Aller au contenu

« Chang'e 6 » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Pline (discuter | contributions)
m complements
Pline (discuter | contributions)
annonce mission, le satellite relais queqiao 2, illustrations
Ligne 28 : Ligne 28 :
{{article principal|Face cachée de la Lune}}
{{article principal|Face cachée de la Lune}}


La [[face cachée de la Lune]] est la face de cet astre qui est en permanence située du côté opposé à la Terre et qui ne peut donc être observée par des télescopes situés sur Terre. L'apparence de la face cachée de la Lune est très différente de sa face visible. Alors que cette dernière est en partie recouverte par des mers (31% de sa surface), la face cachée n'en comporte quasiment pas (1%) et est recouverte de cratères. Plusieurs explications sont évoquées par la communauté scientifique mais aucune ne fait l'unanimité.
La [[face cachée de la Lune]] est la face de cet astre qui est en permanence située du côté opposé à la Terre et qui ne peut donc être observée par des télescopes situés sur Terre. L'apparence de la face cachée de la Lune est très différente de sa face visible. Alors que cette dernière est en partie recouverte par des [[mer lunaire|mers]] (ces surfaces planes, ayant l'apparence visuelle de mer vue depuis la Terre, constituent 31% de sa surface), la face cachée n'en comporte quasiment pas (1%) et est recouverte de cratères. Plusieurs explications ont été proposées par la communauté scientifique pour expliquer cette différence mais aucune ne fait l'unanimité.


=== Observation et exploration de la face cachée ===
=== Observation et exploration de la face cachée ===
{{article principal|Exploration de la Lune}}
{{article principal|Exploration de la Lune}}


Jusque à la fin des années 1950 et le début de l'[[ère spatiale]] on savait peu de choses de la face cachée de la Lune car celle-ci échappait presque totalement aux observations qui ne pouvaient être effectuées que depuis la Terre. Les premières photos de la face cachée sont prises par la sonde soviétique [[Luna 3]] en 1959. Par la suite de nombreuses missions robotiques permettent de cartographier cette face et de découvrir ses caractéristiques très particulières sans pour autant les expliquer. Les premières observations directes par des hommes est réalisée par l'équipage de la mission [[Apollo 8]] en 1968. Mais alors que plusieurs missions avec équipage et de nombreuses sondes spatiales se posent à la surface de la face visible, certaines ramenant sur Terre des échantillons de son sol, aucune mission spatiale ne se pose sur la face cachée jusqu'en 2019. La raison en est simple : une fois au sol aucune communication directe avec la Terre n'est possible.
Jusque à la fin des années 1950 et le début de l'[[ère spatiale]] on savait peu de choses de la face cachée de la Lune car celle-ci échappait presque totalement aux observations qui ne pouvaient être effectuées que depuis la Terre. Les premières photos de la face cachée sont prises par la sonde soviétique [[Luna 3]] en 1959. Par la suite de nombreuses missions robotiques permettent de cartographier cette face et de découvrir ses caractéristiques très particulières sans pour autant les expliquer. La première observation directe par des hommes est réalisée par l'équipage de la mission [[Apollo 8]] en 1968. Mais alors que plusieurs missions avec équipage et de nombreuses sondes spatiales se posent à la surface de la face visible, certaines ramenant sur Terre des échantillons de son sol, aucune mission spatiale ne se pose sur la face cachée jusqu'en 2019 pour une raison simple : une fois au sol aucune communication directe avec la Terre n'est possible.


