Macédoniens (peuple)
Macédoine du Nord | 1 297 981 (2002)[1] |
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Australie | 83 978 (2006)[2] |
Italie | 78 090 (2007)[3] |
Allemagne | 62 295 (2006)[4] |
Suisse | 61 304 (2005)[5] |
États-Unis | 51 733 (2006)[6] |
Brésil | 45 000 (1995)[7] |
Albanie | 37 055 (2006)[8] |
Turquie | 31 518 (2001) |
Argentine | 180 à 30 000 (1995)[7] |
Serbie | 25 847 (2002)[9] |
Autriche | 13 696 (2001)[10] |
Grèce | 10 000 à 30 000 (est.1999) |
France | 2 500 à 15 000 (2003) |
Bosnie-Herzégovine | 2 278 (2005) |
Monténégro | 900 (2011) |
Population totale | 2 950 000 |
Langues | Macédonien (divisé en nombreux dialectes locaux) |
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Religions | Principalement Christianisme orthodoxe, petites communautés musulmanes (Torbèches) |
Ethnies liées | Bulgares et autres slaves méridionaux |
Les Macédoniens slaves (en macédonien : Словенските Македонци, Slovenskite Makedonci) sont les habitants slaves méridionaux de la région de Macédoine. La majorité des Macédoniens slaves vivent en Macédoine du Nord, pays issu de la dislocation de la Yougoslavie, indépendant depuis 1992, mais on trouve des minorités slavo-macédoniennes à l'Est de l'Albanie, au Sud-Ouest de Bulgarie (notamment dans l'oblast de Blagoevgrad) où elles ne sont pas distinguées des Bulgares, en Grèce du Nord et en Serbie méridionale, ainsi que dans la diaspora.
Les origines des slaves macédoniens remontent à l'époque byzantine, à l'installation des Slaves dans les Balkans à partir du VIe siècle, aux premières Sklavinies de Macédoine et à leur conversion au christianisme à partir du VIIe siècle. Pendant la longue domination des Ottomans (XIVe et XXe siècles), les révoltes des slavo-macédoniens chrétiens orthodoxes se sont succédé, mais une partie d'entre eux, appelés Torbèches, ont adopté l'islam pour ne plus subir le haraç (double imposition sur les non-musulmans) et le devchirmé (enlèvement des garçons pour devenir des janissaires).
Les Macédoniens slaves parlent le macédonien, langue slave méridionale s'écrivant dans une variante de l'alphabet cyrillique.
Origines
Les études génétiques sur le peuple slavo-macédonien montrent des liens avec les tribus slaves installées en Macédoine aux VIe et VIIe siècles, mais aussi avec les autres peuples aborigènes qu'ils ont assimilés (Illyriens, Thraces plus ou moins hellénisés ou romanisés, anciens Macédoniens hellénisés, Grecs anciens…)[11]. Ainsi, du point de vue génétique, les Macédoniens sont étroitement liés aux autres populations des Balkans[12] et du point de vue linguistique, leur langue fait partie de l'union linguistique balkanique[13],[14].
Au Moyen Âge, le dialecte slave macédonien des environs de Thessalonique dit « de Nikopol-Zarovo » est considéré par les linguistes comme la base du premier alphabet slave glagolitique, et ce dialecte lui-même est devenu langue slave littéraire et langue liturgique de l'Église orthodoxe dans les Balkans et dans les principautés danubiennes, où les recherches archéologiques et le patrimoine monumental permettent la découverte d'une riche culture de la période médiévale, dont de nombreuses fresques, iconostases et sculptures dans les églises et les monastères[15].
Il existe aussi des théories protochronistes sur les origines du peuple slavo-macédonien : la plus populaire en Macédoine est la thèse d'une filiation directe avec les Macédoniens anciens, voire avec les hommes préhistoriques ayant vécu dans la région, théorie qui postule une slavisation purement linguistique des populations aborigènes[16],[17]. Au XXIe siècle, cette théorie est diffusée en particulier par les historiens Alexandãr Donski et Vasil Iljov[18].
