« Sorcière » : différence entre les versions
Ajout d'hyperliens. Balises : Modification par mobile Modification par application mobile Modification avec l’application Android Liens d’homonymie |
mise en forme |
||
(46 versions intermédiaires par 13 utilisateurs non affichées) | |||
Ligne 9 : | Ligne 9 : | ||
| image = Champion des dames Vaudoises.JPG |
| image = Champion des dames Vaudoises.JPG |
||
| upright = 1 |
| upright = 1 |
||
| légende = [[ |
| légende = [[Miniature (enluminure)|Miniature]] attribuée au [[Maître du Missel de Paul Beye]] représentant le vol de deux sorcières sur un balai et un bâton, [[Martin Le Franc]], ''Le Champion des dames'', 1451, BNF. |
||
| groupe = [[Anthropomorphisme|Anthropomorphes]] |
| groupe = [[Anthropomorphisme|Anthropomorphes]] |
||
| sous-groupe = [[Femelle|Féminin]] |
| sous-groupe = [[Femelle|Féminin]] |
||
Ligne 25 : | Ligne 25 : | ||
}} |
}} |
||
Une '''sorcière''', ou '''magicienne''', est une femme qui pratique la [[sorcellerie]] et la [[Magie (surnaturel)|magie]]. Dans le monde occidental, la sorcière est longuement associée à une symbolique négative, au pouvoir de voler sur un [[balai]], à sa fréquentation de [[Sabbat (sorcellerie)|sabbats]], et à la [[chasse aux sorcières]]. Malgré les difficultés consistant à chiffrer les femmes victimes des chasses aux sorcières, les estimations sont de cent dix mille [[procès en sorcellerie]] aboutissant à soixante mille condamnations à mort, depuis la fin du [[Moyen Âge]] jusqu'au début de l'[[époque moderne]]<ref>{{ouvrage|auteur=[[Patrick Snyder]]|titre=Représentations de la femme et chasse aux sorcières {{sp-|XIII| |
Une '''sorcière''', ou '''magicienne''', est une femme qui pratique la [[sorcellerie]] et la [[Magie (surnaturel)|magie]]. Dans le monde occidental, la sorcière est longuement associée à une symbolique négative, au pouvoir de voler sur un [[balai]], à sa fréquentation de [[Sabbat (sorcellerie)|sabbats]], et à la [[chasse aux sorcières]]. Malgré les difficultés consistant à chiffrer les femmes victimes des chasses aux sorcières, les estimations sont de cent dix mille [[procès en sorcellerie]] aboutissant à soixante mille condamnations à mort, depuis la fin du [[Moyen Âge]] jusqu'au début de l'[[époque moderne]]<ref>{{ouvrage|auteur=[[Patrick Snyder]]|titre=Représentations de la femme et chasse aux sorcières {{sp-|XIII|-|XV|s}} |lieu=Montréal|éditeur=Fides|année=2000|pages totales=123|passage=36-37}}.</ref>. |
||
Sa figure est réhabilitée durant les |
Sa figure est réhabilitée durant les années 1970, à travers les [[Féminisme|mouvements féministes]]<ref>{{Article|auteur1=Virginie Larousse|titre=La sorcière, de créature maléfique à icône féministe|périodique=Le Monde|date=26 janvier 2021|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/26/la-sorciere-de-la-creature-malefique-a-l-icone-feministe_6067705_3232.html}}</ref>. La sorcière est un personnage récurrent dans l'[[imaginaire]] contemporain, à travers les [[conte]]s, [[Roman (littérature)|romans]], [[Film (cinéma)|films]] et [[masque]]s des fêtes populaires. Son pendant masculin, le [[sorcier]], ou magicien a une symbolique différente. |
||
== Étymologie == |
== Étymologie == |
||
Ligne 35 : | Ligne 35 : | ||
=== Antiquité === |
=== Antiquité === |
||
[[Fichier:NAMA Circé & Ulysse.jpg|vignette|redresse|[[Circé]] offrant une coupe à [[Ulysse]], vers [[-490|490]]-[[-480|480 av. J.-C.]], [[musée national archéologique d'Athènes]].]] |
[[Fichier:NAMA Circé & Ulysse.jpg|vignette|redresse|[[Circé]] offrant une coupe à [[Ulysse]], vers [[-490|490]]-[[-480|480 av. J.-C.]], [[musée national archéologique d'Athènes]].]] |
||
Les références antiques à la sorcière et aux magiciennes sont nombreuses. [[Saül]] consulte |
Les références antiques à la sorcière et aux magiciennes sont nombreuses. [[Saül]] consulte la [[sorcière d'Endor]] pour parler à [[Samuel]] mort<ref>[[s:Premier livre de Samuel#Premier livre de Samuel 28|Premier livre de Samuel, XXVIII]]</ref>. |
||
Dans ''[[Odyssée|L'Odyssée]]'', [[Homère]] évoque l'enchanteresse [[Circé]], qui transforme les compagnons d'[[Ulysse]] en porcs. La déesse [[Hécate]] préside à la sorcellerie et aux enchantements<ref>Jean Humbert, ''Mythologie grecque et romaine''</ref>. La [[Thessalie]] est le lieu d'origine de plusieurs sorcières telles qu'[[Erichtho]], un personnage important du livre VI de la ''[[Pharsale (Lucain)|Pharsale]]'' de [[Lucain]]. Dans cette épopée, qui raconte la [[Bataille de Pharsale]] qui eut lieu en [[-48]] en Thessalie, [[Sextus Pompée]] rencontre cette sorcière et lui demande quelle sera l'issue de la guerre. Erictho fait alors parler un mort pour qu'il révèle le sort de la bataille. Elle vit au milieu des tombes, et entend ce qui se passe dans les Enfers ; elle est maigre et laide, et {{citation|ses cheveux mêlés sur sa tête sont noués comme des serpents.}} Elle ne sort que la nuit ou par temps d'orage<ref>[[Lucain]], ''[[Pharsale (Lucain)|Pharsale]]'', VI, 510-519</ref>. [[Pamphile (sorcière)|Pamphile]], citée dans les ''[[Les Métamorphoses (Apulée)|Métamorphoses]]'' d'[[Apulée]], habite en Thessalie. Elle évoque les esprits des morts ; s'éprend de tous les jeunes hommes qu'elle voit et les transforme en pierres ou en animaux s'ils lui résistent<ref>[[Apulée]], ''[[Les Métamorphoses (Apulée)|Les Métamorphoses]]'', II, V</ref>{{,}}<ref>[[s:Les Héroïdes/Épître XII|Ovide, ''Héroïdes'', XII]]</ref>. [[Horace]] évoque la sorcière [[Canidie|Canidia]] : avec d'autres sorcières aussi pâles qu'elle, elle creuse les fosses, fait couler le sang des morts et parle avec eux<ref>[[s:Satire 8 (Horace, Raoul)|Horace, ''Satires'', I, 8]]</ref>. |
Dans ''[[Odyssée|L'Odyssée]]'', [[Homère]] évoque l'enchanteresse [[Circé]], qui transforme les compagnons d'[[Ulysse]] en porcs. La déesse [[Hécate]] préside à la sorcellerie et aux enchantements<ref>Jean Humbert, ''Mythologie grecque et romaine''</ref>. La [[Thessalie]] est le lieu d'origine de plusieurs sorcières telles qu'[[Erichtho]], un personnage important du livre VI de la ''[[Pharsale (Lucain)|Pharsale]]'' de [[Lucain]]. Dans cette épopée, qui raconte la [[Bataille de Pharsale]] qui eut lieu en [[-48]] en Thessalie, [[Sextus Pompée]] rencontre cette sorcière et lui demande quelle sera l'issue de la guerre. Erictho fait alors parler un mort pour qu'il révèle le sort de la bataille. Elle vit au milieu des tombes, et entend ce qui se passe dans les [[Enfers grecs|Enfers]] ; elle est maigre et laide, et {{citation|ses cheveux mêlés sur sa tête sont noués comme des serpents.}} Elle ne sort que la nuit ou par temps d'orage<ref>[[Lucain]], ''[[Pharsale (Lucain)|Pharsale]]'', VI, 510-519</ref>. [[Pamphile (sorcière)|Pamphile]], citée dans les ''[[Les Métamorphoses (Apulée)|Métamorphoses]]'' d'[[Apulée]], habite en Thessalie. Elle évoque les esprits des morts ; s'éprend de tous les jeunes hommes qu'elle voit et les transforme en pierres ou en animaux s'ils lui résistent<ref>[[Apulée]], ''[[Les Métamorphoses (Apulée)|Les Métamorphoses]]'', II, V</ref>{{,}}<ref>[[s:Les Héroïdes/Épître XII|Ovide, ''Héroïdes'', XII]]</ref>. [[Horace]] évoque la sorcière [[Canidie|Canidia]] : avec d'autres sorcières aussi pâles qu'elle, elle creuse les fosses, fait couler le sang des morts et parle avec eux<ref>[[s:Satire 8 (Horace, Raoul)|Horace, ''Satires'', I, 8]]</ref>. |
||
=== Moyen Âge et Renaissance === |
=== Moyen Âge et Renaissance === |
||
Ligne 43 : | Ligne 43 : | ||
[[Image:Grasset - Drei Frauen und drei Wölfe.jpg|thumb|left|alt=Aquarelle montrant trois sorcières vêtues de blanc chevauchant des balais, volant au milieu de troncs d'arbres rouges, au pied desquels se trouvent trois loups noirs.|''Trois femmes et trois loups'', aquarelle d'[[Eugène Grasset]], vers 1900]] |
[[Image:Grasset - Drei Frauen und drei Wölfe.jpg|thumb|left|alt=Aquarelle montrant trois sorcières vêtues de blanc chevauchant des balais, volant au milieu de troncs d'arbres rouges, au pied desquels se trouvent trois loups noirs.|''Trois femmes et trois loups'', aquarelle d'[[Eugène Grasset]], vers 1900]] |
||
Au début du [[Moyen Âge]], Clovis promulgue la [[loi salique|''Lex Salica'']] condamnant les sorciers à payer de fortes amendes. Le code de [[Charlemagne]] prévoit également des emprisonnements. L'immense majorité sont victimes de [[lynchage]]s par des villageois sans aucun procès. La [[bulle pontificale]] du pape [[Jean XXII]] en 1326 marque le début des procès en sorcellerie sur près de quatre siècles<ref>Bulle ''Super illius specula'' (1326).</ref>. [[Claude Seignolle]] estime que ces procès et exécutions concernent surtout les femmes (représentant selon lui 80 % des accusés dans plusieurs régions, et 80 % des condamnations à mort dans les grands procès au Nord de la Loire<ref>{{ouvrage|auteur=[[Robert Muchembled]]|titre=La sorcière au village ({{s mini-|XV}} - {{s-|XVIII|e}})|éditeur=Gallimard-Julliard|date=1979|passage=13|isbn=|lire en ligne=}}</ref>) : {{Citation|Satan eut ses prêtres : ce furent les sorciers. Il eut surtout ses prêtresses : les sorcières ; et c'est encore par une conséquence de la plus implacable logique que, les hommes étant seuls admis au service du Seigneur, les femmes, qui en étaient exclues, allèrent en plus grand nombre vers son rival obscur, qui les accueillait de préférence. On a dit qu'il y avait mille sorcières pour un sorcier ; c'est là une exagération manifeste, mais il est certain que la proportion des femmes, dans la foule qui se pressait à l'adoration du Bouc, l'emportait beaucoup sur celle des hommes.}}<ref>[[Claude Seignolle]], ''Les Évangiles du Diable'' (1994)</ref>. |
Au début du [[Moyen Âge]], [[Clovis Ier|Clovis]] promulgue la [[loi salique|''Lex Salica'']] condamnant les sorciers à payer de fortes amendes. Le code de [[Charlemagne]] prévoit également des emprisonnements. L'immense majorité sont victimes de [[lynchage]]s par des villageois sans aucun procès. La [[bulle pontificale]] du pape [[Jean XXII]] en 1326 marque le début des procès en sorcellerie sur près de quatre siècles<ref>Bulle ''Super illius specula'' (1326).</ref>. [[Claude Seignolle]] estime que ces procès et exécutions concernent surtout les femmes (représentant selon lui 80 % des accusés dans plusieurs régions, et 80 % des condamnations à mort dans les grands procès au Nord de la [[Loire]]<ref>{{ouvrage|auteur=[[Robert Muchembled]]|titre=La sorcière au village ({{s mini-|XV}} - {{s-|XVIII|e}})|éditeur=Gallimard-Julliard|date=1979|passage=13|isbn=|lire en ligne=}}</ref>) : {{Citation|[[Satan]] eut ses prêtres : ce furent les sorciers. Il eut surtout ses prêtresses : les sorcières ; et c'est encore par une conséquence de la plus implacable logique que, les hommes étant seuls admis au service du Seigneur, les femmes, qui en étaient exclues, allèrent en plus grand nombre vers son rival obscur, qui les accueillait de préférence. On a dit qu'il y avait mille sorcières pour un sorcier ; c'est là une exagération manifeste, mais il est certain que la proportion des femmes, dans la foule qui se pressait à l'adoration du [[Baphomet|Bouc]], l'emportait beaucoup sur celle des hommes.}}<ref>[[Claude Seignolle]], ''Les Évangiles du Diable'' (1994)</ref>. |
||
==== Les traités de démonologie ==== |
==== Les traités de démonologie ==== |
||
Le [[stéréotype]] de la sorcière est présent dès les [[procès]] des années 1420-1430, et se maintient pendant plus de deux siècles, mais au milieu du {{s-|XV|e}}, il n’est pas pleinement développé<ref name="La grande chasse aux sorcières">''La Grande Chasse aux sorcières'' Brian P. Levak</ref>. Ce sont le processus judiciaire et la tradition livresque qui permettent de développer ce stéréotype. Le ''[[Malleus Maleficarum]]'' (Le Marteau des sorcières), manuel écrit en 1487 par deux [[Inquisition|inquisiteurs]] [[Ordre des Prêcheurs|dominicains]], [[Henri Institoris|Heinrich Kramer]] et [[Jacob Sprenger]]<ref>J. Sprenger et H. Krämer, ''Le Marteau des sorcières'' (1486-1487), trad. Jérôme Millon, 1987.</ref>, synthétise une variété de croyances permettant d'identifier les sorcières qu’il intègre dans un traité vaste et bien structuré. Il fournit aussi un support théologique aux idéaux qu’il entend promouvoir. Il est considéré par certaines féministes comme le ''[[Mein Kampf]]'' des sorcières du fait des conséquences que sa publication ont amenées sur la vie des femmes<ref>{{Ouvrage|auteur1=Mona Chollet|titre=Sorcières : la puissance invaincue des femmes|isbn=978-2-35522-134-7|isbn2=2-35522-134-0|oclc=1284998166|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/1284998166|consulté le=2022-05-03}}</ref>. |
Le [[stéréotype]] de la sorcière est présent dès les [[procès]] des années 1420-1430, et se maintient pendant plus de deux siècles, mais au milieu du {{s-|XV|e}}, il n’est pas pleinement développé<ref name="La grande chasse aux sorcières">''La Grande Chasse aux sorcières'' Brian P. Levak</ref>. Ce sont le processus judiciaire et la tradition livresque qui permettent de développer ce stéréotype. Le ''[[Malleus Maleficarum]]'' (Le Marteau des sorcières), manuel écrit en 1487 par deux [[Inquisition|inquisiteurs]] [[Ordre des Prêcheurs|dominicains]], [[Henri Institoris|Heinrich Kramer]] et [[Jacob Sprenger]]<ref>J. Sprenger et H. Krämer, ''Le Marteau des sorcières'' (1486-1487), trad. Jérôme Millon, 1987.</ref>, synthétise une variété de croyances permettant d'identifier les sorcières qu’il intègre dans un traité vaste et bien structuré. Il fournit aussi un support [[Théologie|théologique]] aux idéaux qu’il entend promouvoir. Il est considéré par certaines féministes comme le ''[[Mein Kampf]]'' des sorcières du fait des conséquences que sa publication ont amenées sur la vie des femmes<ref>{{Ouvrage|auteur1=Mona Chollet|titre=Sorcières : la puissance invaincue des femmes|isbn=978-2-35522-134-7|isbn2=2-35522-134-0|oclc=1284998166|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/1284998166|consulté le=2022-05-03}}</ref>. |
||
Cet ouvrage, bien que très répandu, n'est pas à l’origine d’une augmentation immédiate du nombre de procès, mais il rend les juges sensibles au crime de sorcellerie. Grâce à la multiplication du processus [[Imprimerie|d'imprimerie]], {{nombre|30000|exemplaires}} de ce manuel ont été mis en circulation jusqu'à la dernière édition publié en 1669. D’autres traités sur la sorcellerie sont publiés. En 1563, [[Jean Wier]], médecin à la cour de [[Clèves]], désireux de tempérer les premiers persécuteurs, considère les sorcières comme de simples esprits égarés, ce que [[Montaigne]] sous-entend aussi dans la réédition de ses essais de [[1588]]. Il conseille de soigner ces femmes à l'[[ellébore]], comme des folles<ref name="Le roi et la sorcière">''Le Roi et la sorcière'', Robert Muchembled</ref>. |
Cet ouvrage, bien que très répandu, n'est pas à l’origine d’une augmentation immédiate du nombre de procès, mais il rend les juges sensibles au crime de sorcellerie. Grâce à la multiplication du processus [[Imprimerie|d'imprimerie]], {{nombre|30000|exemplaires}} de ce manuel ont été mis en circulation jusqu'à la dernière édition publié en 1669. D’autres traités sur la sorcellerie sont publiés. En 1563, [[Jean Wier]], médecin à la cour de [[Clèves]], désireux de tempérer les premiers persécuteurs, considère les sorcières comme de simples esprits égarés, ce que [[Montaigne]] sous-entend aussi dans la réédition de ses essais de [[1588]]. Il conseille de soigner ces femmes à l'[[ellébore]], comme des folles<ref name="Le roi et la sorcière">''Le Roi et la sorcière'', Robert Muchembled</ref>. |
||
En 1580, le théoricien français [[Jean Bodin]] publie un traité sur la démonomanie des sorciers. Cet ouvrage a eu selon l'historien [[Robert Muchembled]], beaucoup d'influences sur la réalisation des |
En 1580, le théoricien français [[Jean Bodin]] publie un traité sur la démonomanie des sorciers. Cet ouvrage a eu selon l'historien [[Robert Muchembled]], beaucoup d'influences sur la réalisation des [[bûcher]]s car J.Bodin voulait que les crimes de sorcellerie soient jugés par les juges laïcs, ce qui a eu pour conséquence l'augmentation du nombre de bûchers<ref>{{Ouvrage|prénom1=Muchembled, Robert,|nom1=1944-|titre=Le Roi et la sorcière : l'Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siàcle|éditeur=Desclée|date=DL 1993|isbn=2-7189-0615-4|isbn2=978-2-7189-0615-7|oclc=1120615554|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/1120615554|consulté le=2022-05-03}}</ref>. En réalité, l'ouvrage de Jean Bodin, quoique très populaire et réédité plusieurs fois, n'a jamais vraiment convaincu les autorités civiles, notamment le [[Parlement de Paris]] : celui-ci souhaitait conserver sa prudence et ne donna son aval que pour l'exécution d'une centaine de sorcières en un siècle, cherchant surtout à empêcher les persécutions locales massives en punissant leurs responsables de mort ou de [[Galères (peine)|galères]]<ref>{{en}} Bengt Ankarloo ''et al.'', Witchcraft and Magic in Europe'', tome IV, ''The Period of the Witch Trials'', A&C Black, 2002 ([https://books.google.fr/books?id=Nombs2OkpuIC lire en ligne]), p. 41.</ref>. Les autorités civiles ont en effet tenté de juguler à toute force la chasse aux sorcières, dont le ressort principal se trouvait surtout dans la [[Chasse aux sorcières#Un phénomène local plus ou moins jugulé selon la force de l'autorité centrale|vindicte populaire]]<ref>{{en}} Ioan M. Lewis, Jeffrey Burton Russell, « ''Witchcraft'' », ''Encyclopedia Britannica'', version du 23 mars 2023 ([https://www.britannica.com/topic/witchcraft#ref703819 lire en ligne]).</ref>. |
||
==== Les procès s'intensifient ==== |
==== Les procès s'intensifient ==== |
||
Ligne 58 : | Ligne 58 : | ||