=== Le programme d'exploration chinois de la Lune ===
=== Le programme d'exploration chinois de la Lune ===
{{Article principal|Programme chinois d'exploration lunaire Chang'e}}
{{Article principal|Programme chinois d'exploration lunaire}}


La Chine développe un programme spatial ambitieux au début des années 2000. Comme les principales puissances spatiales (excepté l'Europe), elle choisit d'envoyer ses premières missions interplanétaires vers la Lune en développant des engins de plus en plus complexes. Les premières sondes spatiales du [[Programme chinois d'exploration lunaire|programme chinois d'exploration lunaire Chang'e]] son de simples orbiteurs : {{nobr|[[Chang'e 1]]}} lancé en 2007) et {{nobr|[[Chang'e 2|2]]}} (2010). Leur succèdent des [[astromobile]]s qui se posent à la surface de la Lune et y font des observations : {{nobr|[[Chang'e 3]]}} (2013) {{nobr|et [[Chang'e 4|4]]}} (2018). En 2020, une mission de retour d'échantillons {{nobr|[[Chang'e 5]]}} est lancée. En janvier 2019, la Chine réalise une première spatiale en posant un engin sur la face cachée de la Lune (Chang'e 4). Celui-ci transporte un astromobile et les communications avec la Terre passent par un satellite relais Queqiao orbitant autour de la Lune.
La Chine développe un programme spatial ambitieux au début des années 2000. Comme les principales puissances spatiales (excepté l'Europe), elle choisit d'envoyer ses premières missions interplanétaires vers la Lune en développant des engins de plus en plus complexes. Les premières sondes spatiales du [[Programme chinois d'exploration lunaire|programme chinois d'exploration lunaire Chang'e]] sont de simples orbiteurs : {{nobr|[[Chang'e 1]]}} lancé en 2007) et {{nobr|[[Chang'e 2|2]]}} (2010). Leur succèdent des [[astromobile]]s qui se posent à la surface de la Lune et circulent à sa surface : {{nobr|[[Chang'e 3]]}} (2013) puis {{nobr|et [[Chang'e 4|4]]}} (2018). Cette dernière mission réalise une première mission mondiale en déposant un astromobile à la surface de la face cachée de la Lune. Les communications avec la Terre sont réalisées grâce à un [[satellite relais]] [[Queqiao]] orbitant autour de la Lune. En 2020, une mission de retour d'échantillons {{nobr|[[Chang'e 5]]}} est lancée et ramène sur Terre 1,7 kilogrammes de régolithe et de roches lunaires. Il s'agit de la première mission ramenant des échantillons du sol lunaire depuis la sonde spatiale soviétique [[Luna 24]] de 1976.


=== Chang'e 6 première mission de retour d'échantillons de la face cachée de la Lune ===
=== Chang'e 6 première mission de retour d'échantillons de la face cachée de la Lune ===


Tous les échantillons du sol de la Lune rapportés par les missions précédentes (programme Apollo et programme Luna) proviennent de la face visible de notre satellite naturel. L'acquisition d'un échantillon du sol de la [[face cachée de la Lune]] est considéré par la communauté scientifique comme un objectif prioritaire car cette face est très différente de la face visible sans qu'aucune explication satisfaisante de cette dichotomie ait été trouvée. Une mission similaire ({{lang|en|[[MoonRise]]}}) a été proposée en 2017 dans le cadre du [[Programme New Frontiers|programme {{lang|en|New Frontiers}}]] de la [[National Aeronautics and Space Administration|NASA]] mais n'a pas été retenue. La Chine développe la mission Chang'e 6 qui a pour objectif de ramener un échantillon du sol lunaire<ref name="Marin17102022" />.
Tous les échantillons du sol de la Lune rapportés par les missions précédentes (programme Apollo, programme Luna et programment chinois) proviennent de la face visible de notre satellite naturel. L'acquisition d'un échantillon du sol de la [[face cachée de la Lune]] est considéré par la communauté scientifique comme un objectif prioritaire car cette face est très différente de la face visible sans qu'aucune explication satisfaisante de cette dichotomie ait été trouvée. Une mission américaine, baptisée ({{lang|en|[[MoonRise]]}}), est proposée en 2017 dans le cadre du [[Programme New Frontiers|programme {{lang|en|New Frontiers}}]] de la [[National Aeronautics and Space Administration|NASA]] mais n'a pas été retenue. La Chine développe à la fin des années 2010 une mission qui a pour objectif de ramener un échantillon du sol lunaire<ref name="Marin17102022" />. Lors du Congrès international d'astronautique de 2022 les autorités chinoises fournissent pour la première fois des détails sur cette mission qui est baptisée Chang'e 6. Comme pour Chang'e 5, les communications passeent par un satellite relais placé en orbite autour de la Lune. Des centres de recherche non chinois sont sollicités en 2018 pour la fourniture d'instruments scientifiques. Le lancement est programmé pour fin 2023/début 2024<ref name="Marin17102022"/>.


