Omar Blondin Diop
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nationalité | |
Formation | |
Activités |
Partis politiques | |
---|---|
Membre de |
Omar Blondin Diop, né le à Niamey et mort en prison sur l'île de Gorée au Sénégal le , est un intellectuel, militant politique sénégalais et membre actif du Mouvement des jeunes marxistes-léninistes du Sénégal. Omar Blondin Diop fut une figure emblématique du mouvement contestataire post-soixante-huitard qui défia le président sénégalais Léopold Sédar Senghor.
Biographie
Omar Blondin Diop nait à Niamey en 1946. Il fait ses études secondaires au lycée Louis-le-Grand à Paris et poursuit ses études universitaires comme Normalien à l'École normale supérieure de Saint-Cloud d'où il sort diplômé[réf. nécessaire]. C'est à ce moment que sa conscience politique se consolide.
À Paris, il rencontre Jean-Luc Godard pour qui il joue dans La Chinoise en 1967 aux côtés de Jean-Pierre Léaud et d'Anne Wiazemsky. Son rôle est l'exacte réplique de sa vie, celle d'un militant maoïste de l'UJCml, habitant la Résidence universitaire de Nanterre. Dans ce film, cinq jeunes gens passent l'été dans un appartement qu’on leur a prêté, en appliquant les principes de Mao Zedong : Véronique, étudiante en philosophie à Nanterre, qui projette d'assassiner un dignitaire russe à Paris, Guillaume, acteur, Kirilov, peintre venu d’Union soviétique, Yvonne, paysanne, Henri, scientifique proche du Parti communiste français. Leurs journées sont une succession de cours et de débats sur le marxisme-léninisme et la Révolution culturelle chinoise[1].
Il fréquente le milieu estudiantin et participe aux évènements de mai 68 au côté d'Alain Krivine[1]. Il sera expulsé de France, tout comme Daniel Cohn-Bendit, mais plus tard[2]. Il participe à l’occupation de l’ambassade du Sénégal à Paris le [3], avec entre autres le maoïste Landing Savané, membre lui-même de l’UJCML, puis repart à Dakar où l'impact des évènements de mai 68 a eu un retentissement important comme partout en Afrique. L'agitation syndicale et scolaire aboutit à la crise politique sénégalaise de 1968. Le gouvernement sénégalais prendra des mesures coercitives. Les partis étudiants, associations, regroupements sont interdits.
La population s'agite et manifeste dans la ville de Ziguinchor et en Casamance. Omar gardera contact avec les mouvements communistes français et ses camarades parisiens et sera au côté des militants du Parti communiste sénégalais de Landing Savané. Ce dernier, élève à l'ENSAE, obtient son diplôme d’ingénieur statisticien économiste en et rentre aussitôt au Sénégal pour intégrer la fonction publique sénégalaise et devenir le premier cadre sénégalais à être nommé chef de la division de la démographie et des enquêtes[4].
Diop est expulsé de France en 1969. À Dakar, il poursuit ses activités révolutionnaires, soutenu par ses frères cadets, ardents militants anticolonialistes, contre la politique pro-française de Senghor qui s'est adjoint, au poste de ministre de l'Intérieur, un proche de Jacques Foccart : le Français Jean Collin. Le MJML, son mouvement, essayait de s’implanter en milieu paysan dans les régions périphériques et dans le bassin arachidier ainsi que dans certaines grandes zones ouvrières (Thiès, Taïba, Richard-Toll, notamment). C’est ainsi qu’il réussit à faire échouer la campagne d’explication de la politique de jeunesse de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) [pas clair].
Omar Blondin Diop a pu ensuite retourner en en France, « comme boursier du Sénégal »[1] et réintégrer l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Le président Senghor était intervenu « personnellement » et « avec insistance auprès du président de la République française (Georges Pompidou) », pour faire lever la mesure d’exclusion et d’expulsion qui le frappait [1],[5].
Pour protester contre des travaux démesurés pour une visite-éclair de Georges Pompidou à Dakar, les frères d’Omar, le , incendient le ministère des Travaux publics et le centre culturel français. Ils sont arrêtés.
Omar, alors jeune agrégatif, projette de libérer ses jeunes frères depuis le Mali où il s’est réfugié. Plusieurs ruptures interviennent au sein du mouvement maoïste sénégalais, en 1972: le groupe animé par Omar Blondin Diop, tenant des orientations qualifiées de « gauchistes » diverge de celui de Landing Savané, partisan d’une "ligne de masse maoïste authentique basée sur une action politique, moins spectaculaire".
Omar Diop est capturé et extradé vers le Sénégal. Le , il est inculpé pour « terrorisme » et pour espionnage comme agent étranger et condamné par un tribunal spécial sénégalais à 3 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l'État ». Il est emprisonné dans le cul de basse-fosse de la prison de l'île de Gorée. Quelques mois plus tard, on le retrouvera mort par strangulation. La population en réaction exprime sa colère. Le Sénégal est au bord du chaos. Le Gouvernement français participera au maintien de l'ordre à Dakar jusqu'au retour au calme. Sa photo trône aujourd'hui dans la salle du musée historique de l'île de Gorée, qui fut à l'époque, lorsque le Fort d'Estrées servait de prison civile pour les détenus politiques, sa cellule mortuaire. Omar Blondin Diop avait 26 ans lorsque l'administration pénitentiaire sénégalaise annonça son « suicide » par pendaison dans la nuit du 10 au .
Le journal Le Soleil relayait la version officielle du suicide, alors qu’une partie de l’opinion nationale et internationale penchait plutôt pour la thèse de l’assassinat d’un jeune homme engagé dans le combat pour la libération de l’Afrique.
En 2013, un de ses frères cadet, le docteur Dialo Diop, a saisi la justice sénégalaise pour une demande de réouverture du dossier pour faire la lumière sur ce drame[6].
« Omar Blondin Diop a été assassiné »
Au cours d’un forum de témoignages sur ‘’Omar Blondin Diop : 40 ans après’’, organisé le à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), le Dr Dialo Diop, homme politique et frère cadet du défunt, avait soutenu que la version officielle servie par les autorités gouvernementales sénégalaises ne correspondait pas à la vérité.
« Ce n’est pas exactement la vérité. Blondin Diop ne s’est jamais suicidé. Nous croyons fortement à la thèse de l’assassinat. Toute mort en détention doit être considérée comme un crime jusqu’à la preuve du contraire », avait-il dit au cours de cette rencontre organisée à la veille de la commémoration des quarante ans de la disparition de Blondin Diop, et qui avait réuni plusieurs intellectuels, des députés et des membres du gouvernement.
« Il y avait un rapport d’autopsie qui a cautionné la thèse du suicide, mais il y avait surtout un contre-rapport d’autopsie fait par le père de Blondin Diop qui était médecin pour démonter le certificat (de genre) de mort par suicide. Le moment est venu pour dire la vérité aux Sénégalais », a insisté Dialo Diop.
Le ministre d’Etat Amath Dansokho était allé plus loin. « C’est tellement clair comme de l’eau de roche dans ma tête : Omar Blondin Diop a été assassiné. Il a été tué parce que les autorités de l’époque étaient convaincues que par son intelligence il pouvait faire partir le système », avait-il déclaré. M. Dansokho, un leader historique de la gauche sénégalaise, avait plaidé pour la réhabilitation du défunt intellectuel. « Un devoir de mémoire s’impose. Il faut une initiative allant dans le sens d’une reconnaissance nationale. Des établissements, des rues et pourquoi pas des universités, doivent porter le nom d’Omar Blondin Diop », avait-il estimé.
Omar Blondin Diop, au vu de son engagement et de ses prises de position politiques, était devenu le symbole d’une génération de refus d’une politique néocoloniale, un acteur majeur de l’agitation politique et syndicale alors en cours depuis 1968. La thèse officielle selon laquelle le jeune gauchiste s’est donné la mort « par pendaison », est contestée par le père de la victime, le médecin Ibrahima Blondin Diop, qui avait porté plainte à l’époque pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort et pour non-assistance à personne en danger ».
« Il faut que la vérité se rétablisse au nom de la lutte contre l’impunité. Blondin Diop a été victime de l’opacité d’un système. C’est une figure intellectuelle et politique qui mérite d’être réhabilitée », avait pour sa part dit l’historien Babacar Diop dit Buuba Diop, enseignant à l’UCAD, au cours du forum de témoignages sur ‘’Omar Blondin Diop : 40 ans après’’.
Dans son essai intitulé Sénégal notre pirogue (Présence Africaine, 2007), Roland Colin, directeur de cabinet du président du Conseil Mamadou Dia (1957-62), raconte qu’Omar Blondin Diop avait reçu, en détention, la visite de Jean Collin, ministre de l’Intérieur, avec lequel il eut une altercation. « Le ministre de l’Intérieur, a-t-on su en fin de compte, aurait donné l’ordre au gardien de le châtier. Le lendemain, il fut retrouvé pendu dans sa cellule », écrit Roland Colin.
Le juge d’instruction Moustapha Touré, qui avait inculpé les trois gardes de la prison de Gorée pour meurtre, fut relevé de ses fonctions et dessaisi du dossier. « Mohamed (un autre des frères Blondin Diop) a été le premier à dire qu’il n’y avait pas de suicide et que son frère avait été battu à mort. Oumar Blondin gémissait, soupirait, d’après les déclarations de son frère », soutient Moustapha Touré. Alors que des voix soutenaient qu’Omar Blondin Diop a été inhumé en catimini au cimetière des Abattoirs sur la Corniche-Ouest, le ministre de l’Information Daouda Sow signalait, lors d’une conférence de presse, que le défunt a été « enterré samedi () en présence de son père et de ses parents proches ». En éludant toute polémique sur le lieu de la sépulture, resté incertain sans doute pour empêcher toute vénération de l’icône disparue.
Filmographie et arts
- 1967 : La Chinoise, de Jean-Luc Godard : son propre rôle.
- En 2018, une exposition de Vincent Meessen est en grande partie consacrée à Omar Blondin Diop au centre Georges-Pompidou à Paris[7].
- Omar Blondin Diop le révolté, de Djeydi Djigo. Le documentaire biographique sur la vie d’Omar et sûrement le plus complet. Il a été en sélection officielle pour le Fespaco, pour son avant-première.
Bibliographie
- François Zuccarelli, La vie politique sénégalaise : 1940-1988, Paris, CHEAM Diffusion, La Documentation française, , 208 p. (ISBN 978-2-903182-24-3)
- Anne Wiazemsky, Une année studieuse : roman, Paris, Gallimard, , 261 p. (ISBN 978-2-07-012670-5)
- Lettre de Dakar, par une Libre association d'individus libres, Paris, Champ libre, 1978.
Liens externes
- Hommage à Omar Blondin Diop
- L'affaire Omar Blondin Diop
- Comment Omar Blondin Diop s'est retrouvé dans les géôles de Senghor
- Il y a 40 ans, l’activiste de gauche Omar Blondin Diop mourait en détention à Gorée
- Anniversaire du décès d'Omar Blondin DIOP : 40 ans après, le mythe du jeune révolutionnaire reste vivace
- Françoise Blum et Martin Mourre, Mai-juin 1968 : Étudiants étrangers en France : Omar : d'un monde l'autre.
Notes et références
- "QUAND OMAR BLONDIN DIOP MOURAIT EN DÉTENTION" par Aboubacar Demba Cissokho, sur Sénéplus, le 12/05/2019[1]
- Une autre histoire, Omar Blondin Diop.
- Fonds Foccart – Dossier AG 5 (FPU) 2244 – Dépêche AFP, 31 mai [2]
- Site personnel de Landing Savané [3]
- Selon le ministre de l’Information, Daouda Sow, lors d’une conférence de presse, le 15 mai 1973, trois jours après son décès
- Jeune Afrique daté du 21 mai 2013.
- « L'événement Vincent Meessen ».