Alors qu’on associe généralement plus volontiers Moyen Âge et [[sorcellerie]], les {{s2-|XVI|e|XVII|e}} ont connu les vagues de persécutions les plus intenses. Le paroxysme est atteint lorsque les [[Tribunal civil|tribunaux civils]] supplantent ce monopole d’Église. |
Alors qu’on associe généralement plus volontiers Moyen Âge et [[sorcellerie]], les {{s2-|XVI|e|XVII|e}} ont connu les vagues de persécutions les plus intenses. Le paroxysme est atteint lorsque les [[Tribunal civil|tribunaux civils]] supplantent ce monopole d’Église. |
||
Les {{citation|[[chasse aux sorcières|chasses aux sorcières]]}} connaissent deux vagues : la première de 1480 à 1520 environ, puis la seconde de 1560 à 1650. Mais, dès les années 1400-1450, le portrait de ce qui deviendra une {{citation|image d’Épinal}} par la suite se dessine et les dernières persécutions se terminent vers la fin du {{XVII|e}}. |
Les {{citation|[[chasse aux sorcières|chasses aux sorcières]]}} connaissent deux vagues : la première de 1480 à 1520 environ, puis la seconde de 1560 à 1650. Mais, dès les années 1400-1450, le portrait de ce qui deviendra une {{citation|[[image d’Épinal]]}} par la suite se dessine et les dernières persécutions se terminent vers la fin du {{XVII|e}}. |
||
Parallèlement à ces répressions se développe une littérature inquisitoriale (près de 2000 œuvres) dénonçant les pouvoirs maléfiques des sorcières, dangereuses car elles « sont encore plus exécrables en ce qu'elles apprennent de la bouche de Satan mesme ce que les magiciens apprennent dans les livres »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Thomas Erastus|titre=Deux dialogues touchant le pouvoir des sorcières, et de la punition qu'elles méritent|lieu=Paris|éditeur=|année=1885|isbn=|lire en ligne=|commentaire=Traduction de Repetitio disputationis de lamiis seu strigibus - 1578}}.</ref>. Parmi ces œuvres figure ''[[Malleus Maleficarum|Le Marteau des sorcières]].'' |
Parallèlement à ces répressions se développe une littérature inquisitoriale (près de 2000 œuvres) dénonçant les pouvoirs maléfiques des sorcières, dangereuses car elles « sont encore plus exécrables en ce qu'elles apprennent de la bouche de Satan mesme ce que les magiciens apprennent dans les livres »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Thomas Erastus|titre=Deux dialogues touchant le pouvoir des sorcières, et de la punition qu'elles méritent|lieu=Paris|éditeur=|année=1885|isbn=|lire en ligne=|commentaire=Traduction de Repetitio disputationis de lamiis seu strigibus - 1578}}.</ref>. Parmi ces œuvres figure ''[[Malleus Maleficarum|Le Marteau des sorcières]].'' |
||
L'historien {{lien|fr=Brian P. Levack|lang=en|trad=Brian P. Levack}} estime qu’environ {{Unité|110000|procès}} pour crimes de sorcellerie eurent lieu en Europe en cinq siècles<ref>Pascale Robert-Diard, “Aux Archives nationales, six siècles de grands procès faits aux femmes”, ''M le magazine du Monde'', 16.12.2016.</ref>. Historiens et chercheurs estiment aujourd’hui le nombre de leurs victimes entre 50 et {{formatnum:100000}} sur les deux siècles où tant les tribunaux de l’[[Inquisition]] que ceux de la [[Réforme protestante|Réforme]] les conduisent au [[bûcher]]<ref>[http://www.summerlands.com/crossroads/remembrance/current.htm Estimates of Executions]</ref>. Un chiffre élevé en proportion de la population européenne de l’époque (de l'ordre de 80 millions d’habitants au {{s-|XVI|e}}, Russie comprise). Anne Barstow, professeur d'histoire à l'université, estime que 80 % des accusés sont des femmes et 85% des condamnés sont également des femmes<ref>{{Article|prénom1=Tanice G.|nom1=Foltz|titre=Review of Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts|périodique=Gender and Society|volume=9|numéro=4|date=1995|issn=0891-2432|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/189787|consulté le=2022-05-03|pages=514–516}}</ref>. Les hommes qui sont accusés de sorcellerie sont pour la plupart en lien avec des femmes accusées. |
L'historien {{lien|fr=Brian P. Levack|lang=en|trad=Brian P. Levack}} estime qu’environ {{Unité|110000|procès}} pour crimes de sorcellerie eurent lieu en Europe en cinq siècles<ref>Pascale Robert-Diard, “Aux Archives nationales, six siècles de grands procès faits aux femmes”, ''M le magazine du Monde'', 16.12.2016.</ref>. Historiens et chercheurs estiment aujourd’hui le nombre de leurs victimes entre 50 et {{formatnum:100000}} sur les deux siècles où tant les tribunaux de l’[[Inquisition]] que ceux de la [[Réforme protestante|Réforme]] les conduisent au [[bûcher]]<ref>[http://www.summerlands.com/crossroads/remembrance/current.htm Estimates of Executions]</ref>. Un chiffre élevé en proportion de la population européenne de l’époque (de l'ordre de 80 millions d’habitants au {{s-|XVI|e}}, Russie comprise). Anne Barstow, professeur d'histoire à l'[[université]], estime que 80 % des accusés sont des femmes et 85% des condamnés sont également des femmes<ref>{{Article|prénom1=Tanice G.|nom1=Foltz|titre=Review of Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts|périodique=Gender and Society|volume=9|numéro=4|date=1995|issn=0891-2432|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/189787|consulté le=2022-05-03|pages=514–516}}</ref>. Les hommes qui sont accusés de sorcellerie sont pour la plupart en lien avec des femmes accusées. |
||
==== Qui sont ces sorcières ? ==== |
==== Qui sont ces sorcières ? ==== |
||
[[Image:Inquisition.jpg|thumb|upright=1.2|alt=Gravure médiévale montrant deux hommes attisant un bûcher sur lequel brûlent trois femmes. L'une d'elles est saisie par un dragon qui sort d'un nuage.|Scène de l'Inquisition : sorcières au [[bûcher]]]] |
[[Image:Inquisition.jpg|thumb|upright=1.2|alt=Gravure médiévale montrant deux hommes attisant un bûcher sur lequel brûlent trois femmes. L'une d'elles est saisie par un dragon qui sort d'un nuage.|Scène de l'Inquisition : sorcières au [[bûcher]]]] |
||
Ces femmes (et quelquefois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles) appartenaient le plus souvent aux classes populaires. Une toute petite minorité d’entre elles pouvait être considérée comme étant d’authentiques criminelles (ce fut le cas de |
Ces femmes (et quelquefois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles) appartenaient le plus souvent aux classes populaires. Une toute petite minorité d’entre elles pouvait être considérée comme étant d’authentiques criminelles (ce fut le cas de [[Catherine Deshayes|la Voisin]], sous [[Louis XIV]], par exemple) coupables d’[[homicide]], ou de [[Maladies mentales|malades mentales]]. |
||
De nombreux mythes ont circulé sur les sorcières, notamment inspirés par l'image de magiciennes détentrices d'une connaissance mystérieuse largement diffusés dans les arts et la littérature : dès la seconde moitié du {{s-|xviii}}, la figure de la sorcière est réhabilitée par le [[roman gothique]], qui la charge d'une aura de mystère fascinante<ref>Maurice Levy, ''Le Roman « gothique » anglais : 1764-1824'', Albin Michel, 2015 ([https://www.google.fr/books/edition/Le_Roman_gothique_anglais_1764_1824/O45tCQAAQBAJ lire en ligne]).</ref>. De là vient qu'on associe parfois les sorcières à un rôle de sages-femmes ou de guérisseuses dépositaires d'un savoir ancestral pour lequel elles auraient été persécutées. Ces pratiques étaient toutefois très minoritaires parmi les personnes accusées de sorcellerie et leur ont en réalité été attribuées sans preuve par les écrivains romantiques du {{s-|xix}}<ref name="purkiss" />. La diffusion d'ouvrages présentés comme historiques mais en réalité purement fictifs, comme ''[[La Sorcière (essai)|La Sorcière]]'' de [[Jules Michelet]] (où sont notamment inventées les prétendues « millions de victimes »<ref>[[Jules Michelet]], [[s:La Sorcière/Épilogue|''La Sorcière'', « Épilogue »]], éditions Flammarion, 1898, p. 674.</ref> de l'Inquisition), a participé à donner du crédit à ces idées, plus tard reprises par les féministes du {{s-|xx}} pour construire la figure politique, quoique non historique, de la sorcière comme modèle de la femme rebelle et émancipée<ref name="glenn">{{en}} Glenn W. Shuck, « The Myth of the Burning Times and the Politics of Resistance in Contemporary American Wicca », ''Journal of Religion & Society'', 2000 ([[s:en:The Myth of the Burning Times and the Politics of Resistance in Contemporary American Wicca|lire en ligne]]).</ref>. |
De nombreux mythes ont circulé sur les sorcières, notamment inspirés par l'image de magiciennes détentrices d'une connaissance mystérieuse largement diffusés dans les arts et la littérature : dès la seconde moitié du {{s-|xviii}}, la figure de la sorcière est réhabilitée par le [[roman gothique]], qui la charge d'une aura de mystère fascinante<ref>Maurice Levy, ''Le Roman « gothique » anglais : 1764-1824'', Albin Michel, 2015 ([https://www.google.fr/books/edition/Le_Roman_gothique_anglais_1764_1824/O45tCQAAQBAJ lire en ligne]).</ref>. De là vient qu'on associe parfois les sorcières à un rôle de sages-femmes ou de guérisseuses dépositaires d'un savoir ancestral pour lequel elles auraient été persécutées. Ces pratiques étaient toutefois très minoritaires parmi les personnes accusées de sorcellerie et leur ont en réalité été attribuées sans preuve par les écrivains romantiques du {{s-|xix}}<ref name="purkiss" />. La diffusion d'ouvrages présentés comme historiques mais en réalité purement fictifs, comme ''[[La Sorcière (essai)|La Sorcière]]'' de [[Jules Michelet]] (où sont notamment inventées les prétendues « millions de victimes »<ref>[[Jules Michelet]], [[s:La Sorcière/Épilogue|''La Sorcière'', « Épilogue »]], éditions Flammarion, 1898, p. 674.</ref> de l'Inquisition), a participé à donner du crédit à ces idées, plus tard reprises par les féministes du {{s-|xx}} pour construire la figure politique, quoique non historique, de la sorcière comme modèle de la femme rebelle et émancipée<ref name="glenn">{{en}} Glenn W. Shuck, « The Myth of the Burning Times and the Politics of Resistance in Contemporary American Wicca », ''Journal of Religion & Society'', 2000 ([[s:en:The Myth of the Burning Times and the Politics of Resistance in Contemporary American Wicca|lire en ligne]]).</ref>. |
||
Ligne 90 : | Ligne 90 : | ||
==== Persistance des ordalies ==== |
==== Persistance des ordalies ==== |
||
Le phénomène se poursuit dans différentes régions jusque dans la première moitié du {{s-|XX}}, notamment en [[Inde]] (utilisation du sringa<ref>{{Citation|En Inde, le poison dit sringa, produit par un arbre de l'Himalaya, est administré à l'accusé sous la forme de sept grains mêlés à du beurre ; si, jusqu'à la fin du jour, il ne produit aucun effet, le juge acquitte}}. Cf Salomon Reinach, {{opcit}}</ref> et de l'arsenic) ou chez les Hébreux et les Grecs, où survit la pratique de l'[[ordalie]] par le poison (si le sorcier ou la sorcière sont coupables, ils tombent malades ou meurent, s'ils ne réagissent pas, ils sont innocentés et le poison violent est éliminé par [[vomissement]] ou [[miction]])<ref>{{ouvrage|auteur=[[Salomon Reinach]]|titre=Cultes, mythes et religions|éditeur=E. Leroux|date=1913|passage=263}}</ref>, ou en [[Afrique]] où se pratique sur les sorciers l'ordalie par le poison et par l'eau ou l'huile bouillante, et ce jusque dans la seconde moitié du {{s-|XX}}<ref>{{ouvrage|auteur=Anne Retel-Laurentin|titre=Sorcellerie et ordalies: l'épreuve du poison en Afrique noire|éditeur=Éditions Anthropos|date=1974|passage=215-278}}</ref>. |
Le phénomène se poursuit dans différentes régions jusque dans la première moitié du {{s-|XX}}, notamment en [[Inde]] (utilisation du [[sringa]]<ref>{{Citation|En Inde, le poison dit sringa, produit par un arbre de l'Himalaya, est administré à l'accusé sous la forme de sept grains mêlés à du beurre ; si, jusqu'à la fin du jour, il ne produit aucun effet, le juge acquitte}}. Cf Salomon Reinach, {{opcit}}</ref> et de l'[[arsenic]]) ou chez les Hébreux et les Grecs, où survit la pratique de l'[[ordalie]] par le poison (si le sorcier ou la sorcière sont coupables, ils tombent malades ou meurent, s'ils ne réagissent pas, ils sont innocentés et le poison violent est éliminé par [[vomissement]] ou [[miction]])<ref>{{ouvrage|auteur=[[Salomon Reinach]]|titre=Cultes, mythes et religions|éditeur=E. Leroux|date=1913|passage=263}}</ref>, ou en [[Afrique]] où se pratique sur les sorciers l'ordalie par le poison et par l'eau ou l'[[huile]] bouillante, et ce jusque dans la seconde moitié du {{s-|XX}}<ref>{{ouvrage|auteur=Anne Retel-Laurentin|titre=Sorcellerie et ordalies: l'épreuve du poison en Afrique noire|éditeur=Éditions Anthropos|date=1974|passage=215-278}}</ref>. |
||
=== Antisémitisme === |
=== Antisémitisme === |
||
{{double image|right|Hexe - panoramio (1).jpg|125|GermanJews1.jpg|75|Comparaison des représentations d'une sorcière « contemporaine » à gauche et de Juifs allemands (portant le ''[[judenhut]]'' médiéval) à droite.}} |
{{double image|right|Hexe - panoramio (1).jpg|125|GermanJews1.jpg|75|Comparaison des représentations d'une sorcière « contemporaine » à gauche et de Juifs allemands (portant le ''[[judenhut]]'' médiéval) à droite.}} |
||
Les sorcières nourrissent l’imaginaire populaire mais elles permettent également d’évoquer la société moderne. La chasse aux sorcières, durant la [[Renaissance française|Renaissance]], sert de [[métaphore]] pour comprendre l’ordre social. C'est immédiatement après l'expulsion des Juifs d'Europe de l'Ouest que commence la chasse aux sorcières, accusées de posséder des caractéristiques physiques démoniaques inhérentes à leur état, tout comme l'étaient les Juifs. La coiffe juive médiévale, obligation imposée par le pape, devient le chapeau pointu traditionnel des sorcières. L'image de la vieille femme hideuse au nez crochu évoque aussi l'archétype fantasmé du Juifs malveillant, né en Angleterre au XIIe siècle et propagé lors des |
Les sorcières nourrissent l’imaginaire populaire mais elles permettent également d’évoquer la société moderne. La chasse aux sorcières, durant la [[Renaissance française|Renaissance]], sert de [[métaphore]] pour comprendre l’ordre social. C'est immédiatement après l'expulsion des Juifs d'Europe de l'Ouest que commence la chasse aux sorcières, accusées de posséder des caractéristiques physiques démoniaques inhérentes à leur état, tout comme l'étaient les Juifs. La coiffe juive médiévale, obligation imposée par le pape, devient le chapeau pointu traditionnel des sorcières. L'image de la vieille femme hideuse au nez crochu évoque aussi l'archétype fantasmé du Juifs malveillant, né en Angleterre au XIIe siècle et propagé lors des [[croisade]]s. La sorcière, bouc émissaire de remplacement, cumule ainsi les caractéristiques attribuées aux [[Juifs]] et aux [[Hérésie|hérétiques]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Valérie|nom1=Naudet|titre=Fantasmagories du Moyen Âge: Entre médiéval et moyen-âgeux|éditeur=Presses universitaires de Provence|date=2014-01-17|isbn=978-2-821-83596-2|lire en ligne=http://books.openedition.org/pup/2083|consulté le=2017-07-03}}.</ref>{{,}}<ref name=":5">L'historien [[Freddy Raphaël]] démontre le rôle interchangeable des attributs iconographiques prêtés aux [[Juif|Juifs]] et aux sorcières à travers la similitude des systèmes de représentation dont ils ont été l'objet ''in'' « Juifs et sorcières dans l'Alsace médiévale », ''[[Revue des sciences sociales|Revue des Sc. Soc. de la Fr. de l'Est]], 1974, n° 3.''</ref>. |
||
Le mot « [[Sabbat (sorcellerie)|sabbat]] » (de sorcières), désignant une cérémonie nocturne de sorcières, provient du mot « ''[[shabbat]]'' », désignant le jour hebdomadaire sacré de repos et de [[Prières dans le judaïsme|prières]] chez les Juifs (que suivent certains [[Chrétien|chrétiens]] fidèles au [[christianisme primitif]], à travers le « ''sabbat »'' chrétien) et dont l'emploi figuré, étendu et dégradé est devenu abusif et malveillant dans un but de dénigrement, de mépris et de suspicion<ref name=":0">{{Lien web|titre=SABBAT : Définition de SABBAT|url=https://www.cnrtl.fr/definition/sabbat|site=www.cnrtl.fr|consulté le=2019-12-22}}</ref>{{,}}<ref name=":4">{{Chapitre|prénom1=Daniel|nom1=Iancu-Agou|titre chapitre=Le diable et le juif : réprésentation médiévales iconographiques et écrites|titre ouvrage=Le diable au Moyen Âge : Doctrine, problèmes moraux, représentations|éditeur=Presses universitaires de Provence|collection=Senefiance|date=2014-01-17|isbn=9782821835894|lire en ligne=http://books.openedition.org/pup/2662|consulté le=2019-03-12|passage=259–276}}</ref>. |
Le mot « [[Sabbat (sorcellerie)|sabbat]] » (de sorcières), désignant une cérémonie nocturne de sorcières, provient du mot « ''[[shabbat]]'' », désignant le jour hebdomadaire sacré de repos et de [[Prières dans le judaïsme|prières]] chez les Juifs (que suivent certains [[Chrétien|chrétiens]] fidèles au [[christianisme primitif]], à travers le « ''sabbat »'' chrétien) et dont l'emploi figuré, étendu et dégradé est devenu abusif et malveillant dans un but de dénigrement, de mépris et de suspicion<ref name=":0">{{Lien web|titre=SABBAT : Définition de SABBAT|url=https://www.cnrtl.fr/definition/sabbat|site=www.cnrtl.fr|consulté le=2019-12-22}}</ref>{{,}}<ref name=":4">{{Chapitre|prénom1=Daniel|nom1=Iancu-Agou|titre chapitre=Le diable et le juif : réprésentation médiévales iconographiques et écrites|titre ouvrage=Le diable au Moyen Âge : Doctrine, problèmes moraux, représentations|éditeur=Presses universitaires de Provence|collection=Senefiance|date=2014-01-17|isbn=9782821835894|lire en ligne=http://books.openedition.org/pup/2662|consulté le=2019-03-12|passage=259–276}}</ref>. |
||
Ligne 109 : | Ligne 109 : | ||
=== À l'époque des suffragettes === |
=== À l'époque des suffragettes === |
||
[[Fichier:EmmaGoldmanQuote2000.JPG|vignette|Manifestation de féministes [[Anarchisme|anarchistes]], se réclamant d'[[Emma Goldman]], 2000.]] |
