Joseph Moerman
Joseph Moerman est un prêtre belge qui a marqué les activités en faveur de l’enfance au plan international.
Biographie
Né à Courtrai le 2 mars 1920, Joseph Moerman fait ses études primaires à l’Ecole des Frères des Ecoles Chrétiennes. Au Collège Saint-Amand, il suit les cours jusqu’à la fin de la Rhétorique. Il entre alors au Petit Séminaire, à Roeselare, où il suit deux années d’études, de 1938 à 1940. A cette époque, il est très proche du Chanoine Dubois, fondateur de la KSA, et il est très engagé dans ce mouvement de jeunesse catholique.
Après trois années de formation au Grand Séminaire de Bruges, il est ordonné prêtre en décembre 1943.
De 1943 à 1947 il étudie la théologie à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Louvain (KUL). Sa dernière année est consacrée à la préparation de sa thèse de doctorat : « De Grondslagen der Christelijke Ethica bij Emil Brunner » (« Les fondements de l’éthique chrétienne, chez Emil Brunner ». Mais le sujet qu’il a choisi pour sa thèse, soit l’œuvre d’un théologien suisse de l’église réformée, déplaît à son évêque, Mgr. Henri Lamiroy. A cela s’ajoute le fait qu’il souffre d’une sévère crampe de l’écrivain qui retarde l’achèvement de la thèse, laquelle ne sera pas défendue.
Pendant ces années d’étudiant universitaire, Joseph Moerman noue déjà ses premiers contacts dans la vie internationale. En août 1946 il participe avec la Fédération belge des étudiants catholiques à une rencontre organisée par Pax Romana à Estavayer-le-Lac, Suisse. Il y rencontre des étudiants et des intellectuels de différents pays, qui tous marqueront la pensée chrétienne de leurs pays respectifs et avec lesquels J. Moerman gardera toujours des liens d’amitié.
De 1947 à 1955, Joseph Moerman est nommé Professeur de Rhétorique (classe terminale du secondaire), d’abord au Collège de Tielt, en régime néerlandophone, où il aura comme élève le futur Cardinal Godfried Danneels, ensuite au Collège de Mouscron, en régime francophone. Selon ses propres souvenirs, ces 7 années comme professeur ont été du temps béni. D’une part, il refait ses humanités, ou plutôt il les fait, car les textes de l’enseignement sont en fait des textes pour adultes. Il sera toujours convaincu qu’il ne faut pas aborder les études secondaires trop tôt.
Fin mars 1955 il est envoyé à Léopoldville (l’actuelle Kinshasa) pour organiser le Bureau de l’Enseignement Catholique (BEC), pour l’ensemble des territoires – à cette époque belges - de l’Afrique, Congo et Ruanda-Urundi. Il est Président du BEC jusqu’en 1960. Fonction importante, car l’enseignement représente une part importante du budget des colonies.
En 1960 il est nommé Directeur, à Brazzaville, du Secrétariat Régional pour l’Afrique sub-saharienne et Madagascar (SRAM) de l’Office International de l’Enseignement Catholique. En août 1965 se tient à Léopoldville-Kinshasa la Première Conférence Panafricaine de l’Enseignement Catholique (COPEC), organisée par l’OIEC pour connaître la situation de l’enseignement catholique dans l’ensemble de la société en Afrique et la pensée de l’Eglise au sujet de cet enseignement. Rentré en Europe en 1965 suite aux troubles de l’indépendance du Congo, Joseph Moerman travaille à la rédaction du rapport de la COPEC, qui paraît sous le titre « L’enseignement catholique au service de l’Afrique ». Une traduction anglaise est publiée sous le titre : « Catholic education in the service of Africa ».
Le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE), fondé en 1948 à Paris par l’Abbé Gaston Courtois, traverse en 1965-1966 une période difficile. Ses responsables demandent à l’évêque de Bruges, Mgr. De Smedt, de mettre J. Moerman à la disposition du BICE pour occuper le poste vacant de Secrétaire Général. Il débute dans cette fonction le 1er avril 1967. Installé provisoirement à Rome, J. Moerman ne tarde pas à transférer le secrétariat général du BICE à Genève, lieu qu’il considère le plus approprié pour une organisation internationale à statut consultatif auprès des Nations Unies.
Certaines commissions de travail du BICE sont restées actives. De son côté, J. Moerman lance bientôt depuis le secrétariat général des initiatives propres qui vont dynamiser le rôle international du BICE.
Ayant été témoin en Afrique de la détresse des familles de prisonniers, il lance une étude internationale sur « Les enfants de détenus », qui a eu une répercussion certaine. Une autre question qui préoccupe beaucoup J. Moerman à l’époque est « La protection de l’assistance humanitaire internationale face à la souveraineté des Etats ». Néanmoins, son travail dans ce domaine ne dépasse pas l’organisation de quelques rencontres d’experts qualifiés, et quelques documents de travail.