== Caractéristiques techniques ==
== Caractéristiques techniques ==
[[Fichier:Change-5-fr.png|vignette|230x230px|Schéma de la sonde spatiale.]]


La sonde spatiale {{nobr|Chang'e 6}} est l'exemplaire de secours développé pour la mission de {{nobr|[[Chang'e 5]]}}. D'une masse de {{unité|8,2 tonnes}} elle est composée de quatre modules : un module de service prenant en charge le trajet entre la Terre et la Lune, un [[atterrisseur]] d'une masse de {{unité|3,8 tonnes}} chargé de se poser sur la Lune, un étage de remontée qui doit placer les échantillons de sol en orbite lunaire et une capsule de retour qui les ramène sur Terre. Les ingénieurs chinois ont opté pour un scénario de retour d'échantillons complexe : l'étage de remontée, au lieu de revenir directement sur Terre (scénario des sondes soviétiques du [[programme Luna]]), a rendez-vous avec le module de service : l'échantillon est alors transféré dans la capsule de retour. Celle-ci rejoint la Terre et l'échantillon s'en détache pour effectuer une rentrée atmosphérique<ref name="spaceflight101spacecraft">{{lien web|langue=en |url=http://spaceflight101.com/change/change-5/ |titre={{nobr|Chang’e 5}} Spacecraft Overview |consulté le=26 septembre 2017 |date= |site=spaceflight101.com |auteur1=Patric Blau}}.</ref>{{,}}<ref name="planetary06042017">{{lien web|langue=en |url=http://www.planetary.org/blogs/guest-blogs/2017/20170406-change-5-future.html |titre=China's lunar sample return mission will pave way for future ambitions |date= 6 avril 2017 |éditeur={{lang|en|[[The Planetary Society]]}} |auteur1=Andrew Jones}}.</ref>.
La sonde spatiale {{nobr|Chang'e 6}} est l'exemplaire de secours développé pour la mission {{nobr|[[Chang'e 5]]}}. D'une masse de {{unité|8,2 tonnes}} elle est composée de quatre modules : un module de service prenant en charge le trajet entre la Terre et la Lune, un [[atterrisseur]] d'une masse de {{unité|3,8 tonnes}} chargé de se poser sur la Lune, un étage de remontée qui doit placer les échantillons de sol en orbite lunaire et une capsule de retour qui les ramène sur Terre<ref name="spaceflight101spacecraft"/>.
Les ingénieurs chinois ont opté pour un scénario de retour d'échantillons complexe : l'étage de remontée, au lieu de revenir directement sur Terre (scénario des sondes soviétiques du [[programme Luna]]), a rendez-vous avec le module de service : l'échantillon est alors transféré dans la capsule de retour. Celle-ci rejoint la Terre et l'échantillon s'en détache pour effectuer une rentrée atmosphérique<ref name="spaceflight101spacecraft">{{lien web|langue=en |url=http://spaceflight101.com/change/change-5/ |titre={{nobr|Chang’e 5}} Spacecraft Overview |consulté le=26 septembre 2017 |date= |site=spaceflight101.com |auteur1=Patric Blau}}.</ref>{{,}}<ref name="planetary06042017">{{lien web|langue=en |url=http://www.planetary.org/blogs/guest-blogs/2017/20170406-change-5-future.html |titre=China's lunar sample return mission will pave way for future ambitions |date= 6 avril 2017 |éditeur={{lang|en|[[The Planetary Society]]}} |auteur1=Andrew Jones}}.</ref>.