[[Fichier:EmmaGoldmanQuote2000.JPG|vignette|Manifestation de féministes [[Anarchisme|anarchistes]], se réclamant d'[[Emma Goldman]], 2000.]] |
||
La première féministe à utiliser l’histoire des sorcières et à revendiquer elle-même ce titre a été l’Américaine [[Matilda Joslyn Gage]] (1826-1898), qui militait pour le droit de vote des femmes, mais aussi pour les droits des Amérindiens et |
La première féministe à utiliser l’histoire des sorcières et à revendiquer elle-même ce titre a été l’Américaine [[Matilda Joslyn Gage]] (1826-1898), qui militait pour le droit de vote des femmes, mais aussi pour les droits des [[Autochtones d'Amérique|Amérindiens]] et l’[[abolition de l’esclavage]]. Dans ''Femme, Église, État'' (1893), elle propose une lecture féministe de la chasse aux sorcières en proposant de remplacer le mot « sorcière » par le mot « femme » pour mieux se rendre compte de l'étendue du phénomène : « Quand, au lieu de « sorcières », on choisit de lire « femmes », on gagne une meilleure compréhension des cruautés infligées par l’Église à cette portion de l’humanité. »<ref>{{Article |prénom1=R. R. |nom1=Ruether |titre=Woman, Church, and State: The Original Expose of Male Collaboration Against the Female Sex. By Matilda Joslyn Gage. Reprint ed. Watertown, Mass.: Persephone Press, 1980. 295 pp. $7.95 paper |périodique=Journal of Church and State |volume=25 |numéro=2 |date=1983-03-01 |issn=0021-969X |issn2=2040-4867 |doi=10.1093/jcs/25.2.358 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/jcs/25.2.358 |consulté le=2019-12-09 |pages=358–359 }}</ref>. L'ouvrage invente notamment « neuf millions de personnes »<ref>Matilda Joslyn Gage, ''Woman, Church and State. A Historical Account of the Status of Woman Through the Christian Ages: with Reminiscences of the Matriarchate'', Truth Seeker Company, 1893 ([lire en ligne]), p. 247.</ref> prétendument tuées pour sorcellerie, chiffre totalement fantaisiste et non documenté, qu'on sait aujourd'hui surestimer d'un facteur 150 le nombre réel de sorcières exécutées (aux alentours de 60 000<ref>{{en}} Brian P. Levack, ''The witch hunt in early modern Europe'', third edition, London and New York, Longman, 2006, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k18395f/f134.image présentation en ligne].</ref>). Par ailleurs, l'idée d'un matriarcat originel défendu par Gage est aujourd'hui considérée comme un pur et simple mythe<ref>{{article|langue=fr|auteur1=Constance Rimlinger|titre=Féminin sacré et sensibilité écoféministe. Pourquoi certaines femmes ont toujours besoin de la Déesse|périodique=Sociologie|volume=12|année=2021|pages=77-91|url=https://www.cairn.info/revue-sociologie-2021-1-page-77.htm}}.</ref> : il s'agit donc ici d'une récupération politique de la notion de sorcière, entièrement vidée de sa réalité historique pour s'appliquer au contexte militant particulier qu'est celui de la fin du {{s-|xix}}<ref name="purkiss">{{en}} Diane Purkiss, ''The Witch in History: Early Modern and Twentieth-Century Representations'', Routledge, Partie I, chapitre 1, 1996.</ref>. |
||
=== Dans le cadre de l'ère de la libération sexuelle === |
=== Dans le cadre de l'ère de la libération sexuelle === |
||
La sorcière, pour différents courants féministes de la [[Seconde vague féministe|seconde vague]], devient un symbole de revendications. En 1968, le jour de Halloween, apparaît à New York le mouvement [[Women's International Terrorist Conspiracy from Hell]] (Conspiration féministe international venue de l'enfer, WITCH) dont les membres défilèrent dans [[Wall Street]], devant la Bourse, en dansant la [[sarabande]], main dans la main, vêtues de capes noires. L'une d'entre elles, [[Robin Morgan]], raconte ce moment quelques années plus tard dans « WITCH hexes Wall Street » tiré de ''Going Too Far, The personal Chronicle of a Feminist'' : « Les yeux fermés, la tête baissée, les femmes entonnèrent un chant [[Berbères|berbère]] (sacré aux yeux des sorcières algériennes) et proclamèrent l’effondrement imminent des diverses actions. Quelques heures plus tard, le marché clôtura en baisse d’un point et demi, et le lendemain, il chuta de cinq points »<ref>{{Ouvrage|nom1=Morgan, Robin.|titre=Going too far : the personal chronicle of a feminist|éditeur=Random House|date=1977|isbn=0-394-48227-1|isbn2=978-0-394-48227-9|oclc=2644486|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/2644486|consulté le=2019-12-09}}</ref>. |
La sorcière, pour différents courants féministes de la [[Seconde vague féministe|seconde vague]], devient un symbole de revendications. En 1968, le jour de [[Halloween]], apparaît à New York le mouvement [[Women's International Terrorist Conspiracy from Hell]] (Conspiration féministe international venue de l'enfer, WITCH) dont les membres défilèrent dans [[Wall Street]], devant la Bourse, en dansant la [[sarabande]], main dans la main, vêtues de capes noires. L'une d'entre elles, [[Robin Morgan]], raconte ce moment quelques années plus tard dans « WITCH hexes Wall Street » tiré de ''Going Too Far, The personal Chronicle of a Feminist'' : « Les yeux fermés, la tête baissée, les femmes entonnèrent un chant [[Berbères|berbère]] (sacré aux yeux des sorcières algériennes) et proclamèrent l’effondrement imminent des diverses actions. Quelques heures plus tard, le marché clôtura en baisse d’un point et demi, et le lendemain, il chuta de cinq points »<ref>{{Ouvrage|nom1=Morgan, Robin.|titre=Going too far : the personal chronicle of a feminist|éditeur=Random House|date=1977|isbn=0-394-48227-1|isbn2=978-0-394-48227-9|oclc=2644486|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/2644486|consulté le=2019-12-09}}</ref>. |
||
Plusieurs groupes féministes des années 1970 ne tardent pas à suivre le mouvement et à revendiquer cette identité : « nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler », dit un slogan féministe célèbre. De même qu'un mouvement similaire, qui apparaît en Italie à la même période, prône à son tour « Tremblez, tremblez, les sorcières sont revenues ! » (''Tremate, tremate, le streghe son tornate'' !)<ref>{{Article |prénom1=Penny |nom1=Gill |titre=Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts. By Anne Llewellyn Barstow. New York: HarperCollins, 1994. xiv + 255 pp. $25.00. |périodique=Church History |volume=65 |numéro=2 |date=1996-06 |issn=0009-6407 |issn2=1755-2613 |doi=10.2307/3170313 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.2307/3170313 |consulté le=2019-12-09 |pages=278–279 }}</ref>. En France, la revue [[Sorcières (revue)|''Sorcières'']] paraît de 1976 à 1981 sous la direction de [[Xavière Gauthier]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Mona Chollet|titre=Tremblez, les sorcières sont de retour !|périodique=Le Monde diplomatique|date=2018-10-01|lire en ligne=https://www.monde-diplomatique.fr/2018/10/CHOLLET/59161|consulté le=2018-10-22|pages=}}.</ref>, revue à laquelle collaborèrent [[Hélène Cixous]], [[Marguerite Duras]], [[Luce Irigaray]], [[Julia Kristeva]], [[Nancy Huston|Nancy Houston]] ou encore [[Annie Leclerc]]. Et plus tard, à l'occasion du rassemblement du {{date-|12 septembre 2017}} contre la réforme du code du travail, des membres du « ''[[Witch Bloc|Witch Bloc Paname]]'' », un collectif de « sorcières » (''witch'' en [[anglais]]) ont défilé avec des banderoles ''« Macron au chaudron »'' tandis qu’elles manifestaient en tenues noires et chapeaux pointus<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=« MACRON AU CHAUDRON ! » LE RETOUR DES SORCIÈRES|url=https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2017/09/30/macron-au-chaudron-le-retour-des-sorcieres/|site=Journalisme pensif|date=2017-09-30|consulté le=2019-12-09}}</ref>. La même année, en {{date-|février 2017}}, un groupe de sorcières auxquelles s’est jointe la chanteuse [[Lana Del Rey]] se donnait rendez-vous au pied de la [[Trump Tower]] à New-York afin de provoquer la destitution du président<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Le jour où Lana del Rey est devenue une sorcière anti-Trump|url=https://www.lesinrocks.com/2017/02/27/musique/musique/jour-lana-del-rey-devenue-sorciere-anti-trump/|site=Les Inrocks|consulté le=2019-12-09}}</ref>. |
Plusieurs groupes féministes des années 1970 ne tardent pas à suivre le mouvement et à revendiquer cette identité : « nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler », dit un slogan féministe célèbre. De même qu'un mouvement similaire, qui apparaît en Italie à la même période, prône à son tour « Tremblez, tremblez, les sorcières sont revenues ! » (''Tremate, tremate, le streghe son tornate'' !)<ref>{{Article |prénom1=Penny |nom1=Gill |titre=Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts. By Anne Llewellyn Barstow. New York: HarperCollins, 1994. xiv + 255 pp. $25.00. |périodique=Church History |volume=65 |numéro=2 |date=1996-06 |issn=0009-6407 |issn2=1755-2613 |doi=10.2307/3170313 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.2307/3170313 |consulté le=2019-12-09 |pages=278–279 }}</ref>. En France, la revue [[Sorcières (revue)|''Sorcières'']] paraît de 1976 à 1981 sous la direction de [[Xavière Gauthier]]<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Mona Chollet|titre=Tremblez, les sorcières sont de retour !|périodique=Le Monde diplomatique|date=2018-10-01|lire en ligne=https://www.monde-diplomatique.fr/2018/10/CHOLLET/59161|consulté le=2018-10-22|pages=}}.</ref>, revue à laquelle collaborèrent [[Hélène Cixous]], [[Marguerite Duras]], [[Luce Irigaray]], [[Julia Kristeva]], [[Nancy Huston|Nancy Houston]] ou encore [[Annie Leclerc]]. Et plus tard, à l'occasion du rassemblement du {{date-|12 septembre 2017}} contre la réforme du code du travail, des membres du « ''[[Witch Bloc|Witch Bloc Paname]]'' », un collectif de « sorcières » (''witch'' en [[anglais]]) ont défilé avec des banderoles ''« Macron au [[Chaudron (récipient)|chaudron]] »'' tandis qu’elles manifestaient en tenues noires et chapeaux pointus<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=« MACRON AU CHAUDRON ! » LE RETOUR DES SORCIÈRES|url=https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2017/09/30/macron-au-chaudron-le-retour-des-sorcieres/|site=Journalisme pensif|date=2017-09-30|consulté le=2019-12-09}}</ref>. La même année, en {{date-|février 2017}}, un groupe de sorcières auxquelles s’est jointe la chanteuse [[Lana Del Rey]] se donnait rendez-vous au pied de la [[Trump Tower]] à New-York afin de provoquer la destitution du président<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Le jour où Lana del Rey est devenue une sorcière anti-Trump|url=https://www.lesinrocks.com/2017/02/27/musique/musique/jour-lana-del-rey-devenue-sorciere-anti-trump/|site=Les Inrocks|consulté le=2019-12-09}}</ref>. |
||
=== À l'ère de l'''empowerment'' féminin === |
=== À l'ère de l'''empowerment'' féminin === |
||
Dès lors, l'image de la sorcière a été utilisée comme une figure de revendication |
Dès lors, l'image de la sorcière a été utilisée comme une figure de revendication, de résistance et de libération, ainsi qu'un symbole de lutte face aux oppressions et aux dominations misogynes. Il en a résulté une génération d'ouvrages, commençant par ''Caliban et la sorcière'' de [[Silvia Federici]]<ref name="Caliban et la sorcière">{{Ouvrage|langue=en|titre=Caliban and the witch|sous-titre=women, the body and primitive accumulation|lieu=Brooklyn, NY|éditeur=Autonomedia|année=2014|pages totales=285|isbn=978-1-57027-059-8|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=4-PvMvdVqp0C&printsec=frontcover}}, traduit en français en 2017.</ref>, dont les analyses ont été reprises et popularisées dans d'autres pays par des auteures féministes comme [[Starhawk (écrivaine)|Starhawk]] ou en France [[Mona Chollet]], dans ''Sorcières la puissance invaincue des femmes''<ref name=puissance>{{Ouvrage|nom1=Chollet |prénom1= Mona|titre=Sorcières : la puissance invaincue des femmes|éditeur=Zones|date=impr. 2019|isbn=978-2-35522-122-4|isbn2=2-35522-122-7|oclc=1107849325|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/1107849325|consulté le=2019-12-09}}</ref> paru en 2018 dans lequel elle propose un tour d'horizon critique des différentes perceptions et réappropriations de la figure de la sorcière. Pour l'autrice, comme pour beaucoup d'autres auteurs et critiques sur lesquels elle s'appuie (jusqu'à l'historien romantique [[Jules Michelet]]<ref name=":Michelet">[[Jules Michelet]], ''[[La Sorcière (essai)|La Sorcière]]'', 1862.</ref>), la sorcière est fortement mêlée au féminisme et à [[Empowerment|l’empowerment]] politique qui implique la critique des systèmes d’oppression. |
||
Ce lien entre sorcière et engagement politique a également été fait par les détracteurs du féminisme. [[Mona Chollet]], dans l’introduction de son essai, cite le télévangéliste [[Pat Robertson]], qui déclara dans une lettre de 1992 : « Le féminisme encourage les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes »<ref>{{Article |langue=en-US |prénom1=The Associated |nom1=Press |titre=Robertson Letter Attacks Feminists |périodique=The New York Times |date=1992-08-26 |issn=0362-4331 |lire en ligne=https://www.nytimes.com/1992/08/26/us/robertson-letter-attacks-feminists.html |consulté le=2019-12-09 }}</ref>. La réaction, comme le rappelle Mona Chollet, se manifeste par une sorte d’élan d’adhésion assez immédiat et tout aussi peu nuancé qu'elle traduit par : « Où-est-ce qu’on signe ? ». |
Ce lien entre sorcière et engagement politique a également été fait par les détracteurs du féminisme. [[Mona Chollet]], dans l’introduction de son essai, cite le télévangéliste [[Pat Robertson]], qui déclara dans une lettre de 1992 : « Le féminisme encourage les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes »<ref>{{Article |langue=en-US |prénom1=The Associated |nom1=Press |titre=Robertson Letter Attacks Feminists |périodique=The New York Times |date=1992-08-26 |issn=0362-4331 |lire en ligne=https://www.nytimes.com/1992/08/26/us/robertson-letter-attacks-feminists.html |consulté le=2019-12-09 }}</ref>. La réaction, comme le rappelle Mona Chollet, se manifeste par une sorte d’élan d’adhésion assez immédiat et tout aussi peu nuancé qu'elle traduit par : « Où-est-ce qu’on signe ? ». |
||
Les sorcières incarnent, pour ces auteures féministes, la liberté contre la vigilance et le contrôle du mari, et donc une figure de l'émancipation des femmes. Il faut rappeler que les premières [[Chasse aux sorcières|chasses aux sorcières]] avaient pour motif de traquer les avorteuses en les condamnant pour sorcellerie. C'est donc assez naturellement que la sorcière devient une figure emblématique des luttes pour le [[Droit de l'avortement|droit à l'avortement]]. Les mouvements féministes combattent la stigmatisation des femmes sans enfant, ces femmes qui menacent de devenir des « vieilles femmes à chats » pour reprendre une expression populaire qu'on peut relier à l’imaginaire de la sorcière en femme âgée, seule et toujours accompagnée de son animal familier. Néanmoins, ils n’obligent pas non plus à refuser la maternité. Les féministes insistent sur le libre choix individuel, à l'image du « Un enfant si je veux, quand je veux » que scandaient les manifestantes pour le droit à l’avortement au moment des mouvements de libération des femmes<ref>{{Article |prénom1=Marie |nom1=Léon |titre=Un enfant si je veux, quand je veux... |périodique=Gestalt |volume=n° 43 |numéro=1 |date=2013 |issn=1154-5232 |issn2=1950-6716 |doi=10.3917/gest.043.0104 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3917/gest.043.0104 |consulté le=2019-12-09 |pages=104 }}</ref>. |
Les sorcières incarnent, pour ces auteures féministes, la liberté contre la vigilance et le contrôle du mari, et donc une figure de l'émancipation des femmes. Il faut rappeler que les premières [[Chasse aux sorcières|chasses aux sorcières]] avaient pour motif de traquer les [[Avortement|avorteuses]] en les condamnant pour sorcellerie. C'est donc assez naturellement que la sorcière devient une figure emblématique des luttes pour le [[Droit de l'avortement|droit à l'avortement]]. Les mouvements féministes combattent la stigmatisation des femmes sans enfant, ces femmes qui menacent de devenir des « vieilles femmes à chats » pour reprendre une expression populaire qu'on peut relier à l’imaginaire de la sorcière en femme âgée, seule et toujours accompagnée de son animal [[Familier (esprit)|familier]]. Néanmoins, ils n’obligent pas non plus à refuser la maternité. Les féministes insistent sur le libre choix individuel, à l'image du « Un enfant si je veux, quand je veux » que scandaient les manifestantes pour le droit à l’avortement au moment des mouvements de libération des femmes<ref>{{Article |prénom1=Marie |nom1=Léon |titre=Un enfant si je veux, quand je veux... |périodique=Gestalt |volume=n° 43 |numéro=1 |date=2013 |issn=1154-5232 |issn2=1950-6716 |doi=10.3917/gest.043.0104 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3917/gest.043.0104 |consulté le=2019-12-09 |pages=104 }}</ref>. |
||
La sorcière devient également un symbole de vieillesse assumée selon Mona Chollet. En effet, l’image de la sorcière aux cheveux grisonnants révèlent la peur du changement physique et une crainte de l’expérience liée au vécu des femmes âgées, l'[[âgisme]] étant dans notre société une pratique très courante. L’âge et le vieillissement des femmes restent un sujet tabou encore sujet à la dévalorisation. Les médias et la presse féminine s' |