Son temps est en effet déjà accaparé par deux tâches : la participation du BICE à l’Année Internationale de la Population (1974) et surtout la préparation de l’Année Internationale de l’Enfant – AIE (1979).
La Conférence des Organisations Internationales Catholiques avait créé un groupe de réflexion et d’étude dans le cadre de l’Année et de la Conférence de la Population. Les documents de travail de ce groupe sont rassemblés dans l’ouvrage publié aux éditions Le Centurion en 1975 : « Le Problème de la Population – Une interpellation aux hommes de notre temps » (Le Centurion, 1975, ISBN 2.227.31514.8). Des réactions de la part des autorités vaticanes imposent un changement de l’introduction. L’ouvrage paraît finalement comme « dossier présenté par Joseph Moerman ». Il est suivi d’une traduction anglaise, The Population Problem (Search Press Ltd. London, 1975, ISBN 0 85532 360 4) et d’une traduction en espagnol, El problema de la población (Editorial Verbo Divino, 1976, ISBN 84 7151 190 8). Lors de la Conférence Mondiale de la Population à Bucarest, le Chanoine Moerman est invité à faire une Déclaration au nom de toutes les religions à la Session de clôture de la Tribune de la Population, le 30 août 1974.
Parallèlement se poursuit la préparation de l’Année Internationale de l’Enfant dont l’initiative revient au BICE et à son secrétaire général. Le Président du BICE, le Prof. Michel Falise, écrit le 3 janvier 1973 à Kurt Waldheim, secrétaire général des Nations Unies, pour proposer la célébration d’une année internationale de l’enfant. Kurt Waldheim répond favorablement le 29 janvier. Le projet est voté par l’Assemblée Générale de l’ONU le 21 décembre 1976. Dans son effort de promotion de l’AIE, le Chanoine Moerman reçoit l’appui de la Reine Marie José d’Italie, qui met à sa disposition son réseau de relations influentes[1].
Une collaboration intense s’établit entre le BICE et l’UNICEF. L’activité déployée par le Chanoine Moerman lui vaut l’appellation de « Père de l’Année Internationale de l’Enfant ». De 1977 à 1980, il préside le Comité des organisations non gouvernementales pour l’AIE, qui regroupe les ONG actives dans la préparation. D’emblée, l’idée d’une coûteuse conférence mondiale a été écartée ; la célébration de l’AIE s’est concentrée sur des initiatives locales lancées dans les pays, les villes, les groupements et associations de tout bord ; elle a rencontré un franc succès.
Le problème des « enfants dans la rue » s’est révélé dans toute sa gravité au cours de l’AIE. Dès fin 1980, le BICE propose l’idée d’un programme international. Sous la présidence de J. Moerman, le Programme Inter-ONG « Enfants et Jeunes de la rue » démarre dans les locaux du BICE le 1er septembre 1982 et sera opérationnel pendant trois ans, jusqu’à fin août 1985. Au terme de ces trois ans une nouvelle ONG, dont J. Moerman est Président-fondateur, est constituée le 7 avril 1986 : « Childhope – An International Movement on behalf of Street Children and Street Youth ».
Une autre organisation internationale a vu le jour en 1979 dans le sillage de l’Année Internationale de l’Enfant : Defence for Children International (DCI), spécialement sensible au non respect des droits des enfants. L’idée a germé chez Nigel Cantwell, alors au service de l’Unicef, et elle a reçu dès le début le soutien de J. Moerman qui en a accepté la présidence.
Les atteintes aux droits de l’enfant ont apparu au grand jour au cours de l’AIE. Les études et conclusions de l’Année ont fait progresser l’idée de la nécessité d’un instrument juridique qui garantisse le respect des droits de l’enfant. En 1983 s’est constitué un Groupe ad hoc d’ONG pour la Rédaction de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, dont Joseph Moerman a assumé la présidence. Pendant les années qui vont suivre, les représentants des gouvernements et des ONG travaillent à mettre au point les 54 articles de la Convention. Adopté à l’unanimité par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, le traité est entré en vigueur le 2 septembre 1990 après avoir obtenu les vingt premières ratifications par les Etats parties.
Le Chanoine Moerman prend sa retraite au BICE fin mars 1985. De 1985 à 1987 il préside le Comité des ONG à statut consultatif auprès de l’UNICEF et de 1988 à 1995 l’UNICEF le nomme à titre personnel Conseiller spécial auprès de l’organisation.