== Instruments scientifiques ==
== Instruments scientifiques ==
Ligne 66 : Ligne 69 :


== Déroulement de la mission ==
== Déroulement de la mission ==

[[Fichier:Change-5_20180912_6258TPS-TPR-2018Q3-18-09-04-p15legacy-fr.png|centré|vignette|700x700px|Schéma du déroulement de la mission [[Chang'e 5]] très proche de celui la mission Chang'e 6.]]


=== Lancement et transit ===
=== Lancement et transit ===

Le satellite [[Queqiao 2]] qui doit servir de relais de communications entre Chang'e 6 et la Terre est lancé le 20 mars 2020 par une fusée [[Longue Marche 8|Longue marche 8]] depuis la [[base de lancement de Wenchang]] sur l'île d'[[Hainan]]. Il est immédiatement injecté sur une orbite de transfert vers la Lune puis s'insère en orbite lunaire le 24 mars. Après plusieurs manoeuvres orbitales, il se place sur une orbite lunaire elliptique définitive de {{Unité|200 x 16 000|kilomètres}} et d'[[Inclinaison orbitale|inclinaison]] {{Unité|54,8|°}} qu'il parcourt en {{Unité|24|heures}} permettant {{Unité|20|heures}} (sur 24) de communication entre les missions posée sur la face cachée de la Lune et le contrôle au sol sur Terre<ref>{{Lien web |langue=en-US |prénom=Andrew |nom=Jones |titre=China is working on a relay satellite to support lunar polar missions |url=https://spacenews.com/china-is-working-on-a-relay-satellite-to-support-lunar-polar-missions/ |site=SpaceNews |date=2021-07-26 |consulté le=2024-04-24}}</ref>.


La sonde spatiale {{nobr|Chang'e 6}} est placée en orbite par un [[Lanceur (astronautique)|lanceur]] chinois lourd [[Longue Marche 5|Longue {{nobr|Marche 5}}]] décollant de la [[base de lancement de Wenchang]] le {{date|3 mai 2024}} à {{heure|9|27|29|fuseau=[[Temps universel coordonné|UTC]]}}<ref>{{Lien web |langue=en-US |prénom=Andrew |nom=Jones |titre=China launches Chang’e-6 mission to collect first samples from the moon’s far side |url=https://spacenews.com/china-launches-change-6-mission-to-collect-first-samples-from-the-moons-far-side/ |site={{lang|en|[[SpaceNews]]}} |date=2024-05-03 |consulté le=2024-05-03}}.</ref>.
La sonde spatiale {{nobr|Chang'e 6}} est placée en orbite par un [[Lanceur (astronautique)|lanceur]] chinois lourd [[Longue Marche 5|Longue {{nobr|Marche 5}}]] décollant de la [[base de lancement de Wenchang]] le {{date|3 mai 2024}} à {{heure|9|27|29|fuseau=[[Temps universel coordonné|UTC]]}}<ref>{{Lien web |langue=en-US |prénom=Andrew |nom=Jones |titre=China launches Chang’e-6 mission to collect first samples from the moon’s far side |url=https://spacenews.com/china-launches-change-6-mission-to-collect-first-samples-from-the-moons-far-side/ |site={{lang|en|[[SpaceNews]]}} |date=2024-05-03 |consulté le=2024-05-03}}.</ref>.

Version du 16 août 2024 à 09:05

Chang'e 6
sonde spatiale
Description de cette image, également commentée ci-après
Maquette de la sonde spatiale
Données générales
Organisation Drapeau de la République populaire de Chine CNSA
Constructeur Drapeau de la République populaire de Chine CAST
Programme Chang'e
Domaine Géologie de la Lune
Type de mission Mission de retour d'échantillons
Statut Mission en cours
Lancement 3 mai 2024
Lanceur Longue Marche 5
Caractéristiques techniques
Masse au lancement 8,2 tonnes
Atterrisseur 3,8 tonnes
Orbite
Atterrissage Mons Rümker

Chang'e 6, Chang'E 6 ou CE-6 (du chinois : 嫦娥六号 ; pinyin : cháng'é liù hào, de Chang'e, déesse de la Lune dans la mythologie chinoise) est la deuxième mission chinoise de retour d'échantillon du sol lunaire. La sonde spatiale est conçue pour rapporter sur Terre un échantillon de sol de la face cachée de la Lune qui est considérée par la communauté scientifique comme présentant des caractéristiques spécifiques. Toutes les missions américaines (programme Apollo) et soviétiques (Programme Luna) précédentes ont jusque là ramené des échantillons de sol lunaire de la face visible de la Lune et Chang'e 6 réalise donc une première.