La sorcière devient également un symbole de vieillesse assumée selon Mona Chollet. En effet, l’image de la sorcière aux cheveux grisonnants révèlent la peur du changement physique et une crainte de l’expérience liée au vécu des femmes âgées, l'[[âgisme]] étant dans notre société une pratique très courante. L’âge et le vieillissement des femmes restent un sujet tabou encore sujet à la dévalorisation. Les médias et la presse féminine s'appliquent à montrer des femmes jeunes, au visage lisse et au corps ferme tout en omettant de mentionner les femmes plus âgées ou expérimentées. La peur de vieillir reste une inégalité entre hommes et femmes observe Mona Chollet dans son essai : « Un homme n’est jamais disqualifié sur le plan amoureux et sexuel du fait de son âge et, lorsqu’il commence à présenter des signes de vieillissement, il ne suscite ni les mêmes regards apitoyés ni la même répulsion »<ref name=puissance/>. Or la sorcière est une figure qui, même représentée laide et vieille, reste puissante, crainte et détentrice d'un savoir particulier. Et si, avec la sorcière, l'accent n'est pas nécessairement mis sur la beauté, il n'en reste pas moins un symbole de valorisation de l'expérience et du savoir. Il en vient même à se détacher de cet impératif de la beauté au profit justement de connaissances plus profondes. |
||
Dans cette hybridation entre sorcière et féminisme, il ne s'agit plus de se référer à un imaginaire populaire aussi fantastique qu'inquiétant pour le projeter dans la sphère politique. Il revient de prendre la sorcière comme l'incarnation de la femme qui refuse la soumission aux normes et aux contraintes sociales, comme un modèle de femme marginalisée ou exclue pour son mode de vie et de sa résistance face à cela. La sorcière est réinterprétée ainsi comme une figure de dissidence, dont se sont inspirés et dont s’inspirent encore les mouvements féministes. Symbole d'une autonomie féminine affranchie des normes, elle a été un objet de haine pour les représentants de l’ordre patriarcal, en témoigne le fait que le terme reste encore une insulte [[Misogynie|misogyne]]. |
Dans cette hybridation entre sorcière et féminisme, il ne s'agit plus de se référer à un imaginaire populaire aussi fantastique qu'inquiétant pour le projeter dans la sphère politique. Il revient de prendre la sorcière comme l'incarnation de la femme qui refuse la soumission aux normes et aux contraintes sociales, comme un modèle de femme marginalisée ou exclue pour son mode de vie et de sa résistance face à cela. La sorcière est réinterprétée ainsi comme une figure de dissidence, dont se sont inspirés et dont s’inspirent encore les mouvements féministes. Symbole d'une autonomie féminine affranchie des normes, elle a été un objet de haine pour les représentants de l’ordre patriarcal, en témoigne le fait que le terme reste encore une insulte [[Misogynie|misogyne]]. |
||
{{Interprétation personnelle|Toutefois, certains universitaires spécialistes du Moyen |
{{Interprétation personnelle|Toutefois, certains universitaires spécialistes du Moyen Âge invitent à ne pas caricaturer l'Histoire, les histoires de chasse aux sorcières ayant parfois été exagérées par les auteurs récents : les procès pour sorcelleries ont été rarissimes au Moyen Âge et sont plutôt associés à une période allant du {{sp-|xv|au|xvii}} (avant le {{s-|xv}}, le procès en sorcellerie, plus rares, visaient plutôt des hommes). De même, ces procès étaient longs et coûteux et la torture était règlementée et pas systématique, de même que le bûcher.}} Ainsi, de nombreuses sorcières ont pu se défendre de manière tout à fait équitable et gagner leur procès<ref name="actuelmoyenage">{{Lien web |langue=fr |url=https://actuelmoyenage.wordpress.com/2020/06/04/coups-meurtres-et-sorcellerie-la-question-des-violences-faites-aux-femmes-au-moyen-age/ |titre=Coups, meurtres et sorcellerie : la question des violences faites aux femmes au Moyen Âge |jour=4 |mois=juin |année=2020 |site=actuelmoyenage.wordpress.com }} </ref> (un cas ancien bien documenté étant Casine la Mâtine, en 1407)<ref name="Viallet">{{harvsp|Viallet|2022|p=}}.</ref>. |
||
== La sorcière dans la culture populaire du {{sp-|XIX|au|XXI}} == |
== La sorcière dans la culture populaire du {{sp-|XIX|au|XXI}} == |
||
[[Fichier:Bilibin. Baba Yaga.jpg|vignette|Dans les [[Champignon#Attitude ambivalente envers les champignons : entre mycophilie et mycophobie|cultures mycophobes]], les sorcières sont associées aux champignons à la réputation |
[[Fichier:Bilibin. Baba Yaga.jpg|vignette|Dans les [[Champignon#Attitude ambivalente envers les champignons : entre mycophilie et mycophobie|cultures mycophobes]], les sorcières sont associées aux champignons à la réputation tout aussi sinistre, d'où les diverses [[Classification scientifique des espèces#Classification populaire|appellations populaires]] ([[Trémelle|beurre]] et [[cœur de sorcière]], [[Rond de sorcières|ronds de sorcières]], [[Maladie du balai de sorcière|balai de sorcière]]…)<ref>{{Article|langue=en|auteur=Frank M. Dugan|titre=Fungi, folkways and fairytales: Mushrooms and mildews in stories, remedies, and rituals, from Oberon to the Internet|périodique=North American Fungi|date=2008|volume=3|numéro=7|pages=23-72|doi=10.2509/naf2008.003.0074}}</ref> Illustration du peintre [[Ivan Bilibin]] en 1900.]] |
||
=== La femme fatale === |
=== La femme fatale === |
||
[[Fichier: |
[[Fichier:Albert Joseph Pénot - La Femme Chauve-Souris.jpg|vignette|redresse|gauche|''La Femme Chauve-Souris'', toile d'[[Albert Joseph Pénot]], vers 1890.]] |
||
Dans son ouvrage ''Cette femme qu’ils disent fatale'' publié chez Grasset en 1993, Mireille Dottin-Orsini pose un regard critique sur les représentations iconographiques et littéraires qui prennent la femme pour modèle durant le {{s mini-|XIX}} et le {{s |
Dans son ouvrage ''Cette femme qu’ils disent fatale'' publié chez Grasset en 1993, Mireille Dottin-Orsini pose un regard critique sur les représentations iconographiques et littéraires qui prennent la femme pour modèle durant le {{s mini-|XIX}} et le {{s-|XX}}<ref name=dottin/>. Pour Michelle Dottin-Orsini la femme « fatale », c’est celle qui est déterminée d’avance, marquée par le destin. Et pas par n’importe quel destin, un destin construit et érigé par le désir masculin. Ce « ils » dont il est question dès le titre est un « ils » englobant qui désigne les artistes, plus généralement les hommes, qui sont à l’origine de ces représentations qui enferment les femmes. Si dans son ouvrage elle n'aborde pas la figure de la sorcière de façon spécifique (lui préférant le portrait en vampire<ref>{{Article |prénom1=Mireille |nom1=Dottin-Orsini |titre=Fin de siècle : portrait de femme fatale en vampire |périodique=Littératures |volume=26 |numéro=1 |date=1992 |issn=0563-9751 |doi=10.3406/litts.1992.1581 |lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3406/litts.1992.1581 |consulté le=2019-12-09 |pages=41–57 }}</ref>), elle rend compte de plusieurs idées clés qui s'appliquent tout aussi bien au modèle de la sorcière. En effet, si la femme est dite fatale pour Mireille Dottin-Orsini c’est à cause de sa beauté "mortelle", sa nature prétendument déviante, pernicieuse et cruelle ou alors pour sa froideur indifférente, presque frigide à l’égard des malheureux tombés sous son charme ou encore parce qu'elle est représentée comme un monstre<ref name=dottin/>. |
||
Mireille Dottin-Orsini rappelle que dans cet imaginaire de la femme fatale celle-ci n’est pas seulement à prendre au sens de la femme qui tue, mais également au sens de celle qui répugne et dont l’immoralité contagieuse n’a d’égal que la bassesse et l’anormalité. Parallèle qui prend tout son sens avec l'imaginaire de la sorcière de la Renaissance dans la mesure où c'est à cette époque que celle-ci est perçue comme une assassine, une dévoreuse d'enfant, accusée de fornication avec Satan et de s'adonner à des pratiques sexuelles déviantes. La sorcière en tant que femme fatale devient celle qui envoûte, charme, et détourne l'homme du droit chemin. Elle devient, au même titre que l’enchanteresse, à la fois un fantasme et un objet de crainte. |
Mireille Dottin-Orsini rappelle que dans cet imaginaire de la femme fatale celle-ci n’est pas seulement à prendre au sens de la femme qui tue, mais également au sens de celle qui répugne et dont l’immoralité contagieuse n’a d’égal que la bassesse et l’anormalité. Parallèle qui prend tout son sens avec l'imaginaire de la sorcière de la Renaissance dans la mesure où c'est à cette époque que celle-ci est perçue comme une assassine, une dévoreuse d'enfant, accusée de fornication avec Satan et de s'adonner à des pratiques sexuelles déviantes. La sorcière en tant que femme fatale devient celle qui envoûte, charme, et détourne l'homme du droit chemin. Elle devient, au même titre que l’enchanteresse, à la fois un fantasme et un objet de crainte. |
||
Ligne 144 : | Ligne 144 : | ||
Pourtant à mesure que la sorcière se popularise elle quitte l'imaginaire mythique et religieux, se met à gagner les écrans et à s'intégrer dans les livres de fiction tout en se libérant du fantasme des artistes. Elle quitte l'immensité des statues de marbre, s'efface peu à peu des toiles et des peintures gigantesques pour gagner les écrans de télévision. La sorcière est alors montrée pour la première fois sous un jour plus favorable à travers de nombreuses œuvres de fiction, instaurant un nouveau mythe, celui de la « bonne sorcière ». |
Pourtant à mesure que la sorcière se popularise elle quitte l'imaginaire mythique et religieux, se met à gagner les écrans et à s'intégrer dans les livres de fiction tout en se libérant du fantasme des artistes. Elle quitte l'immensité des statues de marbre, s'efface peu à peu des toiles et des peintures gigantesques pour gagner les écrans de télévision. La sorcière est alors montrée pour la première fois sous un jour plus favorable à travers de nombreuses œuvres de fiction, instaurant un nouveau mythe, celui de la « bonne sorcière ». |
||
C'est en 1939 qu'apparaît au cinéma la première gentille sorcière, Glinda la Bonne (''Glinda the Good'') ou Glinda la Bonne Sorcière du Nord (''the Good Witch of the North''), dans l'adaptation cinématographique du ''[[Le Magicien d'Oz (film, 1939)|Magicien d'Oz]]'' par Victor Flemming. Et si les méchantes sorcières continuent d'alimenter les contes populaires et les dessins animés, notamment chez [[Les méchants de Disney|Disney]], le contre modèle de la gentille sorcière n'est pas en reste depuis le {{s-|XX}}. Il suffit de se pencher sur l'extrême popularité de ces séries télévisées cultes pour la plupart comme ''[[Ma sorcière bien-aimée|Ma sorcière bien aimée]]'' diffusée entre 1964 et 1972 ou encore ''[[Sabrina, l'apprentie sorcière (série télévisée)|Sabrina l'apprentie sorcière]]'' premièrement diffusée entre 1996 et 2003 et plus récemment dans un ''reboot'' nommé ''[[Les Nouvelles Aventures de Sabrina|Les nouvelles aventures de Sabrina]]'' proposé sur Netflix, tous deux librement adaptés de la série originale de comics [[Sabrina, l'apprentie sorcière]] publiée chez l'éditeur [[Archie Comics]] dès 1962. |
C'est en 1939 qu'apparaît au cinéma la première gentille sorcière, Glinda la Bonne (''Glinda the Good'') ou Glinda la Bonne Sorcière du Nord (''the Good Witch of the North''), dans l'adaptation cinématographique du ''[[Le Magicien d'Oz (film, 1939)|Magicien d'Oz]]'' par Victor Flemming. Et si les méchantes sorcières continuent d'alimenter les contes populaires et les dessins animés, notamment chez [[Les méchants de Disney|Disney]], le contre modèle de la gentille sorcière n'est pas en reste depuis le {{s-|XX}}. Il suffit de se pencher sur l'extrême popularité de ces séries télévisées cultes pour la plupart comme ''[[Ma sorcière bien-aimée|Ma sorcière bien aimée]]'' diffusée entre 1964 et 1972 ou encore ''[[Sabrina, l'apprentie sorcière (série télévisée)|Sabrina l'apprentie sorcière]]'' premièrement diffusée entre 1996 et 2003 et plus récemment dans un ''reboot'' nommé ''[[Les Nouvelles Aventures de Sabrina|Les nouvelles aventures de Sabrina]]'' proposé sur Netflix, tous deux librement adaptés de la série originale de comics ''[[Sabrina, l'apprentie sorcière]]'' publiée chez l'éditeur [[Archie Comics]] dès 1962. |
||
On compte également parmi ces nouvelles bonnes sorcières le personnage de [[Willow Rosenberg]], personnage fictif tiré de la série télévisée ''[[Buffy contre les vampires]]'' (1997-2001) et interprété par [[Alyson Hannigan]]. Mais aussi les sœurs Halliwell : [[Prudence Halliwell|Prudence]], [[Piper Halliwell|Piper]], [[Phoebe Halliwell|Phoebe]] ainsi que [[Paige Matthews]], toutes présentes dans la série télévisée ''[[Charmed]]''. Sans oublier |
On compte également parmi ces nouvelles bonnes sorcières le personnage de [[Willow Rosenberg]], personnage fictif tiré de la série télévisée ''[[Buffy contre les vampires]]'' (1997-2001) et interprété par [[Alyson Hannigan]]. Mais aussi les sœurs Halliwell : [[Prudence Halliwell|Prudence]], [[Piper Halliwell|Piper]], [[Phoebe Halliwell|Phoebe]] ainsi que [[Paige Matthews]], toutes présentes dans la série télévisée ''[[Charmed]]''. Sans oublier [[Hermione Granger]], personnage emblématique de la série littéraire de fantasy ''[[Harry Potter]]'' écrite par l'auteure britannique [[J. K. Rowling]], et interprétée par [[Emma Watson]] dans les différentes adaptations cinématographiques. L'ouvrage de David Bauwens "Tout savoir sur la sorcière"<ref>{{Ouvrage|auteur1=DAVID BAUWENS|titre=Tout savoir sur la sorcière|éditeur=Evalou éditions|date=14/05/2022|pages totales=32|isbn=9782490074105}}</ref>, à destination d'un public d'enfants, ajoute également les bonnes sorcières suivantes : [[Nanny McPhee]], considérée comme {{citation|une gentille sorcière dont le métier est nounou}}, Gretchen, tirée de la série [[Zombillénium|Zombilénium]] et dont le père n'est autre que Satan, [[Mary Poppins (personnage)|Mary Poppins]], encore une nounou dotée de pouvoirs magiques et, enfin, [[Maléfique (Disney)|Maléfique]] qui, dans [[Maléfique (film, 2014)|le film]] de [[Robert Stromberg]], incarne une sorcière aimante mais trahie. |
||
=== La femme ordinaire === |
=== La femme ordinaire === |
||
{{référence nécessaire |Ce qu'il y a de commun entre ces différentes représentations de bonnes sorcières c'est la nouveauté selon laquelle ces personnages ne prennent plus place du côté de la sorcière marginale et dangereuse. À présent, la sorcière est une femme ordinaire, elle vit parmi les citoyens, s'intègre, et surtout agit pour le bien d’autrui, comme les sœurs Halliwel qui luttent contre les forces du mal ou Hermione, sans qui Harry Potter et Ron Weasley n'auraient pas pu avancer dans leur aventure, et qui est d'ailleurs la seule de son groupe d'amis à être née de parents [[moldus]] (non sorciers). C'est un basculement important qui s’opère |
{{référence nécessaire |Ce qu'il y a de commun entre ces différentes représentations de bonnes sorcières c'est la nouveauté selon laquelle ces personnages ne prennent plus place du côté de la sorcière marginale et dangereuse. À présent, la sorcière est une femme ordinaire, elle vit parmi les citoyens, s'intègre, et surtout agit pour le bien d’autrui, comme les sœurs Halliwel qui luttent contre les forces du mal ou Hermione, sans qui Harry Potter et Ron Weasley n'auraient pas pu avancer dans leur aventure, et qui est d'ailleurs la seule de son groupe d'amis à être née de parents [[moldus]] (non sorciers). C'est un basculement important qui s’opère aux {{s2-|XX|XXI}} puisque la sorcière se détache de cet imaginaire diabolique, néfaste et inquiétant pour s'incarner dans des femmes à l'apparence ordinaire, cherchant à mener une vie normale tout en répondant aux devoirs et aux responsabilités que représentent leurs pouvoirs. Le roman ''La Sorcière'' de [[Marie NDiaye|Marie N'Diaye]] en est un autre exemple dans la mesure où Lucie, personnage principal, sorcière et mère de famille, est moins une sorcière puissante qu'une représentante ordinaire d'une certaine classe sociale tentant de s'arranger de son divorce, de trouver du travail et de mener une vie stable dans son voisinage<ref>{{Ouvrage|nom1=NDiaye, Marie|titre=La sorcière|éditeur=Les Éditions de Minuit|date=2007|isbn=2-7073-1810-8|isbn2=978-2-7073-1810-7|oclc=756506245|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/756506245|consulté le=2019-12-09}}</ref>.}} |
||
== Pratiques attribuées == |
== Pratiques attribuées == |
||
Ligne 192 : | Ligne 192 : | ||
La sorcière vole la nuit, généralement lors de la pleine lune. La sorcière et la lune vont de pair. Cette idée remonte à l'époque du culte de Diane. Les fidèles de [[Diane (mythologie)|Diane]], la déesse romaine de la [[Lune]], croyaient qu'elles pouvaient voler les nuits de pleine lune quand Diane était présente. |
La sorcière vole la nuit, généralement lors de la pleine lune. La sorcière et la lune vont de pair. Cette idée remonte à l'époque du culte de Diane. Les fidèles de [[Diane (mythologie)|Diane]], la déesse romaine de la [[Lune]], croyaient qu'elles pouvaient voler les nuits de pleine lune quand Diane était présente. |
||
Ces femmes utilisaient pour cela un onguent à base de drogues<ref name="La chevauchée des sorcières" />. D'après des spécialistes<ref name="La chevauchée des sorcières" />, les plantes les plus souvent mentionnées dans cet onguent sont un mélange de quatre solanacées ([[jusquiame]], [[belladone]], [[mandragore]], [[Datura stramonium|Datura]]) associées à l'[[Aconit napel|Aconit]], la [[Grande ciguë|ciguë]], toutes ces plantes étant riches en [[alcaloïde]]s toxiques. Ce mélange comprend aussi des plantes banales (joubarbe, fougères qui servaient peut-être de contrepoisons pour atténuer la toxicité mortelle des alcaloïde). Il pouvait être appliqué par frottement sur la peau fine (tempes, aisselle, chevilles, intérieur des poignets) et sur les muqueuses où l'absorption était plus rapide et plus forte, mais avec un risque d'empoisonnement plus élevé<ref>{{ouvrage|auteur=Robert Colle|titre=Sorciers, sourciers et guérisseurs en Aunis et Saintonge|éditeur=Rupella|date=1979|passage=156}}.</ref>. Les femmes qui s'enduisaient le corps de cet onguent entraient dans une transe et avaient l'impression d'être transportées au sabbat, d'où la légende de l'onguent magique. Le manche de leur balai pouvait être aussi enduit de ce produit, son extrémité étant introduite dans le vagin (muqueuse sensible) ou frictionnée sur la [[vulve]] afin de favoriser la pénétration de la drogue hallucinogène dans le sang<ref>{{ouvrage|auteur=[[Jean-Marie Pelt]]|titre=Les langages secrets de la nature|éditeur=Fayard|date=2014|passage=97}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur=Maryse Simon|titre=Les affaires de sorcellerie dans le Val de Lièpvre, |