Histoire
Identité slave
La désignation « macédonien » a été adoptée par les Slaves macédoniens, dans la seconde moitié du XIXe siècle[19], sans qu'il soit précisé si elle était alors purement géographique (habitants de la région de Macédoine parmi les « Bulgares », comme les désignaient alors les ethnologues et les linguistes)[20],[21],[22] ou bien déjà ethnique (comme l'affirment les historiens macédoniens dont Blaže Ristovski) ce qui les sépare de l'identité bulgare[23]. Quoi qu'il en soit, l'identité nationale macédonienne commence à se manifester politiquement dans le dernier tiers du XIXe siècle à travers les komitadjis de l'Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne[24].
À partir de 1913, sous l'influence serbe puis yougoslave, les slaves macédoniens commencent à se différencier de la Bulgarie et à adopter un nationalisme « macédonien » exclusif[25],[26]. Selon Ivan Katardjiev, la conscience « macédonienne » a commencé à se développer massivement après la Première Guerre mondiale, principalement en Serbie et en Grèce. Une « nation macédonienne » définie par la constitution de la Yougoslavie fédérale communiste, qui lui accorde une république socialiste fédérée.
Identité grecque
La Grèce, pour sa part, considère les habitants hellénophones de la région de la Macédoine grecque comme descendant des macédoniens antiques, et les habitants slavophones comme les descendants des Slaves arrivés au VIe siècle dans les Balkans. Leur capitale culturelle est Thessalonique. Cependant, dans cette région, beaucoup d'habitants grecs sont des réfugiés venus d'Asie mineure à partir de 1922 lors de la “Grande catastrophe“ scellée par le traité de Lausanne (1923)[27].
Identité valaque
Beaucoup d'Aroumains de Macédoine, dits « valaques », s'auto-désignent comme « Macédoniens romans » (en aroumain Rãmãno-Machedonjili, en roumain Romano-Machedoni)[28]. Leur capitale culturelle est Kruševo-Крушево-Crușova où leur langue est co-officielle localement[29].
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Le soleil de Vergina sur fond rouge fut le drapeau de la Macédoine du Nord de 1992 à 1995, à la place de son symbole médiéval : un lion rampant et rugissant d'or (jaune) sur fond de gueules (rouge), jugé trop proche des armoiries de la Bulgarie.
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Le soleil de Vergina sur fond bleu est le drapeau non officiel de la Macédoine grecque.
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Le soleil de Vergina sur fond blanc est utilisé comme drapeau non officiel par les Aroumains protochronistes qui se revendiquent comme « Macédoniens antiques romanisés »[30].
Population
Aujourd'hui, les deux tiers des citoyens Macédoniens sont des slavophones, environ un quart (au nord-ouest du pays) sont albanophones, le restant étant constitué de Roms, de Valaques et de Turcs.
La grande majorité des Macédoniens vit le long du Vardar, fleuve qui traverse la Macédoine du Nord du nord au sud et qui arrose notamment Skopje, la capitale du pays. Le reste de la Macédoine est nettement moins peuplé, en raison de son caractère montagneux. Les Macédoniens slaves représentent environ 66 % de la population totale de la Macédoine[31].
Un nombre indéterminé de Slavo-Macédoniens vivent dans le Nord de la Grèce où ils sont appelés « Helléno-Slaves »[32]. Dans l'oblast de Blagoevgrad en Bulgarie, la variante locale de la langue et les spécificités sont exactement les mêmes qu'en République de Macédoine et l'on appelait jadis « Macédoine bulgare » cette région de 325 000 habitants. Mais les statistiques bulgares ne prennent pas en compte ces spécificités culturelles et dialectales, de sorte que pour la Bulgarie, la « langue macédonienne » et le « peuple macédonien » n'existent qu'en République de Macédoine exclusivement. Deux tentatives de former des partis politiques « macédoniens » ont été jugées inconstitutionnelles tant en Grèce qu'en Bulgarie, pays où il n'existe aucun recensement officiel récent (postérieur à 1970) permettant d'évaluer précisément le nombre de ces minorités.
Outre la diaspora économique récente, un faible nombre de Macédoniens résidait déjà dans les autres pays limitrophes, à savoir l'Albanie et la Serbie ; ils y sont généralement concentrés dans les régions frontalières. Une diaspora plus importante est installée dans les pays occidentaux (Australie, Allemagne, Italie, Royaume-Uni…).