Chang'e 6, dont la masse atteint 8,2 tonnes, est un clone de Chang'e 5 dont le lancement a eu lieu fin 2020. Elle comprend principalement trois modules : le module orbital doit rester en orbite autour de la Lune tandis que l'atterrisseur emmène l'étage de remontée à la surface de la Lune. La sonde spatiale est placée en orbite par le lanceur lourd chinois Longue Marche 5 le . La sonde spatiale chinoise se pose dans le bassin Pôle Sud-Aitken le 1er juin. Après avoir prélevé des échantillons jusqu'à une profondeur de 1 mètres, largué un petit robot mobile et effectué différentes mesures avec des instruments scientifiques, l'étage de remontée quitte le sol lunaire le 3 juin puis vient s'amarrer au module resté en orbite. Celui-ci prend par la suite la direction de la Terre et largue la capsule contenant les échantillons de sol le 25 juin. La mission est un succès : Chang'e 6 a ramené 1953 grammes de roches et de régolithe. Leur analyse devrait s'étaler sur plusieurs années.

Contexte

Une face cachée mystérieuse

La face cachée de la Lune est la face de cet astre qui est en permanence située du côté opposé à la Terre et qui ne peut donc être observée par des télescopes situés sur Terre. L'apparence de la face cachée de la Lune est très différente de sa face visible. Alors que cette dernière est en partie recouverte par des mers (ces surfaces planes, ayant l'apparence visuelle de mer vue depuis la Terre, constituent 31% de sa surface), la face cachée n'en comporte quasiment pas (1%) et est recouverte de cratères. Plusieurs explications ont été proposées par la communauté scientifique pour expliquer cette différence mais aucune ne fait l'unanimité.

Observation et exploration de la face cachée

Jusque à la fin des années 1950 et le début de l'ère spatiale on savait peu de choses de la face cachée de la Lune car celle-ci échappait presque totalement aux observations qui ne pouvaient être effectuées que depuis la Terre. Les premières photos de la face cachée sont prises par la sonde soviétique Luna 3 en 1959. Par la suite de nombreuses missions robotiques permettent de cartographier cette face et de découvrir ses caractéristiques très particulières sans pour autant les expliquer. La première observation directe par des hommes est réalisée par l'équipage de la mission Apollo 8 en 1968. Mais alors que plusieurs missions avec équipage et de nombreuses sondes spatiales se posent à la surface de la face visible, certaines ramenant sur Terre des échantillons de son sol, aucune mission spatiale ne se pose sur la face cachée jusqu'en 2019 pour une raison simple : une fois au sol aucune communication directe avec la Terre n'est possible.

Le programme d'exploration chinois de la Lune

La Chine développe un programme spatial ambitieux au début des années 2000. Comme les principales puissances spatiales (excepté l'Europe), elle choisit d'envoyer ses premières missions interplanétaires vers la Lune en développant des engins de plus en plus complexes. Les premières sondes spatiales du programme chinois d'exploration lunaire Chang'e sont de simples orbiteurs : Chang'e 1 lancé en 2007) et 2 (2010). Leur succèdent des astromobiles qui se posent à la surface de la Lune et circulent à sa surface : Chang'e 3 (2013) puis et 4 (2018). Cette dernière mission réalise une première mission mondiale en déposant un astromobile à la surface de la face cachée de la Lune. Les communications avec la Terre sont réalisées grâce à un satellite relais Queqiao orbitant autour de la Lune. En 2020, une mission de retour d'échantillons Chang'e 5 est lancée et ramène sur Terre 1,7 kilogrammes de régolithe et de roches lunaires. Il s'agit de la première mission ramenant des échantillons du sol lunaire depuis la sonde spatiale soviétique Luna 24 de 1976.

Chang'e 6 première mission de retour d'échantillons de la face cachée de la Lune

Tous les échantillons du sol de la Lune rapportés par les missions précédentes (programme Apollo, programme Luna et programment chinois) proviennent de la face visible de notre satellite naturel. L'acquisition d'un échantillon du sol de la face cachée de la Lune est considéré par la communauté scientifique comme un objectif prioritaire car cette face est très différente de la face visible sans qu'aucune explication satisfaisante de cette dichotomie ait été trouvée. Une mission américaine, baptisée (MoonRise), est proposée en 2017 dans le cadre du programme New Frontiers de la NASA mais n'a pas été retenue. La Chine développe à la fin des années 2010 une mission qui a pour objectif de ramener un échantillon du sol lunaire[1]. Lors du Congrès international d'astronautique de 2022 les autorités chinoises fournissent pour la première fois des détails sur cette mission qui est baptisée Chang'e 6. Comme pour Chang'e 5, les communications passeent par un satellite relais placé en orbite autour de la Lune. Des centres de recherche non chinois sont sollicités en 2018 pour la fourniture d'instruments scientifiques. Le lancement est programmé pour fin 2023/début 2024[1].

Caractéristiques techniques

Schéma de la sonde spatiale.

La sonde spatiale Chang'e 6 est l'exemplaire de secours développé pour la mission Chang'e 5. D'une masse de 8,2 tonnes elle est composée de quatre modules : un module de service prenant en charge le trajet entre la Terre et la Lune, un atterrisseur d'une masse de 3,8 tonnes chargé de se poser sur la Lune, un étage de remontée qui doit placer les échantillons de sol en orbite lunaire et une capsule de retour qui les ramène sur Terre[2].

Les ingénieurs chinois ont opté pour un scénario de retour d'échantillons complexe : l'étage de remontée, au lieu de revenir directement sur Terre (scénario des sondes soviétiques du programme Luna), a rendez-vous avec le module de service : l'échantillon est alors transféré dans la capsule de retour. Celle-ci rejoint la Terre et l'échantillon s'en détache pour effectuer une rentrée atmosphérique[2],[3].

Instruments scientifiques

Les instruments scientifiques développés par la Chine comprennent [4].

  • un mini rover de 5 kg nommé Jinchan (d'après Jin Chan, une figure de la mythologie chinoise symbole de prospérité) qui doit prendre des photos de l'atterrisseur une fois celui-ci à la surface de la Lune. Ce petit astromobile se déplaçant à la surface grâce à 4 roues dispose d'une caméra à chaque extrémité et communique avec l'atterrisseur par Wifi[5].
  • une caméra d'atterrissage
  • une caméra panoramique
  • un spectromètre minéralogique
  • un radar d'exploration lunaire

Participations internationales

Les responsables chinois ont réservé dix kilogrammes de charge utile pour des expériences scientifiques fournies par d'autres pays[6].

  • L'agence spatiale française, le CNES, fournit des expériences pour cette mission[1]. Le laboratoire de recherche spatiale français IRAP fournit l'instrument DORn (Detection of Outgassing RadoN) qui sera installé sur l'atterrisseur. L'instrument doit mesurer par spectrométrie alpha l'isotope radon 222 dégazé du régolithe du fait de l'activité sismique et tectonique lunaire[7],[8],[9].
  • L'institut italien INFN fournit le rétroréflecteur laser INRRI (INstrument for landing-Roving laser Retroreflector Investigations) qui a déjà été mis en œuvre par d'autres missions spatiales et qui sera installé sur l'atterrisseur.
  • L'Agence spatiale européenne et la Suède fournissent l'instrument NILS (Negative Ions on Lunar Surface) qui mesure le vent solaire atteignant la surface lunaire et plus particulièrement les ions négatifs du plasma qui n'ont jusqu'à présent jamais été détectés.
  • Le Pakistan fournit le CubeSat KUBE-Q qui est placé en orbite autour de la Lune.