Ces femmes utilisaient pour cela un onguent à base de drogues<ref name="La chevauchée des sorcières" />. D'après des spécialistes<ref name="La chevauchée des sorcières" />, les plantes les plus souvent mentionnées dans cet onguent sont un mélange de quatre solanacées ([[jusquiame]], [[belladone]], [[mandragore]], [[Datura stramonium|Datura]]) associées à l'[[Aconit napel|Aconit]], la [[Grande ciguë|ciguë]], toutes ces plantes étant riches en [[alcaloïde]]s toxiques. Ce mélange comprend aussi des plantes banales (joubarbe, fougères qui servaient peut-être de contrepoisons pour atténuer la toxicité mortelle des alcaloïde). Il pouvait être appliqué par frottement sur la peau fine (tempes, aisselle, chevilles, intérieur des poignets) et sur les muqueuses où l'absorption était plus rapide et plus forte, mais avec un risque d'empoisonnement plus élevé<ref>{{ouvrage|auteur=Robert Colle|titre=Sorciers, sourciers et guérisseurs en Aunis et Saintonge|éditeur=Rupella|date=1979|passage=156}}.</ref>. Les femmes qui s'enduisaient le corps de cet onguent entraient dans une transe et avaient l'impression d'être transportées au sabbat, d'où la légende de l'onguent magique. Le manche de leur balai pouvait être aussi enduit de ce produit, son extrémité étant introduite dans le vagin (muqueuse sensible) ou frictionnée sur la [[vulve]] afin de favoriser la pénétration de la drogue hallucinogène dans le sang<ref>{{ouvrage|auteur=[[Jean-Marie Pelt]]|titre=Les langages secrets de la nature|éditeur=Fayard|date=2014|passage=97}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur=Maryse Simon|titre=Les affaires de sorcellerie dans le Val de Lièpvre, {{s2-|XVI|XVII}}|éditeur=Société savante d'Alsace|date=2006|passage=106}}.</ref>. |
||
Les cercles de sorcières actuels comme [[Wicca]] utilisent encore le balai, manié d'est en ouest ou dans le sens des aiguilles d'une montre, dont la fonction symbolique est la purification<ref>{{ouvrage|auteur=Scott Cunningham|titre=La Wicca. Guide de Pratique Individuelle|éditeur=ADA Editions|date=2012|passage=57|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. |
Les cercles de sorcières actuels comme [[Wicca]] utilisent encore le balai, manié d'est en ouest ou dans le sens des aiguilles d'une montre, dont la fonction symbolique est la purification<ref>{{ouvrage|auteur=Scott Cunningham|titre=La Wicca. Guide de Pratique Individuelle|éditeur=ADA Editions|date=2012|passage=57|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. |
||
Ligne 240 : | Ligne 240 : | ||
==== Expositions ==== |
==== Expositions ==== |
||
* [[L'Adresse Musée de La Poste]] de Paris a accueilli en 2012 une exposition consacrée à la sorcière, étudiant le lien entre le mythe et la réalité de cette figure qui continue à faire parler d'elle de nos jours<ref>[http://lintermede.com/exposition-sorcieres-mythes-realites-musee-adresse-la-poste-paris.php Marion Point, Sacrées Sorcières, le 23/02/2012], Présentation de l'exposition à lire sur [http://www.lintermede.com L'Intermède]</ref>. |
* [[L'Adresse Musée de La Poste]] de Paris a accueilli en 2012 une exposition consacrée à la sorcière, étudiant le lien entre le mythe et la réalité de cette figure qui continue à faire parler d'elle de nos jours<ref>[http://lintermede.com/exposition-sorcieres-mythes-realites-musee-adresse-la-poste-paris.php Marion Point, Sacrées Sorcières, le 23/02/2012], Présentation de l'exposition à lire sur [http://www.lintermede.com L'Intermède]</ref>. |
||
== Voir aussi == |
|||
* {{page h|Herbe aux sorcières}} |
|||
== Notes et références == |
== Notes et références == |
||
Ligne 275 : | Ligne 278 : | ||
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|titre= La sorcière au village ({{s mini-|XV|e}}-{{s-|XVIII|e}}s)|lieu=Paris|éditeur= Gallimard|année=1979|collection= Archives|numéro dans collection=74|pages totales=240|isbn= 2-07-028631-2|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1979_num_76_1_2563_t1_0148_0000_3 }}. {{Commentaire biblio|Réédition : {{ouvrage|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|titre= La sorcière au village ({{s mini-|XV|e}}-{{s-|XVIII|e}}s)|lieu=Paris|éditeur= Gallimard|année=1991|collection= Folio Histoire|numéro dans collection=36|pages totales=310|isbn=2-07-032652-7|présentation en ligne=http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-histoire/La-Sorciere-au-village}}.}} |
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|titre= La sorcière au village ({{s mini-|XV|e}}-{{s-|XVIII|e}}s)|lieu=Paris|éditeur= Gallimard|année=1979|collection= Archives|numéro dans collection=74|pages totales=240|isbn= 2-07-028631-2|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1979_num_76_1_2563_t1_0148_0000_3 }}. {{Commentaire biblio|Réédition : {{ouvrage|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|titre= La sorcière au village ({{s mini-|XV|e}}-{{s-|XVIII|e}}s)|lieu=Paris|éditeur= Gallimard|année=1991|collection= Folio Histoire|numéro dans collection=36|pages totales=310|isbn=2-07-032652-7|présentation en ligne=http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-histoire/La-Sorciere-au-village}}.}} |
||
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|directeur1=Robert Muchembled|titre= Magie et sorcellerie en Europe |sous-titre= du Moyen âge à nos jours|lieu=Paris|éditeur= Armand Colin|année=1994|pages totales=335|isbn= 2-200-21399-9}}. |
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Robert|nom1= Muchembled|lien auteur1=Robert Muchembled|directeur1=Robert Muchembled|titre= Magie et sorcellerie en Europe |sous-titre= du Moyen âge à nos jours|lieu=Paris|éditeur= Armand Colin|année=1994|pages totales=335|isbn= 2-200-21399-9}}. |
||
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|directeur1= Martine Ostorero|prénom2=Georg|nom2= Modestin|directeur2= Georg Modestin|prénom3= Kathrin Utz |nom3= Tremp|directeur3= Kathrin Utz Tremp|titre=Chasses aux sorcières et démonologie|sous-titre= entre discours et pratiques ( |
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|directeur1= Martine Ostorero|prénom2=Georg|nom2= Modestin|directeur2= Georg Modestin|prénom3= Kathrin Utz |nom3= Tremp|directeur3= Kathrin Utz Tremp|titre=Chasses aux sorcières et démonologie|sous-titre= entre discours et pratiques ({{sp-|XIV|-|XVII|s}})|lieu= Florence|éditeur= SISMEL - Edizioni del Galluzzo|collection= Micrologus' Library |numéro dans collection= 36|année= 2010|pages totales= {{XXVIII}}-447|isbn= 978-88-8450-392-3|présentation en ligne=http://www.sismel.it/tidetails.asp?hdntiid=1200}}. |
||
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|préface= Agostino Paravicini Bagliani|titre=Le diable au sabbat|sous-titre= littérature démonologique et sorcellerie, 1440-1460|lieu= Florence|éditeur= SISMEL - Edizioni del Galluzzo|collection= Micrologus' Library |numéro dans collection= 38|année= 2011|pages totales= {{XVII}}-806|isbn= 978-88-8450-402-9|présentation en ligne=https://crm.revues.org/12697}}, {{lire en ligne|lien=https://framespa.revues.org/2789|texte=présentation en ligne}}. |
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|préface= Agostino Paravicini Bagliani|titre=Le diable au sabbat|sous-titre= littérature démonologique et sorcellerie, 1440-1460|lieu= Florence|éditeur= SISMEL - Edizioni del Galluzzo|collection= Micrologus' Library |numéro dans collection= 38|année= 2011|pages totales= {{XVII}}-806|isbn= 978-88-8450-402-9|présentation en ligne=https://crm.revues.org/12697}}, {{lire en ligne|lien=https://framespa.revues.org/2789|texte=présentation en ligne}}. |
||
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|titre=« Folâtrer avec les démons »|sous-titre= sabbat et chasse aux sorciers à Vevey (1448)|lieu= Lausanne|éditeur= Université de Lausanne|collection= Cahiers lausannois d'histoire médiévale|numéro dans collection= 47|année= 2008|année première édition= 1995|pages totales= {{XV}}-323|isbn= 2-940110-61-1|numéro édition=2|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1996_num_15_31_1374_t1_0152_0000_2}}. |
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1= Martine |nom1= Ostorero|titre=« Folâtrer avec les démons »|sous-titre= sabbat et chasse aux sorciers à Vevey (1448)|lieu= Lausanne|éditeur= Université de Lausanne|collection= Cahiers lausannois d'histoire médiévale|numéro dans collection= 47|année= 2008|année première édition= 1995|pages totales= {{XV}}-323|isbn= 2-940110-61-1|numéro édition=2|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1996_num_15_31_1374_t1_0152_0000_2}}. |
Version du 7 octobre 2024 à 07:24
Magicienne
Groupe | Anthropomorphes |
---|---|
Sous-groupe | Féminin |
Caractéristiques |
Femme normale mais possédant des pouvoirs, des dons. Mythes : Femme au nez crochu, vol sur un balai, utilise une baguette magique. |
Habitat |
Une sorcière habite dans une maison. Mythes : Château |
Proches | Humains, sorciers |
Région | Monde |
---|---|
Première mention | Antiquité |
Statut | Être anthropomorphe ayant des pouvoirs magiques, des dons surnaturels |
Œuvres principales
Une sorcière, ou magicienne, est une femme qui pratique la sorcellerie et la magie. Dans le monde occidental, la sorcière est longuement associée à une symbolique négative, au pouvoir de voler sur un balai, à sa fréquentation de sabbats, et à la chasse aux sorcières. Malgré les difficultés consistant à chiffrer les femmes victimes des chasses aux sorcières, les estimations sont de cent dix mille procès en sorcellerie aboutissant à soixante mille condamnations à mort, depuis la fin du Moyen Âge jusqu'au début de l'époque moderne[1].
Sa figure est réhabilitée durant les années 1970, à travers les mouvements féministes[2]. La sorcière est un personnage récurrent dans l'imaginaire contemporain, à travers les contes, romans, films et masques des fêtes populaires. Son pendant masculin, le sorcier, ou magicien a une symbolique différente.
Étymologie
Le mot sorcière, féminin, remonte au latin populaire *sortiarius, proprement « diseur de sorts », dérivé de sors (gén. sortis), désignant primitivement un procédé de divination, puis « destinée, sort ». Les noms de la sorcière en ibéro-roman tels que le portugais bruxa, espagnol bruja ou catalan bruixa ainsi que l’occitan bruèissa, proviendraient d’un hispano-celtique *bruxtia, attesté d’ailleurs sous la forme de brixtía « sort » sur le plomb de Larzac[3]. On rapproche ce dernier du vieil irlandais bricht « formule magique, incantation » et du vieux breton brith « magie ». Le mot anglais witch est un déverbatif du vieil anglais wiccian « jeter un sort, pratiquer la sorcellerie », comparable au bas-allemand wicken « pratiquer la divination » et au frison de l’Ouest wikje « prédire, prévenir »[4].
Histoire
Antiquité
Les références antiques à la sorcière et aux magiciennes sont nombreuses. Saül consulte la sorcière d'Endor pour parler à Samuel mort[5].
Dans L'Odyssée, Homère évoque l'enchanteresse Circé, qui transforme les compagnons d'Ulysse en porcs. La déesse Hécate préside à la sorcellerie et aux enchantements[6]. La Thessalie est le lieu d'origine de plusieurs sorcières telles qu'Erichtho, un personnage important du livre VI de la Pharsale de Lucain. Dans cette épopée, qui raconte la Bataille de Pharsale qui eut lieu en -48 en Thessalie, Sextus Pompée rencontre cette sorcière et lui demande quelle sera l'issue de la guerre. Erictho fait alors parler un mort pour qu'il révèle le sort de la bataille. Elle vit au milieu des tombes, et entend ce qui se passe dans les Enfers ; elle est maigre et laide, et « ses cheveux mêlés sur sa tête sont noués comme des serpents. » Elle ne sort que la nuit ou par temps d'orage[7]. Pamphile, citée dans les Métamorphoses d'Apulée, habite en Thessalie. Elle évoque les esprits des morts ; s'éprend de tous les jeunes hommes qu'elle voit et les transforme en pierres ou en animaux s'ils lui résistent[8],[9]. Horace évoque la sorcière Canidia : avec d'autres sorcières aussi pâles qu'elle, elle creuse les fosses, fait couler le sang des morts et parle avec eux[10].
Moyen Âge et Renaissance
Début des persécutions
Au début du Moyen Âge, Clovis promulgue la Lex Salica condamnant les sorciers à payer de fortes amendes. Le code de Charlemagne prévoit également des emprisonnements. L'immense majorité sont victimes de lynchages par des villageois sans aucun procès. La bulle pontificale du pape Jean XXII en 1326 marque le début des procès en sorcellerie sur près de quatre siècles[11]. Claude Seignolle estime que ces procès et exécutions concernent surtout les femmes (représentant selon lui 80 % des accusés dans plusieurs régions, et 80 % des condamnations à mort dans les grands procès au Nord de la Loire[12]) : « Satan eut ses prêtres : ce furent les sorciers. Il eut surtout ses prêtresses : les sorcières ; et c'est encore par une conséquence de la plus implacable logique que, les hommes étant seuls admis au service du Seigneur, les femmes, qui en étaient exclues, allèrent en plus grand nombre vers son rival obscur, qui les accueillait de préférence. On a dit qu'il y avait mille sorcières pour un sorcier ; c'est là une exagération manifeste, mais il est certain que la proportion des femmes, dans la foule qui se pressait à l'adoration du Bouc, l'emportait beaucoup sur celle des hommes. »[13].
Les traités de démonologie
Le stéréotype de la sorcière est présent dès les procès des années 1420-1430, et se maintient pendant plus de deux siècles, mais au milieu du XVe siècle, il n’est pas pleinement développé[14]. Ce sont le processus judiciaire et la tradition livresque qui permettent de développer ce stéréotype. Le Malleus Maleficarum (Le Marteau des sorcières), manuel écrit en 1487 par deux inquisiteurs dominicains, Heinrich Kramer et Jacob Sprenger[15], synthétise une variété de croyances permettant d'identifier les sorcières qu’il intègre dans un traité vaste et bien structuré. Il fournit aussi un support théologique aux idéaux qu’il entend promouvoir. Il est considéré par certaines féministes comme le Mein Kampf des sorcières du fait des conséquences que sa publication ont amenées sur la vie des femmes[16].
Cet ouvrage, bien que très répandu, n'est pas à l’origine d’une augmentation immédiate du nombre de procès, mais il rend les juges sensibles au crime de sorcellerie. Grâce à la multiplication du processus d'imprimerie, 30 000 exemplaires de ce manuel ont été mis en circulation jusqu'à la dernière édition publié en 1669. D’autres traités sur la sorcellerie sont publiés. En 1563, Jean Wier, médecin à la cour de Clèves, désireux de tempérer les premiers persécuteurs, considère les sorcières comme de simples esprits égarés, ce que Montaigne sous-entend aussi dans la réédition de ses essais de 1588. Il conseille de soigner ces femmes à l'ellébore, comme des folles[17].
En 1580, le théoricien français Jean Bodin publie un traité sur la démonomanie des sorciers. Cet ouvrage a eu selon l'historien Robert Muchembled, beaucoup d'influences sur la réalisation des bûchers car J.Bodin voulait que les crimes de sorcellerie soient jugés par les juges laïcs, ce qui a eu pour conséquence l'augmentation du nombre de bûchers[18]. En réalité, l'ouvrage de Jean Bodin, quoique très populaire et réédité plusieurs fois, n'a jamais vraiment convaincu les autorités civiles, notamment le Parlement de Paris : celui-ci souhaitait conserver sa prudence et ne donna son aval que pour l'exécution d'une centaine de sorcières en un siècle, cherchant surtout à empêcher les persécutions locales massives en punissant leurs responsables de mort ou de galères[19]. Les autorités civiles ont en effet tenté de juguler à toute force la chasse aux sorcières, dont le ressort principal se trouvait surtout dans la vindicte populaire[20].
Les procès s'intensifient
Les exécutions des sorciers et sorcières sont légitimées par les aveux que les inquisiteurs leur arrachent, parfois sous la torture ou par le biais de promesses mensongères. Les inquisiteurs relatent cependant les résultats de leurs enquêtes, de leurs procès, de leurs débats. Les livres de démonologie se multiplient, et toute une littérature infecte jaillit de ce fait au XVe siècle : on classe les démons par catégories de spécialités : on décrit leurs habitudes et les précautions à prendre pour les invoquer et les évoquer. Toute cette érudition de mauvais aloi se propage et le fanatisme devient de part et d'autre virulent.[21] D'abord seulement exercés par les gens d'Église, les procès sont ensuite pris en charge par les laïcs. En 1599, le roi Jacques Ier d'Angleterre explique qu'il est possible de prouver la culpabilité d'une sorcière en la piquant, ou bien en la jetant à l'eau (ordalie par la piqûre, par l'eau froide) : si la piqûre ne saigne pas ou si la femme remonte à la surface de l'eau après y avoir été précipitée, la sorcière est reconnue coupable. Dans les pays catholiques, c'est un retour complet au « jugement de Dieu », qui avait été remplacé par les tribunaux d'Inquisition organisés avec juges, défenseur, et consigne des minutes du procès.
