2-251-60623-1, EAN 9782251606231, OCLC 467948157, BNF 37021924, DOI 10.3406/ista.1997.2114, SUDOC 007784244, lire en ligne [fac-similé]), chap. 3 (« Autour de Mithridate : le retournement de la tradition romaine, ou pourquoi Denys d'Halicarnasse entreprend une œuvre historique »), en part. § [4] (« La question de l'asile romuléen »), p. 127-131.
  • (en) Emma Dench, Romulus' Asylum: Roman Identities from the Age of Alexander to the Age of Hadrian, Oxford University, 2005, [1]

Articles connexes

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