Par sa participation à de nombreuses rencontres internationales, il apporte une contribution substantielle à la création du Comité des ONG pour la Famille auprès du Centre des Nations Unies pour le Développement Social et les Affaires Humanitaires (CSDHA), à Vienne, et au lancement de l’Année Internationale de la Famille (1994).
Pendant 25 ans, le Chanoine Moerman a résidé à la Providence Pouponnière, comme aumônier de la communauté religieuse en charge de cette institution. Il s’est installé en 1994 à la Maison de Retraite du Petit Saconnex, à Genève. C’est dans cette institution qu’il s’est éteint le 28 février 2012.
J. Moerman fut nommé chanoine honoraire de l’évêché de Bruges en 1956. En 1980 le Roi Baudouin de Belgique l’a honoré des insignes de Commandeur de l’Ordre de la Couronne pour les services rendus à l’enfance au long de sa carrière. Il a reçu en 1985 la Médaille Sforza qui récompense les activités philanthropiques et le gouvernement polonais lui a attribué « L’ordre du sourire » pour son action en faveur des enfants.
Le Chanoine Moerman n’a jamais tenu un journal proprement dit en vue d’écrire des mémoires. Tout au long de sa carrière plutôt activiste, et à la fin de ses journées chargées, il a régulièrement mis par écrit ses réflexions sur le sens de la destinée humaine, problème qu’il mûrissait depuis sa jeunesse. Ces notes permettent de suivre l’évolution de sa pensée et les réactions que lui inspirent les événements du monde et de la société. Il laisse également un certain nombre d’articles, dont certains publiés, de même qu’une grande partie de ses homélies dominicales. L’ensemble de ses archives a été transmis en 2011 au KADOC à Louvain (Leuven).
Un témoignage:
Quand J. Moerman prend sa retraite, le Prof. Falise, ancien président du BICE, s’exprime ainsi dans la revue du BICE « Enfants de Partout N° 23 déc. 1985 » :
J’ai effectivement accompagné l’action du Chanoine Moerman pendant mes huit années de Présidence au BICE, de 1972 à 1980. Une chose m’a frappé d’emblée : c’était l’ampleur de sa réflexion et de ses perspectives. M. Moerman avait un sens aigu de ce que pouvait et devait être la présence des chrétiens dans le monde d’aujourd’hui, et notamment dans la vie internationale. Il était extrêmement sensibilisé aussi à toutes les dimensions du problème de l’enfance. Et sa grande ambition était de faire du BICE le lieu de rencontre des chrétiens à propos de l’enfance, aussi bien pour stimuler leur coopération que pour leur permettre une présence internationale plus forte et plus dynamique au service des enfants.
Ces deux objectifs, renforcement interne et rayonnement externe, ont été patiemment et obstinément poursuivis. Le BICE, sous l’impulsion de M. Moerman, a réussi à élargir ses bases, à diversifier ses relations, à modifier en conséquence ses statuts, et est devenu progressivement cette grande plate-forme de chrétiens sur les problèmes de l’enfance.
Simultanément, le BICE s’est imposé dans le monde international comme une ONG particulièrement compétente et dynamique. C’est le BICE, et plus particulièrement son Secrétaire Général, qui a été le promoteur décisif de l’Année Internationale de l’Enfant et y a assumé des responsabilités de tout premier plan. C’est ainsi qu’en quelques années le BICE est devenu plus fort, plus cohérent, a pu bénéficier d’un grand prestige international et rendre à l’Eglise, comme à l’enfance, des services considérables.
Une transformation aussi radicale ne s’est pas opérée sans peine. Toute organisation a tendance à se replier sur elle-même, à s’intéresser de façon prioritaire à ses problèmes et tensions internes. Ce fut un des grands mérites de M. Moerman que de porter sans cesse son regard à l’extérieur, de nourrir une vision prophétique de ce que nous avions à être et à faire dans la vie internationale, de nous interpeller résolument pour nous mettre en état d’y assumer nos responsabilités.
Publications
- (dir.), L'enseignement catholique au service de l'Afrique, Doornik, 1966
- (dir.), Le problème de la population, Paris, 1975
- Vers un nouveau millénaire, sans rêver mais en espérant, dans: Espérer, réponses à un appel, Genève, 1997[2].
Lien externe
- B.I.C.E. Bice.org
Sources
- KADOC Louvain, Archives du chanoine Joseph Moerman.
- Evêché de Bruges, archives
Références
- La Libre, http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/8548/l-action-discrete-de-marie-jose.html
- http://books.google.fr/books?id=UqSj4pmA80AC&printsec=frontcover&dq=esp%C3%A9rer&hl=fr&ei=dpNNTLq2M5OK4gbdw9GaDA&sa=X&oi=book_result&ct=book-thumbnail&resnum=2&ved=0CDMQ6wEwAQ#v=onepage&q&f=false