Alors qu’on associe généralement plus volontiers Moyen Âge et sorcellerie, les XVIe et XVIIe siècles ont connu les vagues de persécutions les plus intenses. Le paroxysme est atteint lorsque les tribunaux civils supplantent ce monopole d’Église.
Les « chasses aux sorcières » connaissent deux vagues : la première de 1480 à 1520 environ, puis la seconde de 1560 à 1650. Mais, dès les années 1400-1450, le portrait de ce qui deviendra une « image d’Épinal » par la suite se dessine et les dernières persécutions se terminent vers la fin du XVII.
Parallèlement à ces répressions se développe une littérature inquisitoriale (près de 2000 œuvres) dénonçant les pouvoirs maléfiques des sorcières, dangereuses car elles « sont encore plus exécrables en ce qu'elles apprennent de la bouche de Satan mesme ce que les magiciens apprennent dans les livres »[22]. Parmi ces œuvres figure Le Marteau des sorcières.
L'historien Brian P. Levack (en) estime qu’environ 110 000 procès pour crimes de sorcellerie eurent lieu en Europe en cinq siècles[23]. Historiens et chercheurs estiment aujourd’hui le nombre de leurs victimes entre 50 et 100 000 sur les deux siècles où tant les tribunaux de l’Inquisition que ceux de la Réforme les conduisent au bûcher[24]. Un chiffre élevé en proportion de la population européenne de l’époque (de l'ordre de 80 millions d’habitants au XVIe siècle, Russie comprise). Anne Barstow, professeur d'histoire à l'université, estime que 80 % des accusés sont des femmes et 85% des condamnés sont également des femmes[25]. Les hommes qui sont accusés de sorcellerie sont pour la plupart en lien avec des femmes accusées.
Qui sont ces sorcières ?
Ces femmes (et quelquefois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles) appartenaient le plus souvent aux classes populaires. Une toute petite minorité d’entre elles pouvait être considérée comme étant d’authentiques criminelles (ce fut le cas de la Voisin, sous Louis XIV, par exemple) coupables d’homicide, ou de malades mentales.
De nombreux mythes ont circulé sur les sorcières, notamment inspirés par l'image de magiciennes détentrices d'une connaissance mystérieuse largement diffusés dans les arts et la littérature : dès la seconde moitié du xviiie siècle, la figure de la sorcière est réhabilitée par le roman gothique, qui la charge d'une aura de mystère fascinante[26]. De là vient qu'on associe parfois les sorcières à un rôle de sages-femmes ou de guérisseuses dépositaires d'un savoir ancestral pour lequel elles auraient été persécutées. Ces pratiques étaient toutefois très minoritaires parmi les personnes accusées de sorcellerie et leur ont en réalité été attribuées sans preuve par les écrivains romantiques du xixe siècle[27]. La diffusion d'ouvrages présentés comme historiques mais en réalité purement fictifs, comme La Sorcière de Jules Michelet (où sont notamment inventées les prétendues « millions de victimes »[28] de l'Inquisition), a participé à donner du crédit à ces idées, plus tard reprises par les féministes du xxe siècle pour construire la figure politique, quoique non historique, de la sorcière comme modèle de la femme rebelle et émancipée[29].
Comment les reconnaître ?
Une femme suspectée d'être une sorcière était interrogée de plusieurs manières, la torture était largement utilisée lors de ces interrogatoires. Un des moyens également pour savoir si une femme était une sorcière consistait à la jeter nue à l’eau, les mains et pieds attachés ensemble pour l’empêcher de surnager. Une sorcière étant — en théorie — plus légère que l’eau, si elle flottait, elle était aussitôt repêchée et brûlée vive. Si elle se noyait, c’est qu’elle était morte innocente. H.P. Duer, professeur d’ethnologie allemand, dans son ouvrage Nudité et pudeur, estime que cette pratique, si choquante par l’exhibition qu’elle provoquait, fut peu utilisée. En réalité, la diffusion de ces images de torture est en grande partie due à l'iconographie de l'époque, plus illustrative que réellement descriptive, mais reprise par l'imaginaire romantique et gothique du xixe siècle, puis par le folklore féministe du xxe siècle[29].
Les femmes des classes privilégiées échappèrent aux persécutions, même si le scandale éclaboussa parfois la Cour, comme ce fut le cas lors de l’affaire des poisons.
Fin des persécutions en Occident
C'est seulement à partir de la fin du XVIIe siècle que l'on assiste à la fin de ce phénomène en Occident. Le pasteur allemand Anton Praetorius de l’Église réformée de Jean Calvin édita en 1602 le livre De l’étude approfondie de la sorcellerie et des sorciers (Von Zauberey und Zauberern Gründlicher Bericht) contre la persécution aux sorcières et contre la torture. En France, Louis XIV remplace les exécutions à mort par des bannissements à vie.
Aux États-Unis, le juge, ainsi que tous les membres du jury du Massachusetts signe un repentir public faisant suite à l'affaire des sorcières de Salem : « Nous vous demandons à tous pardon du fond du cœur, vous que nous avons injustement offensés, et déclarons, selon notre conscience présente, que pour rien au monde aucun de nous ne ferait à nouveau de telles choses pour de telles raisons. »
En Angleterre, la loi contre la sorcellerie fut définitivement abolie en 1736, ce qui n'empêcha pas la pendaison de la dernière sorcière anglaise en 1808. Les dernières sorcières exécutées le sont à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, telle Anna Göldin dans le canton de Glaris de la Suisse protestante en 1782, ou en 1793 en Pologne. En France à Bournel, une femme accusée de sorcellerie fut brûlée par des paysans le [30], une autre en 1856, fut jetée dans un four à Camalès.
-
Femme accusée de sorcellerie et torturée, gravure française du XIXe siècle
-
Scène du procès des sorcières de Salem, William A. Crafts, gravure de 1876
Persistance des ordalies
Le phénomène se poursuit dans différentes régions jusque dans la première moitié du XXe siècle, notamment en Inde (utilisation du sringa[31] et de l'arsenic) ou chez les Hébreux et les Grecs, où survit la pratique de l'ordalie par le poison (si le sorcier ou la sorcière sont coupables, ils tombent malades ou meurent, s'ils ne réagissent pas, ils sont innocentés et le poison violent est éliminé par vomissement ou miction)[32], ou en Afrique où se pratique sur les sorciers l'ordalie par le poison et par l'eau ou l'huile bouillante, et ce jusque dans la seconde moitié du XXe siècle[33].
Antisémitisme
Les sorcières nourrissent l’imaginaire populaire mais elles permettent également d’évoquer la société moderne. La chasse aux sorcières, durant la Renaissance, sert de métaphore pour comprendre l’ordre social. C'est immédiatement après l'expulsion des Juifs d'Europe de l'Ouest que commence la chasse aux sorcières, accusées de posséder des caractéristiques physiques démoniaques inhérentes à leur état, tout comme l'étaient les Juifs. La coiffe juive médiévale, obligation imposée par le pape, devient le chapeau pointu traditionnel des sorcières. L'image de la vieille femme hideuse au nez crochu évoque aussi l'archétype fantasmé du Juifs malveillant, né en Angleterre au XIIe siècle et propagé lors des croisades. La sorcière, bouc émissaire de remplacement, cumule ainsi les caractéristiques attribuées aux Juifs et aux hérétiques[34],[35].
Le mot « sabbat » (de sorcières), désignant une cérémonie nocturne de sorcières, provient du mot « shabbat », désignant le jour hebdomadaire sacré de repos et de prières chez les Juifs (que suivent certains chrétiens fidèles au christianisme primitif, à travers le « sabbat » chrétien) et dont l'emploi figuré, étendu et dégradé est devenu abusif et malveillant dans un but de dénigrement, de mépris et de suspicion[36],[37].
Réhabilitation anticléricale
Le premier à réhabiliter les sorcières fut Jules Michelet qui leur consacra un livre en 1862. Il voulut ce livre comme un « hymne à la femme, bienfaisante et victime ». Michelet choisit de faire de la sorcière une révoltée en même temps qu'une victime et il réhabilite la sorcière à une époque où elle avait totalement disparu derrière l'image du diable. Dans ce livre, Michelet accuse l'Église d'avoir organisé cette chasse aux sorcières, pas seulement au Moyen Âge mais aussi au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. Le livre eut des difficultés à trouver un éditeur et provoqua un scandale[38]. Michelet se défendit en présentant son livre comme un travail d'historien et non de romancier. Le bilan de ces chasses aux sorcières a d'ailleurs été une hécatombe en pays protestants avec notamment 25 000 victimes en Allemagne contre 1 300 victimes dans les très catholiques Espagne, Portugal et Italie rassemblées[39]. Toutefois, Michelet ne leur reconnaît pas véritablement le droit à l'émancipation. Il faut attendre les mouvements féministes des années 1970 pour voir apparaître le thème sous un jour positif. Les représentantes de ces mouvements s'en sont emparé et l'ont revendiqué comme symbole de leur combat.
Les sorcières : héritières d'un matriarcat originel ?
Un tournant particulier eut lieu au début du XXe siècle lorsque l'égyptologue Margaret Murray soutint dans The Witch-Cult in Western Europe (1926) que les assemblées décrites par les accusées des procès en sorcellerie seraient issues de rites réels et que la sorcellerie serait en fait une religion très ancienne, un culte préchrétien de la fertilité que les juges du Moyen Âge et de l'époque moderne réduisaient à une simple perversion diabolique qu'ils ne comprenaient en réalité pas. Margaret Murray s'inspirait en cela des thèses émises dans Le Rameau d'or (1911) de Sir James Frazer. Si presque tous les historiens de la sorcellerie s'accordent aujourd'hui sur le fait que les travaux de Murray sont non scientifiques et fondés sur une manipulation volontaire des documents, ils eurent à l'époque une large diffusion puisque ce fut à Murray que fut confiée la rédaction de l'article « Witchcraft » de l'Encyclopædia Britannica[40].
Sorcière et féminisme
À l'époque des suffragettes
La première féministe à utiliser l’histoire des sorcières et à revendiquer elle-même ce titre a été l’Américaine Matilda Joslyn Gage (1826-1898), qui militait pour le droit de vote des femmes, mais aussi pour les droits des Amérindiens et l’abolition de l’esclavage. Dans Femme, Église, État (1893), elle propose une lecture féministe de la chasse aux sorcières en proposant de remplacer le mot « sorcière » par le mot « femme » pour mieux se rendre compte de l'étendue du phénomène : « Quand, au lieu de « sorcières », on choisit de lire « femmes », on gagne une meilleure compréhension des cruautés infligées par l’Église à cette portion de l’humanité. »[41]. L'ouvrage invente notamment « neuf millions de personnes »[42] prétendument tuées pour sorcellerie, chiffre totalement fantaisiste et non documenté, qu'on sait aujourd'hui surestimer d'un facteur 150 le nombre réel de sorcières exécutées (aux alentours de 60 000[43]). Par ailleurs, l'idée d'un matriarcat originel défendu par Gage est aujourd'hui considérée comme un pur et simple mythe[44] : il s'agit donc ici d'une récupération politique de la notion de sorcière, entièrement vidée de sa réalité historique pour s'appliquer au contexte militant particulier qu'est celui de la fin du xixe siècle[27].
Dans le cadre de l'ère de la libération sexuelle
La sorcière, pour différents courants féministes de la seconde vague, devient un symbole de revendications. En 1968, le jour de Halloween, apparaît à New York le mouvement Women's International Terrorist Conspiracy from Hell (Conspiration féministe international venue de l'enfer, WITCH) dont les membres défilèrent dans Wall Street, devant la Bourse, en dansant la sarabande, main dans la main, vêtues de capes noires. L'une d'entre elles, Robin Morgan, raconte ce moment quelques années plus tard dans « WITCH hexes Wall Street » tiré de Going Too Far, The personal Chronicle of a Feminist : « Les yeux fermés, la tête baissée, les femmes entonnèrent un chant berbère (sacré aux yeux des sorcières algériennes) et proclamèrent l’effondrement imminent des diverses actions. Quelques heures plus tard, le marché clôtura en baisse d’un point et demi, et le lendemain, il chuta de cinq points »[45].
Plusieurs groupes féministes des années 1970 ne tardent pas à suivre le mouvement et à revendiquer cette identité : « nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler », dit un slogan féministe célèbre. De même qu'un mouvement similaire, qui apparaît en Italie à la même période, prône à son tour « Tremblez, tremblez, les sorcières sont revenues ! » (Tremate, tremate, le streghe son tornate !)[46]. En France, la revue Sorcières paraît de 1976 à 1981 sous la direction de Xavière Gauthier[47], revue à laquelle collaborèrent Hélène Cixous, Marguerite Duras, Luce Irigaray, Julia Kristeva, Nancy Houston ou encore Annie Leclerc. Et plus tard, à l'occasion du rassemblement du contre la réforme du code du travail, des membres du « Witch Bloc Paname », un collectif de « sorcières » (witch en anglais) ont défilé avec des banderoles « Macron au chaudron » tandis qu’elles manifestaient en tenues noires et chapeaux pointus[48]. La même année, en , un groupe de sorcières auxquelles s’est jointe la chanteuse Lana Del Rey se donnait rendez-vous au pied de la Trump Tower à New-York afin de provoquer la destitution du président[49].
À l'ère de l'empowerment féminin
Dès lors, l'image de la sorcière a été utilisée comme une figure de revendication, de résistance et de libération, ainsi qu'un symbole de lutte face aux oppressions et aux dominations misogynes. Il en a résulté une génération d'ouvrages, commençant par Caliban et la sorcière de Silvia Federici[50], dont les analyses ont été reprises et popularisées dans d'autres pays par des auteures féministes comme Starhawk ou en France Mona Chollet, dans Sorcières la puissance invaincue des femmes[51] paru en 2018 dans lequel elle propose un tour d'horizon critique des différentes perceptions et réappropriations de la figure de la sorcière. Pour l'autrice, comme pour beaucoup d'autres auteurs et critiques sur lesquels elle s'appuie (jusqu'à l'historien romantique Jules Michelet[52]), la sorcière est fortement mêlée au féminisme et à l’empowerment politique qui implique la critique des systèmes d’oppression.
Ce lien entre sorcière et engagement politique a également été fait par les détracteurs du féminisme. Mona Chollet, dans l’introduction de son essai, cite le télévangéliste Pat Robertson, qui déclara dans une lettre de 1992 : « Le féminisme encourage les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes »[53]. La réaction, comme le rappelle Mona Chollet, se manifeste par une sorte d’élan d’adhésion assez immédiat et tout aussi peu nuancé qu'elle traduit par : « Où-est-ce qu’on signe ? ».
Les sorcières incarnent, pour ces auteures féministes, la liberté contre la vigilance et le contrôle du mari, et donc une figure de l'émancipation des femmes. Il faut rappeler que les premières chasses aux sorcières avaient pour motif de traquer les avorteuses en les condamnant pour sorcellerie. C'est donc assez naturellement que la sorcière devient une figure emblématique des luttes pour le droit à l'avortement. Les mouvements féministes combattent la stigmatisation des femmes sans enfant, ces femmes qui menacent de devenir des « vieilles femmes à chats » pour reprendre une expression populaire qu'on peut relier à l’imaginaire de la sorcière en femme âgée, seule et toujours accompagnée de son animal familier. Néanmoins, ils n’obligent pas non plus à refuser la maternité. Les féministes insistent sur le libre choix individuel, à l'image du « Un enfant si je veux, quand je veux » que scandaient les manifestantes pour le droit à l’avortement au moment des mouvements de libération des femmes[54].
La sorcière devient également un symbole de vieillesse assumée selon Mona Chollet. En effet, l’image de la sorcière aux cheveux grisonnants révèlent la peur du changement physique et une crainte de l’expérience liée au vécu des femmes âgées, l'âgisme étant dans notre société une pratique très courante. L’âge et le vieillissement des femmes restent un sujet tabou encore sujet à la dévalorisation. Les médias et la presse féminine s'appliquent à montrer des femmes jeunes, au visage lisse et au corps ferme tout en omettant de mentionner les femmes plus âgées ou expérimentées. La peur de vieillir reste une inégalité entre hommes et femmes observe Mona Chollet dans son essai : « Un homme n’est jamais disqualifié sur le plan amoureux et sexuel du fait de son âge et, lorsqu’il commence à présenter des signes de vieillissement, il ne suscite ni les mêmes regards apitoyés ni la même répulsion »[51]. Or la sorcière est une figure qui, même représentée laide et vieille, reste puissante, crainte et détentrice d'un savoir particulier. Et si, avec la sorcière, l'accent n'est pas nécessairement mis sur la beauté, il n'en reste pas moins un symbole de valorisation de l'expérience et du savoir. Il en vient même à se détacher de cet impératif de la beauté au profit justement de connaissances plus profondes.
Dans cette hybridation entre sorcière et féminisme, il ne s'agit plus de se référer à un imaginaire populaire aussi fantastique qu'inquiétant pour le projeter dans la sphère politique. Il revient de prendre la sorcière comme l'incarnation de la femme qui refuse la soumission aux normes et aux contraintes sociales, comme un modèle de femme marginalisée ou exclue pour son mode de vie et de sa résistance face à cela. La sorcière est réinterprétée ainsi comme une figure de dissidence, dont se sont inspirés et dont s’inspirent encore les mouvements féministes. Symbole d'une autonomie féminine affranchie des normes, elle a été un objet de haine pour les représentants de l’ordre patriarcal, en témoigne le fait que le terme reste encore une insulte misogyne.
Toutefois, certains universitaires spécialistes du Moyen Âge invitent à ne pas caricaturer l'Histoire, les histoires de chasse aux sorcières ayant parfois été exagérées par les auteurs récents : les procès pour sorcelleries ont été rarissimes au Moyen Âge et sont plutôt associés à une période allant du xve au xviie siècle (avant le xve siècle, le procès en sorcellerie, plus rares, visaient plutôt des hommes). De même, ces procès étaient longs et coûteux et la torture était règlementée et pas systématique, de même que le bûcher.[Interprétation personnelle ?] Ainsi, de nombreuses sorcières ont pu se défendre de manière tout à fait équitable et gagner leur procès[55] (un cas ancien bien documenté étant Casine la Mâtine, en 1407)[56].
La sorcière dans la culture populaire du XIXe au XXIe siècle
La femme fatale
Dans son ouvrage Cette femme qu’ils disent fatale publié chez Grasset en 1993, Mireille Dottin-Orsini pose un regard critique sur les représentations iconographiques et littéraires qui prennent la femme pour modèle durant le XIXe et le XXe siècle[58]. Pour Michelle Dottin-Orsini la femme « fatale », c’est celle qui est déterminée d’avance, marquée par le destin. Et pas par n’importe quel destin, un destin construit et érigé par le désir masculin. Ce « ils » dont il est question dès le titre est un « ils » englobant qui désigne les artistes, plus généralement les hommes, qui sont à l’origine de ces représentations qui enferment les femmes. Si dans son ouvrage elle n'aborde pas la figure de la sorcière de façon spécifique (lui préférant le portrait en vampire[59]), elle rend compte de plusieurs idées clés qui s'appliquent tout aussi bien au modèle de la sorcière. En effet, si la femme est dite fatale pour Mireille Dottin-Orsini c’est à cause de sa beauté "mortelle", sa nature prétendument déviante, pernicieuse et cruelle ou alors pour sa froideur indifférente, presque frigide à l’égard des malheureux tombés sous son charme ou encore parce qu'elle est représentée comme un monstre[58].