Déroulement de la mission

Schéma du déroulement de la mission Chang'e 5 très proche de celui la mission Chang'e 6.

Lancement et transit

Le satellite Queqiao 2 qui doit servir de relais de communications entre Chang'e 6 et la Terre est lancé le 20 mars 2020 par une fusée Longue marche 8 depuis la base de lancement de Wenchang sur l'île d'Hainan. Il est immédiatement injecté sur une orbite de transfert vers la Lune puis s'insère en orbite lunaire le 24 mars. Après plusieurs manoeuvres orbitales, il se place sur une orbite lunaire elliptique définitive de 200 × 16 000 kilomètres et d'inclinaison 54,8° qu'il parcourt en 24 heures permettant 20 heures (sur 24) de communication entre les missions posée sur la face cachée de la Lune et le contrôle au sol sur Terre[10].

La sonde spatiale Chang'e 6 est placée en orbite par un lanceur chinois lourd Longue Marche 5 décollant de la base de lancement de Wenchang le à h 27 min 29 s UTC[11].

Atterrissage et activité lunaire

L'atterrisseur se pose dans le bassin Pôle Sud-Aitken sur la face cachée de la Lune (environ 46° de latitude sud et 180° de longitude est)[1] le suivant à 22 h 23 min 16 s UTC[12].

Les échantillons sont prélevés au moyen d'un échantillonnage à la pelle près de la surface et d'un échantillonnage par forage plus profond, jusqu'à environ 2 m. Du basalte et des éjectas sont espérés, provenant de la croûte profonde voire du manteau[4].

Décollage et amarrage au module orbital (4 au 6 juin)

Le 4 juin des boulons explosifs séparent l'étage de descente qui reste à la surface de la Lune et le module de remontée, qui emporte la capsule contenant les échantillons de sol lunaire. Sous la poussée de son moteur principal de 3 kiloNewtons, le module commence par monter pendant 1 seconde à la verticale relative à l'étage de descente[Note 1] pour éviter de heurter celui-ci puis durant les 9 secondes suivantes à la verticale par rapport à la surface. Ensuite il adopte une trajectoire inclinée d'abord à 60° durant 20 secondes avant de progressivement accentuer cette inclinaison jusqu'à se déplacer horizontalement par rapport à la surface (inclinaison de 0°). Durant la phase propulsive le module contrôle de manière continue son attitude à l'aide de ses 8 moteurs de 120 Newtons de poussée. Au bout de 6 minutes l'engin spatial est satellisé sur une orbite de 15 x 180 kilomètres. Le module de remontée va alors effectuer une manoeuvre de rendez-vous avec le module resté en orbite qui va durer près de deux jours. A l'aide du radar, du lidar et de l'analyse d'images prises par les caméras, les deux engins spatiaux vont se rapprocher en plusieurs étapes d'abord de 5 kilomètres puis de 1 kilomètres, 100 mètres et enfin 20 mètres. L'amarrage s'effectue grace à un système pinces et de barres original qui permet d'atténuer la différences de masse entre les deux engins : les pinces se referment d'abord partiellement puis au bout de 10 secondes permettant aux deux engins de s'aligner correctement, le système d'amarrage est verrouillé. Le conteneur d'échantillon est alors transféré du module de remontée au module orbital avec l'aide d'un mécanisme à crémaillère[13],[14].

Retour sur Terre et récupération de la capsule (20 au 25 juin)

L'étage de remontée est largué et va s'écraser sur le sol lunaire tandis que le reste de la sonde spatiale séjourne autour de la Lune durant 14 jours supplémentaires en attendant que les positions relatives de la Lune et de la Terre permettent un retour direct. Le 20 juin à 15h38 UTC la sonde spatiale entame son retour vers la Terre. Le 25 juin alors qu'elle se trouve à 5000 kilomètres de la Terre, la capsule contenant les échantillons est larguée et entame sa rentrée atmosphérique à une vitesse de 11,2 km/s au-dessus de la péninsule arabique. Le reste de la sonde spatiale manœuvre pour éviter la Terre et poursuit sa trajectoire. Pour réduire sa vitesse la capsule, qui dispose d'un système permettant de déplacer son centre de gravité, ressort à deux reprises de la couche atmosphérique épaisse. Au dessus du plateau tibétain, alors que sa vitesse a été réduite à 7 km/s et qu'elle se situe à une altitude 60 kilomètres, elle entame une rentrée atmosphérique définitive[15]. La capsule se pose le 25 juin à 14 h 7, heure locale dans une zone désertique située dans la bannière de Siziwang en Mongolie intérieure[16],[14],[17].