Il existe par ailleurs des communautés macédoniennes en Roumanie et en Pologne, datant de l'exode des réfugiés slavo-macédoniens communistes originaires de Grèce pendant et après la guerre civile grecque. Sous l'ère communiste, ces deux communautés étaient, dans ces pays, reconnues comme minorités nationales, avec les droits afférents à ce statut.
Actuellement, seuls les Macédoniens de Roumanie en bénéficient encore. Parmi les groupes ethniques de Roumanie, les Slavo-Macédoniens (Macedoneni) sont comptés à part des Bulgares (Bulgari) et disposent d'un représentant garanti à la Chambre des députés roumaine[33], tandis que les Romano-Macédoniens sont comptés comme Roumains (même si en langage courant on les appelle Machedoni).
En revanche, la Pologne, depuis qu'elle est devenue nationaliste, a retiré le statut de minorité nationale aux Macédoniens et aux Grecs, considérant qu'il ne s'agissait pas de minorités ethniques de Pologne, mais d'immigrés, ne satisfaisant pas aux critères de reconnaissance en tant que minorité nationale[34].
Culture
La culture des Macédoniens slaves est influencée par le passé slave dont l'héritage est la langue et la majeure partie de la toponymie, byzantin dont l'héritage est la forme orthodoxe du christianisme et les arts religieux, et ottoman dont l'héritage est essentiellement culinaire et musical. Les contes et légendes, la musique populaire et la poésie folklorique sont communes avec les autres peuples des Balkans et résultent d'un syncrétisme entre ces diverses influences, et avec le substrat grec et thrace antérieur. L'héritage culturel bulgare est particulièrement associé au folklore, aux costumes, à l'architecture et à l'artisanat.
Quant au nom du pays, il évoque le royaume de Macédoine antique, mais c'est à travers l'administration byzantine et ecclésiastique qu'il s'est perpétué jusqu'aux états modernes (notamment grec, bulgare et yougoslave), tandis que les Ottomans ne l'employaient pas (pour eux, la région était le paşalık, puis wilaya de Selanik, comprenant aussi les sandjaks d'Üsküb et de Monastir).
La culture contemporaine du pays s'est surtout développée sous l'impulsion du régime communiste yougoslave qui a duré de 1945 à 1991, avec notamment un essor littéraire et musical. Après son indépendance, le pays a conservé une vie culturelle active, surtout marquée par des festivals folkloriques et contemporains. Outre la majorité slave, le pays compte plusieurs minorités, comme des Albanais, des Turcs, des Valaques et des Roms, qui possèdent chacune une culture distincte.
Divers autres groupes ethniques disparus ont fait partie de la Macédoine comme les Bardariotes (assimilés au XIXe siècle), les Juifs (déportés par autorités bulgares entre 1941 et 1944 et auxquels un mémorial rend hommage), les Moglénites (musulmans de langue romane) et les Torbèches (musulmans de langue slave), partis en Turquie.
Dans le domaine gastronomique, la macédoine de légumes n'est pas un plat spécifiquement macédonien : son nom, apparu en français au XVIIIe siècle, fait cependant allusion à la Macédoine en tant que région géographique où coexistent des peuples divers ; en Macédoine, on y ajoute parfois des œufs durs ou bien des dés de viande de bœuf[35],[36],[37].
Personnalités macédoniennes
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Pito Gouli de Krouchevo, révolutionnaire de l'ORIM
Notes et références
- Macédoine - Recensement de 2002
- Australie - Recensement de 2006
- Italie - Recensement de 2007
- Allemagne - Recensement de 2006
- Suisse - Recensement de 2005
- États-Unis - Recensement de 2006
- Македонски Иселенички Алманах '95, Boško Nasevski, Матица на Иселениците на Македонија, Skopje, 1995, pp. 52 et 53
- Canada - Recensement de 2006
- « Serbie - Recensement de 2002 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- Autriche - Recensement de 2001
- Globalement, le génotype moderne macédonien est le résultat de la slavisation des populations autochtones qui vivaient avant l'arrivée des Slaves en Macédoine et l'ethnographie montre de grandes similitudes entre les traditions des Macédoniens et celles des autres peuples des Balkans y compris « non-slaves » comme les Grecs, les Valaques et les Albanais -cf. Blaže Ristovski, Macédoine et le peuple macédonien : l'histoire du peuple macédonien, Académie macédonienne des sciences et des arts, Skopje 1983, page 6-7 - [1].