Mireille Dottin-Orsini rappelle que dans cet imaginaire de la femme fatale celle-ci n’est pas seulement à prendre au sens de la femme qui tue, mais également au sens de celle qui répugne et dont l’immoralité contagieuse n’a d’égal que la bassesse et l’anormalité. Parallèle qui prend tout son sens avec l'imaginaire de la sorcière de la Renaissance dans la mesure où c'est à cette époque que celle-ci est perçue comme une assassine, une dévoreuse d'enfant, accusée de fornication avec Satan et de s'adonner à des pratiques sexuelles déviantes. La sorcière en tant que femme fatale devient celle qui envoûte, charme, et détourne l'homme du droit chemin. Elle devient, au même titre que l’enchanteresse, à la fois un fantasme et un objet de crainte.
La femme, et donc ici plus spécifiquement la sorcière, n’est dans l’art qu’en tant qu’effigie peinte ou écrite par le désir de l’homme, désir que l’autrice fait osciller entre deux tendances : tantôt celle de la célébration et de la fascination, tantôt celle de la condamnation et de la répulsion[58].
La « bonne sorcière »
Pourtant à mesure que la sorcière se popularise elle quitte l'imaginaire mythique et religieux, se met à gagner les écrans et à s'intégrer dans les livres de fiction tout en se libérant du fantasme des artistes. Elle quitte l'immensité des statues de marbre, s'efface peu à peu des toiles et des peintures gigantesques pour gagner les écrans de télévision. La sorcière est alors montrée pour la première fois sous un jour plus favorable à travers de nombreuses œuvres de fiction, instaurant un nouveau mythe, celui de la « bonne sorcière ».
C'est en 1939 qu'apparaît au cinéma la première gentille sorcière, Glinda la Bonne (Glinda the Good) ou Glinda la Bonne Sorcière du Nord (the Good Witch of the North), dans l'adaptation cinématographique du Magicien d'Oz par Victor Flemming. Et si les méchantes sorcières continuent d'alimenter les contes populaires et les dessins animés, notamment chez Disney, le contre modèle de la gentille sorcière n'est pas en reste depuis le XXe siècle. Il suffit de se pencher sur l'extrême popularité de ces séries télévisées cultes pour la plupart comme Ma sorcière bien aimée diffusée entre 1964 et 1972 ou encore Sabrina l'apprentie sorcière premièrement diffusée entre 1996 et 2003 et plus récemment dans un reboot nommé Les nouvelles aventures de Sabrina proposé sur Netflix, tous deux librement adaptés de la série originale de comics Sabrina, l'apprentie sorcière publiée chez l'éditeur Archie Comics dès 1962.
On compte également parmi ces nouvelles bonnes sorcières le personnage de Willow Rosenberg, personnage fictif tiré de la série télévisée Buffy contre les vampires (1997-2001) et interprété par Alyson Hannigan. Mais aussi les sœurs Halliwell : Prudence, Piper, Phoebe ainsi que Paige Matthews, toutes présentes dans la série télévisée Charmed. Sans oublier Hermione Granger, personnage emblématique de la série littéraire de fantasy Harry Potter écrite par l'auteure britannique J. K. Rowling, et interprétée par Emma Watson dans les différentes adaptations cinématographiques. L'ouvrage de David Bauwens "Tout savoir sur la sorcière"[60], à destination d'un public d'enfants, ajoute également les bonnes sorcières suivantes : Nanny McPhee, considérée comme « une gentille sorcière dont le métier est nounou », Gretchen, tirée de la série Zombilénium et dont le père n'est autre que Satan, Mary Poppins, encore une nounou dotée de pouvoirs magiques et, enfin, Maléfique qui, dans le film de Robert Stromberg, incarne une sorcière aimante mais trahie.
La femme ordinaire
Ce qu'il y a de commun entre ces différentes représentations de bonnes sorcières c'est la nouveauté selon laquelle ces personnages ne prennent plus place du côté de la sorcière marginale et dangereuse. À présent, la sorcière est une femme ordinaire, elle vit parmi les citoyens, s'intègre, et surtout agit pour le bien d’autrui, comme les sœurs Halliwel qui luttent contre les forces du mal ou Hermione, sans qui Harry Potter et Ron Weasley n'auraient pas pu avancer dans leur aventure, et qui est d'ailleurs la seule de son groupe d'amis à être née de parents moldus (non sorciers). C'est un basculement important qui s’opère aux XXe et XXIe siècles puisque la sorcière se détache de cet imaginaire diabolique, néfaste et inquiétant pour s'incarner dans des femmes à l'apparence ordinaire, cherchant à mener une vie normale tout en répondant aux devoirs et aux responsabilités que représentent leurs pouvoirs. Le roman La Sorcière de Marie N'Diaye en est un autre exemple dans la mesure où Lucie, personnage principal, sorcière et mère de famille, est moins une sorcière puissante qu'une représentante ordinaire d'une certaine classe sociale tentant de s'arranger de son divorce, de trouver du travail et de mener une vie stable dans son voisinage[61].[réf. nécessaire]
Pratiques attribuées
Pacte avec le diable
Vers la fin du XVe siècle, de nombreux Européens cultivés croyaient que les sorcières pratiquaient de nombreuses activités diaboliques en plus de la magie noire[14]. Ils croyaient que les sorcières faisaient un pacte explicite personnel avec le diable. Le pacte avec le diable donnait à la sorcière le pouvoir d'accomplir des maléfices et la faisait entrer au service du diable. Les sorcières acceptaient alors de rejeter la foi chrétienne et d'être rebaptisées par le diable en guise de soumission. Le diable appliquait une marque sur la sorcière.
Cette croyance était surtout partagée par les classes dominantes et cultivées de l'époque. En effet, les classes populaires avaient tendance à plus se focaliser sur la capacité de la sorcière à nuire plutôt que sur son lien avec le diable[14].
Le pacte avec le diable est une notion très ancienne et a une origine qui remonte avant le Moyen Âge. Par ce pacte, la sorcière était censée conclure un accord semblable à un contrat juridique obligeant le diable à fournir la richesse et des pouvoirs a la sorcière en échange de sa soumission et son âme après sa mort[14]. Les thèmes du vol nocturne, de la transformation en animal, de l'assemblée autour d'une figure surnaturelle, participaient déjà du monde de la sorcière.
Par contre, l'association de la sorcière au démon, au crime et à la sexualité fut une théorie démonologique qui se construisit peu à peu au cours du XVIe siècle[14]. Les ingrédients du sabbat (le terme même de sabbat, sa description comprenant un culte organisé voué à des démons nommés Diane, Hérodiade ou Lucifer, leur présence sous une forme semi-animale, les orgies, la profanation des sacrements) furent élaborés sous l'influence des théologiens chrétiens et des inquisiteurs, du milieu du XIIIe au milieu du XVe siècle, diffusés à travers des traités de démonologie comme le Malleus Maleficarum ou des prédications comme celles de saint Bernardin de Sienne, puis entérinés par les membres laïcs des cours de justice ou des parlements. Les accusées étaient forcées de souscrire, sous la torture ou la pression psychologique, à cette vision des choses. Leurs aveux confirmaient aux yeux de beaucoup la validité de cette description et contribuèrent à la répandre.
Sabbat
Le sabbat serait une déformation de Sabasius, c'est-à-dire Bacchus et dériverait du mot Sabazzia, les mystères dionysiaques de Thrace[62]. Ces fêtes étaient organisées en l'honneur du « dieu cornu » de la fécondité et de la nature (incarné par Dionysos, Pan, Lug, Cernunnos, Mithra). Ces fêtes s'accompagnaient de libations, de danses et d'orgies sexuelles afin de stimuler la fécondité des terres. Ce mot proviendrait également du Shabbat des Juifs désignant leur jour hebdomadaire et sacré de repos et de prières (suivi également par certains chrétiens fidèles au christianisme primitif, à travers le sabbat chrétien) dans un emploi dégradé, abusif et malveillant, totalement détourné de son sens premier[36],[37].
C'est à partir du Moyen Âge, par réaction de l'Église catholique, que le « dieu cornu » est devenu le Diable, nommé Satan ou Lucifer, et que les ecclésiastiques surnommaient « Verbouc ». Et c'est par contre-réaction aux répressions de l'Église chrétienne que, d'après l'analyse de Michelet, le sabbat païen se mue en messe noire[63].
Les sorcières étaient réputées pour se réunir la nuit dans des endroits spéciaux pour accomplir des rites magiques. Les lieux que les sorcières choisissent pour pratiquer leur art ne sont donc pas le fruit du hasard. Les lieux de sabbat étaient en général situés à l'écart des populations, sur un mont ou bien dans une forêt. Les lieux sont très variés et permettent l’efficacité du rite, par les pouvoirs qu’on leur accorde autant que par la mémoire qu’ils suscitent, en conditionnant les acteurs de la cérémonie magique[64].
Nuit d'Halloween
La fête d'Halloween, il y a dix siècles, était le jour de l'an païen fêté dans les pays celtiques le 1er novembre : c'était la fête de Samhain, dieu de la Mort. On croyait alors que la nuit précédant cette date, les esprits des morts venaient se mêler aux vivants, de même que « tous les esprits de Féerie, nains, gnomes, lutins, fées, ainsi que les démons les plus noirs, issus de l'enfer »[65]. C'était pour conjurer ces sortilèges que les anciens avaient coutume d'allumer de grands feux et de danser, de rire, afin de vaincre leur peur.
Au cours de cette nuit, les sorcières enfourchaient leur balai, taillé dans du bois de genêt et enduit d'un onguent composé de plantes. Au IIe siècle, Apulée raconte dans son Âne d'or comment une sorcière nommée Pamphile s'apprête à s'envoler pour le sabbat : « Elle ouvrit un certain cabinet, en tira plusieurs boîtes. Ôtant le couvercle de l'une d'elles et en retirant l'onguent, elle se frotta pendant un temps considérable avec les mains, se couvrant de cette huile de la pointe des pieds jusqu'aux cheveux. »
Vol des sorcières
Les sorcières se réunissaient périodiquement pour se livrer à de nombreux blasphèmes. Les sorcières devaient se rendre rapidement vers les lieux de réunions qui se tenaient en général dans des endroits très isolés. La croyance était que les sorcières utilisaient un pouvoir du diable pour se déplacer rapidement[66].
Soit les sorcières se déplaçaient en volant sans moyen particulier, soit transportées par une rafale de vent ou bien par la seule vertu de leurs pouvoirs magiques. Dans certains cas, la sorcière se servait d'un onguent pour voler[66]. Mais la croyance la plus répandue était que les sorcières utilisent un balai pour se déplacer. Des sorcières utilisaient des animaux magiques pour se déplacer ou bien le diable lui-même transportait la sorcière. Parfois les sorcières laissaient leur balai dans leur lit après lui avoir donné leur apparence pour tromper leurs maris[66].
Le balai serait un attribut des activités féminines, et son utilisation dans la représentation des sorciers pourrait s'expliquer par la prépondérance des femmes parmi les sorciers[14]. Cela pourrait aussi être une déformation de l'utilisation qu'en faisait par exemple Baba Yaga dans la mythologie slave. En effet, au lieu de le chevaucher, la sorcière ogresse s'en servait pour effacer ses traces en volant : « Baba-Yaga siffla son mortier, qui arriva ventre à terre, et elle sauta dedans. Jouant du pilon et effaçant ses traces avec son balai ».
La sorcière vole la nuit, généralement lors de la pleine lune. La sorcière et la lune vont de pair. Cette idée remonte à l'époque du culte de Diane. Les fidèles de Diane, la déesse romaine de la Lune, croyaient qu'elles pouvaient voler les nuits de pleine lune quand Diane était présente.
Ces femmes utilisaient pour cela un onguent à base de drogues[66]. D'après des spécialistes[66], les plantes les plus souvent mentionnées dans cet onguent sont un mélange de quatre solanacées (jusquiame, belladone, mandragore, Datura) associées à l'Aconit, la ciguë, toutes ces plantes étant riches en alcaloïdes toxiques. Ce mélange comprend aussi des plantes banales (joubarbe, fougères qui servaient peut-être de contrepoisons pour atténuer la toxicité mortelle des alcaloïde). Il pouvait être appliqué par frottement sur la peau fine (tempes, aisselle, chevilles, intérieur des poignets) et sur les muqueuses où l'absorption était plus rapide et plus forte, mais avec un risque d'empoisonnement plus élevé[67]. Les femmes qui s'enduisaient le corps de cet onguent entraient dans une transe et avaient l'impression d'être transportées au sabbat, d'où la légende de l'onguent magique. Le manche de leur balai pouvait être aussi enduit de ce produit, son extrémité étant introduite dans le vagin (muqueuse sensible) ou frictionnée sur la vulve afin de favoriser la pénétration de la drogue hallucinogène dans le sang[68],[69].
Les cercles de sorcières actuels comme Wicca utilisent encore le balai, manié d'est en ouest ou dans le sens des aiguilles d'une montre, dont la fonction symbolique est la purification[70].
Bestiaire et métamorphoses de la sorcière
Les sorcières vivent entourées de leurs animaux favoris qui viennent leur apporter des aides magiques. Tous ces animaux (le chat noir, le corbeau, le crapaud, l'araignée, le rat, le lièvre) ont en commun avec leur maîtresse d'être redoutés et mal-aimés : ce sont autant de reflets d'elles-mêmes. Paul Sébillot rapporte que l'on pouvait reconnaître une sorcière se rendant au sabbat parce qu'elle avait « un petit crapaud sur le blanc de l'œil contre la prunelle ou au pli de l'oreille. »[71]. Dans l'acte IV du Macbeth de Shakespeare, avant que Macbeth n'apprenne son destin, les trois sorcières se rassemblent autour de leur chaudron et l'une ajoute un crapaud à son contenu horrible[72].
Ainsi avaient-elles le pouvoir de se métamorphoser, ce qui leur permettait de commettre leurs méfaits sans être reconnues. Sous forme de lièvres, les sorcières avaient coutume de se réunir en congrès. La rapidité que leur offrait cette forme leur permettait d'échapper à leurs poursuivants. Les longues oreilles étaient une aide précieuse pour espionner sans être vues. La patte de lièvre est considérée comme un porte-bonheur, preuve qu'une sorcière avait été mutilée de sa main, et donc privée de ses pouvoirs. Le hibou a été associé à la sorcière car il est un animal nocturne, avec de grands yeux pour espionner, et un cri parfois effrayant et associé à un présage funeste[73].
Les animaux servent de compagnie à la sorcière, qui vit seule et n'a pas de famille, ou d'ingrédients pour les potions, philtres :
« Filet de couleuvre de marais
Dans le chaudron bous et cuis
Œil de salamandre, orteil de grenouille,
Poil de chauve-souris et langue de chien
Langue fourchue de vipère, dard de reptile aveugle,
Patte de lézard, aile de hibou
Pour faire un charme puissant et trouble
Bouillez et écumez comme une soupe en enfer[74] ».
Sorcière et enfants
Les sorcières étaient réputées pour faire des repas cannibales d'enfants ou utiliser des cadavres d'enfants pour préparer des poudres ou des onguents magiques[17]. Et, dans la croyance de l'époque, les sorcières avaient pour habitude de transmettre l'art de la magie de génération en génération ou bien de corrompre les enfants. La place des enfants dans la chasse aux sorcières est cruciale[17]. Les vagues les plus importantes de bûchers furent accompagnées de phénomènes de grande ampleur concernant les jeunes enfants[17]. Des enfants sorciers furent signalés partout en Europe. La condamnation de la mère pour sorcellerie faisait retomber des soupçons sur les enfants. De plus les aveux étaient facilement soutirés aux enfants[17].
En Russie, en Pologne et en République tchèque, selon la légende, des sorcières de nuit appelées en russe notchnitsy (notchnitsa au singulier) sévissaient en se glissant pendant la nuit dans la chambre des nourrissons pour les pincer, les mordre et leur sucer du sang. Mais si un adulte intervenait, elles disparaissaient comme par enchantement[75].
Divers
Procès célèbres
- Marie Navart, France, 1656.
- Sorcières de Triora, Italie, 1587-1588.
- Sorcières de North Berwick, Écosse, 1590.
- Sorcières de Pendle et Sorcières de Samlesbury, Angleterre, 1612.
- Marguerite Tiste, Pays-Bas espagnols, 1671.
- Sorcières de Salem, États-Unis, 1692.
- Anna Göldin, Suisse, 1782.
Conte de fée
Dans plusieurs contes de fées, le seul moyen de faire disparaître une sorcière est d'arrêter d'y penser. Lorsqu'on ne pense plus à elles, elles cessent d'exister[réf. nécessaire].
Expositions
- L'Adresse Musée de La Poste de Paris a accueilli en 2012 une exposition consacrée à la sorcière, étudiant le lien entre le mythe et la réalité de cette figure qui continue à faire parler d'elle de nos jours[76].
Voir aussi
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Sorcière » (voir la liste des auteurs).
- Patrick Snyder, Représentations de la femme et chasse aux sorcières XIIIe – XVe siècles, Montréal, Fides, , 123 p., p. 36-37.
- Virginie Larousse, « La sorcière, de créature maléfique à icône féministe », Le Monde, (lire en ligne)
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, Errance, 2003 p. 90.
- Guus Kroonen, Etymological Dictionary of Proto-Germanic, Leyde, Brill, 2013, p. 586.
- Premier livre de Samuel, XXVIII
- Jean Humbert, Mythologie grecque et romaine
- Lucain, Pharsale, VI, 510-519
- Apulée, Les Métamorphoses, II, V
- Ovide, Héroïdes, XII
- Horace, Satires, I, 8
- Bulle Super illius specula (1326).
- Robert Muchembled, La sorcière au village (XVe - XVIIIe siècle), Gallimard-Julliard, , p. 13
- Claude Seignolle, Les Évangiles du Diable (1994)
- La Grande Chasse aux sorcières Brian P. Levak
- J. Sprenger et H. Krämer, Le Marteau des sorcières (1486-1487), trad. Jérôme Millon, 1987.
- Mona Chollet, Sorcières : la puissance invaincue des femmes (ISBN 978-2-35522-134-7 et 2-35522-134-0, OCLC 1284998166, lire en ligne)
- Le Roi et la sorcière, Robert Muchembled
- Muchembled, Robert, 1944-, Le Roi et la sorcière : l'Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siàcle, Desclée, dl 1993 (ISBN 2-7189-0615-4 et 978-2-7189-0615-7, OCLC 1120615554, lire en ligne)
- (en) Bengt Ankarloo et al., Witchcraft and Magic in Europe, tome IV, The Period of the Witch Trials, A&C Black, 2002 (lire en ligne), p. 41.
- (en) Ioan M. Lewis, Jeffrey Burton Russell, « Witchcraft », Encyclopedia Britannica, version du 23 mars 2023 (lire en ligne).
