Projet Desertec
Le Projet Desertec est un projet éco-énergétique de grande envergure mené par la Desertec Foundation.
Il a été créé sous les auspices du Club de Rome et de la Trans-méditerranéen pour la coopération sur les énergies [1].
Il s'agit de créer un réseau interconnecté alimenté par des centrales solaires du Maroc à l’Arabie Saoudite (également relié via Gibraltar) et des câbles sous-marins à l’Europe.
DESERTEC vise à la fois à répondre en grande partie aux besoins des pays producteurs d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et à fournir 15% (dans un premier temps) de l'électricité nécessaire à l'Europe.
Le projet Desertec repose sur le principe que chaque km2 de désert reçoit annuellement « une énergie solaire équivalent à 1,5 million de barils de pétrole. La surface totale des déserts sur la planète entière fournirait plusieurs centaines de fois l'énergie utilisée actuellement dans le monde[2] » ; couvrir 0,3% des 40 millions de km2 de déserts de la planète en centrales thermiques permettrait de couvrir les besoins électriques de la planète en 2009 (environ 18 000 TWh/an)[3].
Étapes du projet
Le protocole d'accord du projet a été signé par douze sociétés basées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, le 13 juillet 2009 à Munich[4],[5].
- Un bureau d'étude dédié devrait être opérationnel avant le 31 octobre 2009 pour travailler sur un avant projet incluant un plan de financement avant fin 2012.
- Une première étape pourrait être un « pilote » de 1 GW (peut-être en Egypte [6]) visant à tester la faisabilité des technologies envisagée., la centrale thermique pouvant aussi dessaliniser et potabiliser de l'eau et alimenter en eau la bande de Gaza[3].
- En mars 2010, quatre nouveaux investisseurs ont annoncé qu'ils s'associaient au projet ; les groupes Enel Green Power (italien), Saint-Gobain Solar (français), Red Electrica de Espana (espagnol) et Nareva Holding (marocain), ce qui porte à 17 le nombre de partenaires (16 entreprises et la fondation Desertec elle-même).
Contenu et principe du projet
Le projet repose sur le fait que un vingtième de la surface du Sahara couverte de capteurs solaires suffirait à approvisionner la planète en électricité (la consommation mondiale est d’environ 18 000 TWh/an). Il vise à connecter plusieurs grandes centrales solaires thermiques et peut-être d'autres installations d'énergies renouvelables (fermes éoliennes) entre elles ainsi qu'au réseau de distribution de l'électricité qui alimente l'Afrique du Nord, l'Europe et le moyen-Orient, ce réseau pouvant être optimisé via une approche de type SuperGrid
Mais Desertec ne se limitera pas à la production d’énergie : il participera aussi au développement des pays en créant de nombreux emplois locaux, s'appuyant sur l'expérience de la main d'œuvre locale acceptant de travailler dans les conditions (« extrêmes ») très difficiles du désert.
Production attendue
Le Centre Aérospatial Allemand (DLR) estime qu'un tel réseau pourrait avant 2050 fournir plus de 50 % des besoins en électricité de la région EUMENA (Europe + Moyen Orient + Afrique du Nord).
Technologie
Pour la production : La technologie envisagée est celle des centrales solaires thermodynamiques à concentrateurs, c'est-à-dire utilisant des miroirs paraboliques pour produire de la vapeur d’eau à très haute température et sous forte pression, qui fait tourner une turbine et un alternateur produisant de l’électricité [7] [8] .
Ces centrales consomment beaucoup d'eau douce (un problème en zone aride) et conduisent à modifier l'albedo du désert, d'où un forçage radiatif positif pouvant modifier la météorologie et contribuer à peut-être exacerber certains effets du dérèglement climatique.
Pour le transport de l'électricité : Les concepteurs du projet espèrent pouvoir utiliser de nouveaux types de lignes Haute tension (lignes de transmission modernes en Courant Continu Haute Tension ou CCHT ou HVDC) devant permettre de transporter les électrons sur de grandes distances avec beaucoup moins de pertes en ligne (3% pour 1.000 km) qu'avec les lignes classiques à courant alternatif, et presque sans pollution électromagnétique.
Pour le stockage : La production d'électricité ne se fait que de jour, mais une partie peut être utilisée pour pomper l'eau vers des lacs de montagne en Europe, qui en possède beaucoup. L'utilisation la nuit de l'énergie potentielle de cette eau dans des turbines assurerait une mise à disposition homogène.
Investissements et investisseurs
400 milliards d'euros seraient nécessaires, dont 45 milliards pour construire 20 lignes CCHT de 5 GW chacune.
L’ambition de la Fondation Desertec est soutenue par une entreprise algérienne CEVITAL, une vingtaine d’entreprises allemandes, dont, Deutsche Bank, RWE, Siemens... et d'autres entreprises européennes. A l’initiative de l'assureur bavarois Munich Re, elles se sont réunies le 13 juillet à Munich avec d’autres sociétés européennes et du bassin méditerranéen, ainsi qu'un observateur de la Ligue arabe pour former un consortium pour construire la centrale titanesque en Afrique. [9]
Conditions de réussite
Outre les accords géopolitiques nécessaires, les partenaires du projet doivent :
- trouver des sites qui ne soient pas des dunes et qui soient assez proches de la mer et/ou de noeuds ou futurs noeuds du réseau électrique ;
- produire un réseau électrique sûr et assez interconnecté ;
- tester et entretenir des installations qui seront soumises à des tempêtes de sable et à des chocs thermiques importants
- veiller à étudier et régler ou compenser les impacts environnementaux et en termes de consommation d'eau.
Arguments, limites ou critiques du projet
Les auteurs du projet le présentent[10] comme une solution gagnants-gagnants pour les pays du nord et du sud concernés, leur permettant à la fois de se développer et de diminuer leurs contributions aux émissions aux émissions de CO2 (mais en émettant de grandes quantités de vapeur d'eau qui est aussi un gaz à effet de serre notent certains détracteurs). Le projet devrait aussi permettre l'économie de combustibles fossiles, qui pourrait limiter les pressions de déforestation ou de collecte du bois-mort dans la zone périsaharienne, et par la même occasion limite la dégradation des puits de carbone forestiers.
Les effets du dérèglement climatique étant principalement initié par les pays du nord mais d'abord subis par les régions du MENA et tout particulièrement les régions arides, il paraît normal et juste que l’Europe aide financièrement et techniquement l’introduction d’énergies renouvelables dans la zone du MENA[10].
Certains auteurs dénoncent le risque d'une nouvelle dépendance énergétique des pays du nord à l'égard de grands pays pétroliers et gaziers ou le risque que les populations locales profitent moins du projet que celles du nord, ou encore la vulnérabilité d'un tel réseau face au risque terroriste ou à des équilibres politiques fragiles (Torsten Jeworrek, de Munich estimant qu'au contraire un tel projet en contribuant aux besoins énergétiques et au développement économique local pourrait contribuer à leur stabilité politique de l'Afrique et du moyen-Orient). Desertec ajoute qu'à l'exemple de ce qui est constaté en Europe, l'interdépendance assure mieux la paix et la cohésion que l'autonomie. De plus, les Pays du Moyen-orient commencent à construire sur leur territoire des usines de production de matériels destinés à produire de l'énergie solaire, au profit de l'économie de ces pays. L'export d'électricité sera un revenu supplémentaire, pouvant se substituer pour partie à ceux du pétrole qui commence à s'épuiser.
Le projet prévoit un mix électrique (scenario TRANS-CSP pour 2050) avec « 65% d’énergies renouvelables européennes, 17% d’importations d’électricité solaire, 18% de centrales thermiques de substitution et de pointe ».
Dans cette configuration, la perte des 20 lignes CCHT en provenance du MENA permettrait en Europe une compensation par le réseau jusqu'à réparation des lignes ou négociation d'une « solution politique »[10].
Face au risque d'une nouvelle sorte d'écocolonialisme, les auteurs du projet répondent que le transfert technologique et le développement de programmes de formation et d’études sur les énergies renouvelables en MENA est clairement soutenu par les partenaires européens, notamment dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée[10].
D'autres craignent des impacts pour l'environnement même si face aux critiques concernant la consommation en eau des centrales, les promoteurs de DESERTEC indiquent qu'il est possible de construire des usines de désalinisation de l’eau de mer, mais ces usines de désalement conduisent à perturber les écosystèmes littoraux via une augmentation de la salinité induite par les rejets de saumure[11],[12]. Il est à ce stade difficile de préciser quels pourraient être les impacts des émissions de vapeur d'eau.