La capsule est transférée le lendemain de son atterrissage à Pékin pour récupérer les échantillons et les analyser. Le 28 juin les responsables chinois annoncent que la sonde spatiale a ramené 1935,3 grammes (Chang'e 5 avait ramené 1731 grammes). C'est nettement plus que les sondes soviétiques Luna 16,20 et 24 qui ont ramené en tout 300 grammes ou que les missions de retour d'échantillon à destination des astéroïdes qui ont ramené respectivement 121,6 grammes (OSIRIS-REx) et 5,4 grammes (Hayabusa 2). Les autorités chinoises ont annoncé qu'elles avaient l'intention de partager des échantillons avec les scientifiques d'autres pays. L'administrateur de la NASA, Bill Nelson, s'est dit intéressé mais cette transaction nécessite un accord du Congrès américain. L'analyse des échantillons devrait durer plusieurs années[5].

Résultats

Notes et références

Notes

  1. Si l'atterrisseur est incliné du fait du relief local, le module ne monte pas à la verticale.

Références

  1. a b c et d (es) Daniel Marín, « Las próximas sondas chinas Chang’e e ILRS a la Luna », sur Eureka, .
  2. a et b (en) Patric Blau, « Chang’e 5 Spacecraft Overview », sur spaceflight101.com (consulté le ).
  3. (en) Andrew Jones, « China's lunar sample return mission will pave way for future ambitions », The Planetary Society, .
  4. a et b (en) « Where should Chang’e-6 collect samples on the farside of the Moon? », Nature Astronomy,‎ , p. 1–2 (ISSN 2397-3366, DOI 10.1038/s41550-023-02039-0, lire en ligne, consulté le ).
  5. a et b (es) Daniel Marín, « Misión Chang’e 6: los 1935,3 gramos de material de la cara oculta y el robot «sapo dorado» », sur Eureka, .
  6. (en) Andrew Jones, « China invites international cooperation in Chang'e-6 Moon sample return mission »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur gbtimes.com, .
  7. « La Chine et la France sur la Lune », Cité de l'espace, .
  8. « DORN, l'instrument français de la mission Chang’e 6 », sur Sciences et techniques — CNES, (consulté le ).
  9. Eric Bottlaender, « Connaissez-vous DORN ? L'instrument français va s'envoler avec la prochaine mission lunaire chinoise », Clubic,‎ (lire en ligne).
  10. (en-US) Andrew Jones, « China is working on a relay satellite to support lunar polar missions », sur SpaceNews, (consulté le )
  11. (en-US) Andrew Jones, « China launches Chang’e-6 mission to collect first samples from the moon’s far side », sur SpaceNews, (consulté le ).
  12. « Pour la deuxième fois, la Chine alunit sur la face cachée de la lune avec la sonde Chang'e-6 », sur RFI, .
  13. « La Chine a prélevé des échantillons de la face cachée de la Lune », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. a et b (es) Daniel Marín, « Chang’e 6: el primer despegue desde la cara oculta de la Luna », sur Eureka, .
  15. (en) Fan Anqi et Deng Xiaoci, « 1,935.3 grams of lunar samples retrieved by Chang’e-6; China welcomes intl data sharing but urges US to remove obstacles », Global Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Matthew Walsh et Ludovic Ehret, « La Chine ramène sur Terre des échantillons inédits », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. (es) Daniel Marín, « La sonda Chang’e 6 trae a la Tierra las primeras muestras de la cara oculta de la Luna », sur Eureka, .

Voir aussi

Articles connexes