- Genetic data for 17 Y-chromosomal STR loci in Macedonians in the Republic of Macedonia - Zlatko Jakovski, 2011 [2]
- Petja Asenova, article « Aperçu historique des études dans le domaine de la linguistique balkanique » in : Balkansko ezikoznanie vol. 22, no 1, 1979, p. 5–45.
- Jernej Kopitar, (de) article « Albanische, walachische und bulgarische Sprache », in : Jahrbücher der Literatur 1829, no 46, p. 59–106.
- Comme langue liturgique, ce dialecte est appelé slavon d'église, avec des variantes : les izvods, tels le bulgaro-macédonien, le morave (les plus anciens), le serbo-croate (avec la langue mixte torlakienne des XVIIIe – XIXe siècles dite « slavo-serbe »), le gréco-roumano-slavon des pays roumains, et le plus connu, l’izvod russe, qui était standardisé au XVIIe siècle et s'utilise de nos jours dans les églises orthodoxes de la Russie, Ukraine, Biélorussie, Serbie, Bulgarie et République de Macédoine. Pour distinguer le vieux-slave des IXe – XIIe siècles du slavon des périodes plus tardives (avec ses izvods) on appelle ce dernier « langue slave d'église » (russe : церковнославянский язык).
- Blaže Ristovski, Op. cit., [3]
- H. N. Brailsford, (en) Macedonia, its races and their future, 1906, p. 101 - [4]
- Claire Norton, Nationalism, Historiography and the (re)construction of the Past, New Academia Publ., 2007.
- Thomas Gallagher, (en) Outcast Europe : the Balkans, 1789-1989, from the Ottomans to Milosevic, ed. Routledge 2001, p. 47, (ISBN 0415375592).
- Évanguelia Adamou, La personne en našta : approche comparative du bulgare littéraire et du macédonien, La Linguistique, PUF, vol. 40, no 2, 2004, p. 103-123, (ISBN 9782130547907)
- William Z. Ripey, Les Races d'Europe, une étude sociologique, 1899
- Atlas bulgare des dialectes, Académie bulgare des sciences, 2001.
- Tchavdar Marinov, La question macédonienne de 1944 à nos jours: communisme et nationalisme dans les Balkans, L'Harmattan, Paris 2010
- Dennis P. Hupchik, (en) The Balkans : From Constantinople to Communism, p. 299.
- Ulf Brunnbauer et Klaus Roth, (en) « Region, Regional Identity and Regionalism in Southeastern Europe », in : Ethnologia Balkanica series, éd. LIT, Münster 2010, (ISBN 3825813878), p. 127
- Andrew Rossos, (en) Macedonia and the Macedonians, a History, Hoover Press, 2013, page 59.
- Michel Bruneau, « Hellénisme et diaspora grecque, de la Méditerranée orientale à la dimension mondiale », in : Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien no 30, vol. Les Diasporas, CEMOTI 2000, p. 33-58.
- Rodica Moschinski (dir.), (ro) “Bibliografie macedo-română“, préf. Petre S. Năsturel, Rumänisches Forschungsinstitut, Freiburg im Breisgau 1984 (ISBN 3-925132-21-X), 345 p.
- [5].
- Source : Courrier des Balkans sur [6].
- Colisée - La politique des minorités en république de Macédoine
- Probablement entre 10 000 et 30 000 locuteurs, en comptant les hellénophones ayant encore une certaine connaissance de la langue macédonienne, selon Jacques Leclerc sur LECLERC, Jacques. "Grèce" dans L’aménagement linguistique dans le monde, Québec, TLFQ, Université Laval, - consulté le
- Fiche sur le site de la Chambre des députés : Liana Dumitrescu, députée de l'Association des Macédoniens de Roumanie.
- Pologne, Données démolinguistiques,
- Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, Nathan, , 4833 p. (ISBN 9782321000136, lire en ligne), « Macédoine ».
- La date d'apparition de cet emploi exclut qu'il ait pour « origine », comme parfois affirmé (« Salade Macédoine », sur 21maps.com, ), les cartes géographiques du siècle suivant.
- Yves Plasseraud, « Macédoine : histoire, minorités et perspectives européennes », sur diploweb.com, Le Monde diplomatique, (consulté le ).