M. Chakib Khelil, Ministre algérien de l'énergie a déclaré : " Je n'ai aucune idée sur ce projet et je ne peux faire aucune réflexion. Ce projet n'a jamais été présenté au ministère ni aux entités concernées. Donc nous n'avons pas d'opinion sur ce projet (...) S'il s'agit uniquement d'implanter des panneaux sur notre sol et exporter de l'énergie solaire vers leurs pays, nous ne sommes pas intéressés " (...) [13]
Stephan Kohler, directeur de l’agence allemande de l’énergie (DENA) : « La construction de centrales solaires en Afrique du Nord est judicieuse. Le transport de l’électricité sur 3 500 km vers l’Allemagne l’est beaucoup moins. On a besoin de cette énergie sur place » [14]
Dr HADROUG Nasser, membre de DESERTEC UK, président de Sahara Green, promoteur du concept DESERTEC au niveau mondial, et défenseur du transfert de technologies vers l'Afrique : « Le projet DESERTEC permettra à l'Afrique d'améliorer son approvisionnement en Electricité, créera beaucoup d'emplois dans cette région et permettra aux entreprises locales de développer un savoir faire dans les energies solaire et éolienne, si les multinationales initiatrices de ce projet d'envergure mondiale y prévoient un transfert de technologies profitable aux pays propriétaires de ces déserts. » [15]
Alternatives
L'électricité d'origine photovoltaïque pourrait être utilisée. Elle serait alors (aux coûts actuels des modules photovoltaïques) plus coûteuse par kWh produit; cependant, la recherche de cellules plus performantes permettant de baisser les coûts est active.
Remarques
- Dans les deux cas il est possible, près de la mer, de produire de l'hydrogène et de l'oxygène à partir de l'hydrolyse d'eau de mer.
- Une idée pourrait être de récupérer la vapeur d'eau en cherchant à en faciliter la condensation, mais cela pose des problèmes techniques et microclimatiques ou écologiques actuellement non précisés et non résolus.
Les acteurs du projet
- EON (producteur d’énergie)
- RWE (producteur d’électricité),
- Munich Re (Société de réassurance),
- Banque Deutsche Bank
- Abengoa Solar (Groupe espagnol, fabricant de matériel d'exploitation de l'énergie solaire)
- Cevital (Groupe algérien, fabricant de matériel d'exploitation de l'énergie solaire)...
- SAHARA GREEN (Consulting Club : professionnels du secteur des énergies renouvelables) (http://desertec-mediterranee.over-blog.com)
Voir aussi
Articles connexes
- Désert
- Électricité
- Énergie solaire
- Énergie solaire thermique
- Centrale solaire Thémis
- Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation
- Dessalinisation
- Photovoltaïque
- Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation
- Hydrogène
Liens externes
Notes et références
- (en) Fred Pearce, « Solar superpower: Should Europe run on Sahara sun? », New Scientist, (lire en ligne, consulté le )
- http://www.rtlinfo.be/rtl/news/article/256881/--Projet+Desertec+:+lAfrique,+gigantesque+panneau+solaire+pour+lEurope
- Brève d'information Actu-Environnement du 2009/08/24
- http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/developpement-durable-1/d/desertec-le-projet-colossal-du-solaire-saharien-pour-leurope_19889/
- Desertec
- http://www.actu-environnement.com/ae/news/projet_desertec_8112.php4 Brève d'information Actu-Environnement du 2009/08/24
- http://www.swissinfo.ch/fre/a_la_une/Desertec_un_coup_de_soleil_pour_une_Europe_verte.html?siteSect=108&sid=10957294&cKey=1247738689000&ty=st
- http://www.desertec.org/
- http://www.swissinfo.ch/fre/a_la_une/Desertec_un_coup_de_soleil_pour_une_Europe_verte.html?siteSect=108&sid=10957294&cKey=1247738689000&ty=st
- Résumé du projet et de ses arguments, par Desertec (Version 5 Août 2008 consulté 2009 08 27)
- http://www.econologie.com/l-energie-des-deserts-projet-desertec-telechargement-3814.html
- http://www.desertec.org/
- http://news.fibladi.com/algerie-energie/?ida=35170
- http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2532p086.xml0/-electricite-Allemagne-energie-solaire-Desertec-L-OPA-sur-le-soleil-du-Sahara-en-question.html
- http://desertec-mediterranee.over-blog.com/article-declaration-du-promoteur-du-projet-desertec-en-france-et-en-algerie-37766584.html