- R.P. Ruysen, France religieuse du XIIe siècle au XVe siècle, Tournai(Belgique), Maison Casterman, , 323 p., p. 242
- Thomas Erastus, Deux dialogues touchant le pouvoir des sorcières, et de la punition qu'elles méritent, Paris, Traduction de Repetitio disputationis de lamiis seu strigibus - 1578.
- Pascale Robert-Diard, “Aux Archives nationales, six siècles de grands procès faits aux femmes”, M le magazine du Monde, 16.12.2016.
- Estimates of Executions
- Tanice G. Foltz, « Review of Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts », Gender and Society, vol. 9, no 4, , p. 514–516 (ISSN 0891-2432, lire en ligne, consulté le )
- Maurice Levy, Le Roman « gothique » anglais : 1764-1824, Albin Michel, 2015 (lire en ligne).
- (en) Diane Purkiss, The Witch in History: Early Modern and Twentieth-Century Representations, Routledge, Partie I, chapitre 1, 1996.
- Jules Michelet, La Sorcière, « Épilogue », éditions Flammarion, 1898, p. 674.
- (en) Glenn W. Shuck, « The Myth of the Burning Times and the Politics of Resistance in Contemporary American Wicca », Journal of Religion & Society, 2000 (lire en ligne).
- Édouard Brasey - Sorcières et démons - Pygmalion - Paris - 2000 (ISBN 2-85704-658-8)
- « En Inde, le poison dit sringa, produit par un arbre de l'Himalaya, est administré à l'accusé sous la forme de sept grains mêlés à du beurre ; si, jusqu'à la fin du jour, il ne produit aucun effet, le juge acquitte ». Cf Salomon Reinach, op. cit.
- Salomon Reinach, Cultes, mythes et religions, E. Leroux, , p. 263
- Anne Retel-Laurentin, Sorcellerie et ordalies: l'épreuve du poison en Afrique noire, Éditions Anthropos, , p. 215-278
- Valérie Naudet, Fantasmagories du Moyen Âge: Entre médiéval et moyen-âgeux, Presses universitaires de Provence, (ISBN 978-2-821-83596-2, lire en ligne).
- L'historien Freddy Raphaël démontre le rôle interchangeable des attributs iconographiques prêtés aux Juifs et aux sorcières à travers la similitude des systèmes de représentation dont ils ont été l'objet in « Juifs et sorcières dans l'Alsace médiévale », Revue des Sc. Soc. de la Fr. de l'Est, 1974, n° 3.
- « SABBAT : Définition de SABBAT », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
- Daniel Iancu-Agou, « Le diable et le juif : réprésentation médiévales iconographiques et écrites », dans Le diable au Moyen Âge : Doctrine, problèmes moraux, représentations, Presses universitaires de Provence, coll. « Senefiance », (ISBN 9782821835894, lire en ligne), p. 259–276
- Magie et sorcellerie, sous la direction de Robert Muchembled
- Witchere, « Bilan de la Grande Chasse aux Sorcières en Europe », sur Witchere's World, (consulté le )
- Carlo Ginzburg, Le Sabbat des Sorcières, p. 17.
- R. R. Ruether, « Woman, Church, and State: The Original Expose of Male Collaboration Against the Female Sex. By Matilda Joslyn Gage. Reprint ed. Watertown, Mass.: Persephone Press, 1980. 295 pp. $7.95 paper », Journal of Church and State, vol. 25, no 2, , p. 358–359 (ISSN 0021-969X et 2040-4867, DOI 10.1093/jcs/25.2.358, lire en ligne, consulté le )
- Matilda Joslyn Gage, Woman, Church and State. A Historical Account of the Status of Woman Through the Christian Ages: with Reminiscences of the Matriarchate, Truth Seeker Company, 1893 ([lire en ligne]), p. 247.
- (en) Brian P. Levack, The witch hunt in early modern Europe, third edition, London and New York, Longman, 2006, présentation en ligne.
- Constance Rimlinger, « Féminin sacré et sensibilité écoféministe. Pourquoi certaines femmes ont toujours besoin de la Déesse », Sociologie, vol. 12, , p. 77-91 (lire en ligne).
- Morgan, Robin., Going too far : the personal chronicle of a feminist, Random House, (ISBN 0-394-48227-1 et 978-0-394-48227-9, OCLC 2644486, lire en ligne)
- Penny Gill, « Witchcraze: A New History of the European Witch Hunts. By Anne Llewellyn Barstow. New York: HarperCollins, 1994. xiv + 255 pp. $25.00. », Church History, vol. 65, no 2, , p. 278–279 (ISSN 0009-6407 et 1755-2613, DOI 10.2307/3170313, lire en ligne, consulté le )
- Mona Chollet, « Tremblez, les sorcières sont de retour ! », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le ).
- « « MACRON AU CHAUDRON ! » LE RETOUR DES SORCIÈRES », sur Journalisme pensif, (consulté le )
- « Le jour où Lana del Rey est devenue une sorcière anti-Trump », sur Les Inrocks (consulté le )
- (en) Caliban and the witch : women, the body and primitive accumulation, Brooklyn, NY, Autonomedia, , 285 p. (ISBN 978-1-57027-059-8, lire en ligne), traduit en français en 2017.
- Mona Chollet, Sorcières : la puissance invaincue des femmes, Zones, impr. 2019 (ISBN 978-2-35522-122-4 et 2-35522-122-7, OCLC 1107849325, lire en ligne)
- Jules Michelet, La Sorcière, 1862.
- (en-US) The Associated Press, « Robertson Letter Attacks Feminists », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
- Marie Léon, « Un enfant si je veux, quand je veux... », Gestalt, vol. n° 43, no 1, , p. 104 (ISSN 1154-5232 et 1950-6716, DOI 10.3917/gest.043.0104, lire en ligne, consulté le )
- « Coups, meurtres et sorcellerie : la question des violences faites aux femmes au Moyen Âge », sur actuelmoyenage.wordpress.com,
- Viallet 2022.
- (en) Frank M. Dugan, « Fungi, folkways and fairytales: Mushrooms and mildews in stories, remedies, and rituals, from Oberon to the Internet », North American Fungi, vol. 3, no 7, , p. 23-72 (DOI 10.2509/naf2008.003.0074)
- Dottin-Orsini 1993.
- Mireille Dottin-Orsini, « Fin de siècle : portrait de femme fatale en vampire », Littératures, vol. 26, no 1, , p. 41–57 (ISSN 0563-9751, DOI 10.3406/litts.1992.1581, lire en ligne, consulté le )
- DAVID BAUWENS, Tout savoir sur la sorcière, Evalou éditions, , 32 p. (ISBN 9782490074105)
- NDiaye, Marie, La sorcière, Les Éditions de Minuit, (ISBN 2-7073-1810-8 et 978-2-7073-1810-7, OCLC 756506245, lire en ligne)
- Henri Dontenville, La France mythologique (Henri Veyrier, 1988)
- « Le ciel dès lors lui [au peuple] parut comme l'allié de ses bourreaux, de là la Messe noire et la Jacquerie. » Jules Michelet, La Sorcière (1862)
- Les lieux & les légendes de la magie
- Édouard Brasey, Sorcières et Démons (p. 14)
- La chevauchée des sorcières, Andrea Kaufmann
- Robert Colle, Sorciers, sourciers et guérisseurs en Aunis et Saintonge, Rupella, , p. 156.
- Jean-Marie Pelt, Les langages secrets de la nature, Fayard, , p. 97.
- Maryse Simon, Les affaires de sorcellerie dans le Val de Lièpvre, XVIe et XVIIe siècles, Société savante d'Alsace, , p. 106.
- Scott Cunningham, La Wicca. Guide de Pratique Individuelle, ADA Editions, , p. 57
- Paul Sébillot, Le Folklore de France
- (en) « Sorcières, Decamps », sur Wallace Collection (consulté le )
- Bestiaire mythique, légendaire et merveilleux dans la tradition, Boeckhoorn
- W. Shakespeare, Macbeth, IV, 1
- Stamatis Zochios, « Baba Yaga, les sorcières et les démons ambigus de l’Europe orientale », Revue Sciences/Lettres, no 4, (ISSN 2271-6246, DOI 10.4000/rsl.973, lire en ligne, consulté le )
- Marion Point, Sacrées Sorcières, le 23/02/2012, Présentation de l'exposition à lire sur L'Intermède
Annexes
Sources imprimées
- Martine Ostorero (éd.), Agostino Paravicini Bagliani (éd.), Kathrin Utz Tremp (éd.) et Catherine Chène (éd.), L'imaginaire du sabbat : édition critique des textes les plus anciens (1430 c. - 1440 c.), Lausanne, Cahiers lausannois d'histoire médiévale, coll. « Cahiers Lausannois d'Histoire Médievale » (no 26), , 571 p. (ISBN 2-940110-16-6, présentation en ligne), [présentation en ligne].L'ouvrage réunit les sources primaires suivantes : Rapport sur la chasse aux sorciers et aux sorcières menée dès 1428 dans le diocèse de Sion, par Hans Fründ ; Formicarius (sorcellerie) (livre II, chapitre 4 et livre V, chapitres 3,4 et 7) par Johannes Nider ; Errores gazariorum seu illorum qui scopam vel baculum equitare probantur, anonyme ; Ut magorum et maleficiorum errores, par Claude Tholosan ; Le champion des dames, livre IV, vers 17377-18200, par Martin Le Franc.
- Henry Institoris et Jacques Sprenger (trad. Amand Danet, préf. Amand Danet), Le Marteau des sorcières : Malleus Maleficarum, Grenoble, Jérôme Millon, coll. « Atopia », (1re éd. 1990), 539 p. (ISBN 978-2-84137-177-8, présentation en ligne).
Bibliographie
Ouvrages anciens
- Jules Michelet, La Sorcière, Paris, E. Dentu, , XXV-460 p. (lire en ligne). Réédition : Jules Michelet (préf. Richard Millet, édition de Katrina Kalda), La Sorcière, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Classique », , 469 p. (ISBN 978-2-07-044363-5, présentation en ligne).
- Margaret Alice Murray (trad. Thérèse Vincent), Le Dieu des sorcières [« The God of the Witches »], Paris, Denoël, coll. « La Tour Saint-Jacques », , 254 p. (présentation en ligne).
Études historiques
- Colette Arnould (préf. Lucien Jerphagnon), Histoire de la sorcellerie, Paris, Tallandier, coll. « Texto : le goût de l'histoire », (1re éd. 1992, Tallandier, coll. « Approches »), 494 p. (ISBN 978-2-84734-565-0, présentation en ligne).
- Guy Bechtel, La sorcière et l'Occident : la destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, Plon, coll. « Le doigt de dieu », , 732 p. (ISBN 2-259-18603-3, présentation en ligne)Réédition : Guy Bechtel, La sorcière et l'Occident : la destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, Pocket, coll. « Agora » (no 218), , 941 p. (ISBN 2-266-09573-0).
- Dominique Camus, Enquête sur les sorciers et jeteurs de sorts en France, aujourd'hui. Magie blanche, magie noire, Bussière, , 258 p. (ISBN 978-2-85090-652-7).
- Julio Caro Baroja (trad. Marie-Amélie Sarrailh), Les sorcières et leur monde [« Las brujas y su mundo »], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », (1re éd. 1972), 304 p. (ISBN 2-07-028201-5, présentation en ligne), [présentation en ligne].
- Norman Cohn (trad. de l'anglais par Sylvie Laroche et Maurice Angeno), Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Âge : fantasmes et réalités [« Europe's Inner Demons »], Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », , 317 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne].
- Jean Delumeau, La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, coll. « Pluriel », (1re éd. 1978, Fayard, sous le titre La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles) : une cité assiégée), 607 p. (ISBN 978-2-8185-0147-4, présentation en ligne).
- Brian Easlea, Science et philosophie. Une révolution 1450-1750. La chasse aux sorcières. Descartes, Copernic, Kepler. Traduit par Nina Godneff. Paris, Ramsay, 1986, 336 pages, (ISBN 978-2859564605)
- (en) Clarke W. Garrett, « Witches, Werewolves, and Henri Boguet », Proceedings of the Western Society for French History, vol. 4, , p. 126-134 (lire en ligne).
- Maxime Gelly-Perbellini, « La sorcière dans la BD médiévaliste : fantasmes, stéréotypes et détournements », dans Tristan Martine (dir.), Le Moyen Âge en bande dessinée, Paris, Karthala, coll. « Esprit BD », , 373 p. (ISBN 978-2-8111-1669-9, lire en ligne), p. 121-140.
- Carlo Ginzburg (trad. Monique Aymard), Le sabbat des sorcières [« Storia notturna : una decifrazione del sabba »], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 423 p. (ISBN 2-07-072741-6, présentation en ligne).
- Carlo Ginzburg (trad. Giordana Charuty), Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires en Frioul, (XVIe-XVIIe siècles) [« I Benandanti. Stregoneria e culti agrari tra Cinquecento e Seicento »], Lagrasse, Verdier, , 238 p. (ISBN 2-86432-005-3, présentation en ligne), [présentation en ligne].Réédition : Carlo Ginzburg (trad. Giordana Charuty), Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires, (XVIe-XVIIe siècles) [« I Benandanti. Stregoneria e culti agrari tra Cinquecento e Seicento »], Paris, Flammarion, coll. « Champs » (no 135), , 270 p. (ISBN 978-2-08-124477-1).
- Nicole Jacques-Chaquin (dir.) et Maxime Préaud (dir.), Le sabbat des sorciers en Europe (XVe-XVIIIe siècles) : colloque international ENS Fontenay-Saint-Cloud, 4-7 novembre 1992, Grenoble, Jérôme Millon, , 442 p. (ISBN 2-905614-85-4).
- Jelle Koopmans, Le théâtre des exclus au Moyen Âge : hérétiques, sorcières et marginaux, Imago, , 267 p. (ISBN 2-911416-04-X, présentation en ligne).
- Claude Lecouteux (préf. Régis Boyer), Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Âge : histoire du double, Imago, (1re éd. 1992), 227 p. (ISBN 2-902702-70-1, présentation en ligne).
- Franck Mercier, La vauderie d'Arras : une chasse aux sorcières à l'automne du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 413 p. (ISBN 2-7535-0191-2, présentation en ligne, lire en ligne), [présentation en ligne].
- Robert Muchembled, La sorcière au village (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Gallimard, coll. « Archives » (no 74), , 240 p. (ISBN 2-07-028631-2, présentation en ligne). Réédition : Robert Muchembled, La sorcière au village (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire » (no 36), , 310 p. (ISBN 2-07-032652-7, présentation en ligne).
- Robert Muchembled (dir.), Magie et sorcellerie en Europe : du Moyen âge à nos jours, Paris, Armand Colin, , 335 p. (ISBN 2-200-21399-9).
- Martine Ostorero (dir.), Georg Modestin (dir.) et Kathrin Utz Tremp (dir.), Chasses aux sorcières et démonologie : entre discours et pratiques (XIVe – XVIIe siècles), Florence, SISMEL - Edizioni del Galluzzo, coll. « Micrologus' Library » (no 36), , XXVIII-447 p. (ISBN 978-88-8450-392-3, présentation en ligne).
- Martine Ostorero (préf. Agostino Paravicini Bagliani), Le diable au sabbat : littérature démonologique et sorcellerie, 1440-1460, Florence, SISMEL - Edizioni del Galluzzo, coll. « Micrologus' Library » (no 38), , XVII-806 p. (ISBN 978-88-8450-402-9, présentation en ligne), [présentation en ligne].
- Martine Ostorero, « Folâtrer avec les démons » : sabbat et chasse aux sorciers à Vevey (1448), Lausanne, Université de Lausanne, coll. « Cahiers lausannois d'histoire médiévale » (no 47), , 2e éd. (1re éd. 1995), XV-323 p. (ISBN 2-940110-61-1, présentation en ligne).
- Christine Planté (dir.), Sorcières et sorcelleries, Lyon, Presses universitaires de Lyon, coll. « Cahiers masculin-féminin », , 139 p. (ISBN 2-7297-0698-4, présentation en ligne).
- Jean-Michel Sallmann, Les Sorcières, fiancées de Satan, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard : Culture et société » (no 57), , 192 p. (ISBN 2-07-053077-9, présentation en ligne).
- Maryse Simon, « La sorcière moyenâgeuse faussement médiévale ? Construction d’une image fantasmagorique », dans Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.), Fantasmagories du Moyen Âge. Entre médiéval et moyen-âgeux : [actes du colloque international, 7-9 juin 2007, Université de Provence], Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Sénéfiance » (no 56), , 280 p. (ISBN 978-2-85399-733-1, lire en ligne), p. 201-208.
- Ludovic Viallet, Sorcières ! La grande chasse, Paris, Armand Colin, , 220 p. (ISBN 978-2-200-27960-8). Réédition : Ludovic Viallet, La grande chasse aux sorcières : histoire d'une répression, XVe – XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. « Mnémosya », , 222 p. (ISBN 978-2-200-62985-4).
- Robert Léon Wagner, « Sorcier » et « magicien », contribution à l'histoire du vocabulaire de la magie, Paris, E. Droz, , 293 p.
- Laurence Wuidar, Fuga Satanae : musique et démonologie à l'aube des temps modernes, Genève, Droz, coll. « Cahiers d'Humanisme et Renaissance » (no 150), , 337 p. (ISBN 978-2-600-05868-1, présentation en ligne), [présentation en ligne].
Essais
- (en) Bernadette Lynn Bosky, « The Witch », dans S.T. Joshi (dir.), Icons of Horror and the Supernatural : An Encyclopedia of Our Worst Nightmares, vol. 2, Westport (Connecticut) / Londres, Greenwood Press, , 796 p. (ISBN 978-0-313-33780-2 et 0-313-33782-9), p. 689-722.
- Édouard Brasey, Le petit livre des sorcières, Paris, Le Pré aux clercs, , 62 p. (ISBN 978-2-84228-334-6).
- Édouard Brasey et Stéphanie Brasey, Traité de sorcellerie : suivi d'autres traités fameux et textes sulfureux consacrés aux sorciers et sorcières adeptes de la magie noire, Paris, Le Pré aux clercs, , 431 p. (ISBN 978-2-84228-447-3).
- Céline du Chéné, Les sorcières : une histoire de femmes, Paris, Éditions Michel Lafon, , 191 p. (ISBN 978-2-7499-4119-6, BNF 45843044, présentation en ligne)..
- Mona Chollet, Sorcières : La puissance invaincue des femmes, Paris, La Découverte, , 261 p. (ISBN 2-35522-122-7, OCLC 1046671440, BNF 45614457, présentation en ligne)..
- Mireille Dottin-Orsini, Cette femme qu'ils disent fatale : textes et images de la misogynie fin-de-siècle, Paris, Grasset et Fasquelle, , 373 p. (ISBN 2-246-45551-0, OCLC 231567674, présentation en ligne).
- (en) K. A. Laity, « The Sorcerer », dans S.T. Joshi (dir.), Icons of Horror and the Supernatural : An Encyclopedia of Our Worst Nightmares, vol. 2, Westport (Connecticut) / Londres, Greenwood Press, , 796 p. (ISBN 978-0-313-33780-2 et 0-313-33782-9), p. 565-589.
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la bande dessinée :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :