René Carmille

polytechnicien, créateur du service statistique de la France

René Carmille, né le à Trémolat en Dordogne et mort pour la France le à Dachau (Bavière), est un officier d'état-major et résistant français.

René Carmille
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Léon François René CarmilleVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Enfant
Robert Carmille (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Grade militaire
Conflit
Lieu de détention
Distinctions
Archives conservées par

Polytechnicien (X 1906), contrôleur général des armées, il crée sous l'Occupation le Service national des statistiques (SNS), qui deviendra l'Insee en 1946, et le numéro de code individuel qui deviendra, à la Libération, le numéro de sécurité sociale, toujours utilisé en France.

Biographie

modifier

Jeunesse et études

modifier

René Carmille est admis à l'École polytechnique en 1906. Il en sort dans l'artillerie.

Parcours professionnel

modifier

Lieutenant, puis commandant de batterie au début de la guerre de 1914, il occupe ensuite des fonctions d'État-major, y compris au Deuxième Bureau, c'est-à-dire dans les services de renseignement.

En , il entre par concours au contrôle de l'administration de l'armée. Il devient spécialiste de gestion industrielle, travaille sur le plan comptable de l'armée, sur des nomenclatures d’activités, sur l’organisation des entreprises d'armement et de poudres, puis à une réorganisation des bureaux de recrutement. Il promeut notamment le développement de la mécanographie par cartes perforées. Il enseigne l'économie politique à l'École libre des sciences politiques entre 1927 et 1937[2]. On a aussi de lui un article de fin 1939 « sur le Germanisme ».

Dès , pour faciliter la mobilisation des classes d’âges successives, il propose un numéro matricule à 12 chiffres, fondé sur la date et le lieu de naissance et destiné à être attribué aux garçons dès leur déclaration à l'état civil. Il visite à Berlin la Dehomag, filiale allemande d'IBM, d'où il rapporte le modèle de la carte perforée à 80 colonnes. En France, il favorise le développement de Bull[3], contrôlée par les Papeteries Aussedat, fournisseur en cartes mécanographiques. Il mène plusieurs expériences, la principale à Rouen. Il publie en 1936 De la mécanographie dans les administrations[4]. Il y révèle son expertise de la mécanographie et de ses possibilités d'applications dans les entreprises et dans les administrations[5]. Il y démontre l'utilité d'une identification des individus mais aussi d'un code géographique, de nomenclatures d'activité économique et de profession. Enfin, il expose l’intérêt de cette technique pour la gestion des administrations et la production d’informations statistiques utiles au gouvernement. Dans l'édition de 1942, il expose (p.130) comment l'identification des individus par un numéro d'identification, dès lors qu'il figure obligatoirement dans les fichiers des différents services de l’État, va permettre des appariements de fichiers de façon à "prendre des renseignements qui doivent être utilisés simultanément". Il met ce principe à exécution lorsque, directeur du Service National de Statistiques (SNS), il fait constituer des "dossiers individuels" signalétiques où, derrière ce numéro sont rassemblés les renseignements provenant des différents fichiers[6].

En 1938, René Carmille fait un séjour à Londres, sous couvert d'une invitation chez le constructeur de matériel mécanographique Powers-Samas[7], et y consolide des relations avec l'Intelligence Service nouées depuis 1935[8].

La mobilisation clandestine

modifier

Vient la « drôle de guerre » et la débâcle. Il y a plus d’un million de prisonniers. L'armistice laisse à la France le droit d’entretenir une armée de 100 000 hommes, que le ministre de la Défense nationale, Maxime Weygand, et le secrétaire d'État à la Guerre, le général Colson, cherchent à organiser. Le contrôleur général Carmille reçoit l'ordre du Général Picquendar, chef d'État major de l'Armée d'armistice, de créer un service civil préparant une éventuelle mobilisation clandestine. Il rencontre le colonel Rivet, chef des services spéciaux [9]. Le général de Gaulle écrira : « Nous savions que le service français des renseignements poursuivait, à Vichy, quelque activité. Nous n’ignorions pas que l’État-major de l’armée s’efforçait de soustraire aux commissions d’armistice certains stocks de matériel. Nous nous doutions que divers éléments militaires tâchaient de prendre des dispositions dans l’hypothèse d’une reprise des hostilités (...).Et, cependant, les premiers actes de résistance étaient venus des militaires. Des officiers, appartenant aux états-majors de l’Armée et des régions, soustrayaient du matériel aux commissions d’armistice. Le service de renseignements continuait d’appliquer dans l'ombre des mesures de contre-espionnage et, par intervalles, transmettait aux Anglais des informations. Sous l'action des généraux : Frère, Delestraint, Verneau, Bloch-Dassault, et en utilisant notamment les amicales de corps de troupes, des mesures de mobilisation avaient été préparées. »[10].

René Carmille voit l'opportunité de mettre en œuvre ses propositions et de poursuivre l'équipement mécanographique des bureaux de recrutement ; il obtient la création () du service de la Démographie, rattaché au ministère des Finances, qui récupère les locaux des bureaux de recrutement, une partie de leur personnel et l’essentiel de leurs archives qu’il continuait de mettre à jour. La direction générale s'installe à Lyon, en zone libre, 10 rue des Archers. L'Établissement central, cours de Verdun, est doté avec l'aide de Georges Vieillard, directeur général de Bull, d'un ensemble complet de machines d'exploitation, interclasseuses et reproductrices. Mais seules les directions régionales de zone sud furent dotées d'ateliers mécanographiques comportant, outre des perforatrices, des machines d'exploitation[11].

En un marché de 36 millions de francs est signé entre Bull et le ministère des Finances, au titre du service de la Démographie. La Banque de Paris et des Pays-Bas accepte en de financer ces commandes. En 1941 également, Bull se fait condamner pour contrefaçon des brevets IBM pour avoir adopté la carte perforée à 80 colonnes. L'appel suspensif interjeté ne sera jugé en faveur de Bull qu'en 1947, pour vice de forme, IBM ayant délivré des matériels 80 colonnes avant le dépôt du brevet en France[12]. Carmille se retrouve progressivement à la tête d'un imposant parc de machines mécanographiques, réparties entre l'Établissement central de Lyon et les directions régionales (au départ, six directions régionales en zone libre, une à Paris, et d’autres à Alger, Tunis, Rabat).

Cherchant à mettre en œuvre la coordination générale des services administratifs par la mécanographie, Carmille, dès le 20 mars 1941, obtient que le numéro d'identification figure sur le modèle de la "carte d'identité de Français", mise en chantier par le ministère de l'Intérieur et les préfectures[13] et entreprend des "dossiers individuels" moins ambitieux que le projet de « carnet signalétique individuel », beaucoup trop complexe, qui ne verra pas le jour[14]. Pour attribuer un numéro à chaque individu, il fait procéder aux relevés des actes de naissance détenus par les greffes des tribunaux, pour doter de leur numéro les millions de personnes nées en France dans les 65 dernières années. Comme il s'agit d'une opération à finalité civile, on relève les naissances des deux sexes, en ajoutant un treizième chiffre en première colonne, 1 pour les hommes, 2 pour les femmes. Le futur numéro de sécurité sociale est né. Le relevé a lieu de mars à août 1941 : les directions régionales du SD parviennent ainsi à constituer un immense répertoire général d’identification de tous les individus nés en France entre 1881 et 1940[8].

« Le Service de la Démographie, dans un premier temps, sous le fallacieux prétexte de vérifier les primes de démobilisation constitue un énorme fichier de 2.500.000 démobilisés comportant toutes les précisions nécessaires sur les qualifications militaires de chacun (fichier B5). Mais les adresses que tous ces hommes avaient données au moment de leur démobilisation étaient souvent fantaisistes. Pour retrouver leurs adresses exactes, du moins à ceux qui étaient domiciliés en zone non-occupée, et pouvoir ainsi exploiter l’énorme fichier B5, Carmille obtint du gouvernement qu’un recensement « des activités professionnelles » (recensement AP) soit fait en zone libre »[15].

Le recensement a lieu le . Un bulletin doit être établi pour chaque personne - française ou étrangère - de 13 à 64 ans[16]. Or, le ministre de l'Intérieur Marcel Peyrouton n'a pas seulement cosigné le statut des Juifs et abrogé le décret Crémieux, il a aussi institué la carte d'identité de Français[17]. La fiche établie par les mairies lors de la demande de cette carte d'identité puis transmise aux préfectures contient de même la question "L'intéressé appartient-il à la race juive ? "[18]. Mais la question reste déclarative et personne n'en fait un élément de l'état civil[19].

Le service civil chargé du recensement quinquennal de la population était la Statistique générale de la France (SGF), dirigée par Henri Bunle. Les recensements avaient eu lieu en 1931 et 1936, et le suivant aurait dû avoir lieu en 1941. Les statisticiens de la SGF considèrent ce militaire avec méfiance, et protestent contre l'intrusion sur leurs plates-bandes de militaires camouflés[20]. Les militaires inversement ne comprennent pas toujours cet officier qui déborde largement les missions que l'armée lui confie. Le service de la Démographie absorbe le SGF, le  ; l'ensemble prend le nom de Service national des statistiques (SNS).

Grâce au numéro d'identification, le SNS pouvait croiser les informations contenues dans les feuilles de démobilisation de 2 500 000 soldats, leurs cartes de soldes, leurs cartes de rationnement de tabac, et le recensement de zone libre de . Sont ainsi tenus à jour, avec les adresses, des fichiers des militaires démobilisés en 1940, des prisonniers de guerre, des contingents des Chantiers de Jeunesse, des cadres de métier de l'Armée d'armistice et des anciens "affectés spéciaux"[21]. Mais de plus, en liaison avec le colonel Jean Touzet du Vigier, les lieutenants colonels Henri Zeller et Georges Pfister chargent Carmille de préparer, de façon clandestine, la mobilisation de quinze divisions en deux semaines et à plus long terme d'une force de réserve générale d'une centaine de divisions[22]. « Pendant l'hiver 1941-1942, Carmille, travaillant en secret avec le commandant Pierre Jacquey (...) sortit les noms de 220 000 anciens combattants entraînés vivant en zone libre, et les affecta par localité et par unité, de telle sorte qu'une mobilisation partielle, sur une base régionale, devenait possible en cas d'urgence ; il prépara également des cartes perforées permettant d'imprimer les ordres de mobilisation en quelques heures. »[23].

Retards et surenchères

modifier

Le camouflage d'un service de recrutement militaire dans un prétendu service de démographie expose à une contradiction fondamentale : le recrutement militaire traite des informations individuelles, un service de démographie produit des statistiques sur des ensembles anonymes de population. Carmille participe à la préparation d'enquêtes individuelles, voire les propose, pour alimenter le répertoire individuel et les fichiers de mobilisation, mais il en complique les formulaires et accumule les objections techniques, ce qui justifie des demandes de moyens financiers et d'embauche de personnel, et d'importants retards. Il pose même des leurres en se livrant à des surenchères. Carmille fait ainsi de la lourdeur bureaucratique organisée une forme de résistance[24].

L'Algérie est le grand espoir de ceux qui refusaient la défaite. D'aucuns rêvent que le maréchal Pétain s'y rende, « le jour venu », pour reprendre la lutte contre l'envahisseur. Y coexistent des citoyens français, des étrangers et des Arabes, « sujets » musulmans, et y sévit un antisémitisme diffus. Le , dans la foulée du statut des Juifs, le gouvernement de Vichy avait abrogé le décret Crémieux. Les Juifs d'Algérie redevenaient des « sujets », comme les Arabes, et étaient exclus de la fonction publique, des écoles publiques et de l'armée, étant même internés dans des camps de travail.

René Carmille y fait passer, dès juin 1940, le matériel du bureau de recrutement de Rouen, y compris un prototype de tabulatrice transporté en avion. En mai 1941, il rencontre à Alger le général Weygand devenu délégué général en Afrique française, et qui s'y efforce de préparer la revanche de l'armistice. Or le recrutement militaire y pose des problèmes particuliers, traitant séparément Européens et indigènes. Qu'à cela ne tienne ; le code retenu pour la première colonne du numéro d'identité, au lieu de se limiter à 1 et 2 pour les hommes et les femmes (français, par définition, puisqu'il s'agit du service militaire), va être complété : on va coder 7 et 8 les étrangers, 3 et 4 les indigènes non-juifs, c'est-à-dire les musulmans, 5 et 6 les indigènes juifs[25]. C'est contraire au caractère du numéro d'identité, qui doit demeurer en principe invariable de la naissance à la mort.

En métropole, les occupants aggravent la répression contre les premiers résistants, désignés comme « terroristes », et contre les Juifs. Le Commissariat général aux questions juives est créé par la loi du 29 mars 1941. Une première arrestation massive de Juifs a lieu le 14 mai 1941.

Les Allemands demandent que soit rendue générale et obligatoire la déclaration de changement de domicile. Pierre Pucheu devient ministre de l'Intérieur le 18 juillet 1941. Une loi est rédigée, datée du , mais qui ne sera publiée au Journal Officiel que le , le temps de mettre en place les formulaires correspondants. Plusieurs millions d’exemplaires sont envoyés en 1942 aux préfectures, lesquelles les diffusent ensuite auprès des mairies. Il contient seize questions particulièrement intrusives, portant non seulement sur le requérant mais aussi sur son conjoint et ses enfants. Les questions sur la « race juive » se réfèrent cette fois à la loi du 2 juin 1941 (2e statut des Juifs) [26].

Les deux statuts des Juifs, d'octobre 1940 et juin 1941, sont accompagnés de l'obligation faite aux Juifs de se faire recenser. Carmille propose ses services pour traiter les déclarations obtenues et transférées au Commissariat général aux questions juives (CGQJ), dirigé par Xavier Vallat. Les directions régionales de Clermont-Ferrand et de Limoges sont invitées à les « identifier », c’est-à-dire à les compléter par le numéro d’identification, en vue d’une exploitation mécanographique. Mais Carmille ne donne aucune priorité à cette exploitation et la retarde par des consignes orales[27]. Il fait si bien que le chiffrement demandé n'aboutit, après trois ans d'atermoiements, qu'à un « état numérique des Juifs français et étrangers recensés en  », en exemplaire unique, qui n'était pas terminé en février 1944, lors de l’arrestation de Carmille. Il s'agit de tableaux anonymes, par sexe et par département, du nombre de Juifs recensés, classés par nationalité et activité professionnelle, et où il n'y a guère que des 0 et des 1, sans aucun intérêt policier, ni même statistique.

Les services de police organisent rafles et déportations à partir de leurs propres fichiers manuels, adaptés de celui mis au point avant-guerre à la Préfecture de Police pour surveiller les menées communistes, comme le fichier Tulard ; de même, le CGQJ procède aux spoliations en se passant de mécanisation. En l’absence de toute documentation contraire, il est établi que les fichiers du SNS n'ont joué aucun rôle dans les arrestations, déportations et spoliations raciales ; aucune « bavure » n’a jamais été signalée. Aucune liste nominative ne fut jamais transmise à la police. Mais les réponses à la question n° 11 du recensement AP permirent d'exclure (de dispenser) des Chantiers de jeunesse les jeunes gens qui s’étaient déclarés juifs.

Le code « algérien » de la première colonne, la participation à l'élaboration de la loi sur le changement de domicile, la proposition à Xavier Vallat de traiter mécanographiquement les déclarations de Juifs, tous ces éléments feront classer Carmille dans la catégorie des "vichysto-résistants".

Mobilisation en Algérie

modifier

Le , Pierre Laval devient chef du Gouvernement, ministre des Affaires étrangères, ministre de l'Intérieur (en remplacement de Pierre Pucheu) et ministre de l'Information, avec Bridoux à la Guerre, Cathala aux Finances, Bichelonne à la Production industrielle et Hubert Lagardelle au Travail. Il accentue l'orientation collaborationniste du régime : le 22 juin, il institue la « Relève », qui prévoit le retour d’un prisonnier contre le départ de trois travailleurs volontaires pour l'Allemagne et prononce le discours radiodiffusé où il reconnaît qu'il « souhaite la victoire de l'Allemagne » ; le 16 juillet a lieu la rafle du Vélodrome d'Hiver ; le Service du travail obligatoire est institué le .

Dans ses mémoires, Alfred Sauvy évoque un appel téléphonique de Jean Bichelonne pour savoir ce qu'on peut attendre, en cas de mobilisation, des cartes perforées du service statistique. Il renvoie l'appel à Carmille, à Lyon. L'enjeu, désormais, est de savoir si, grâce aux cartes perforées, on allait mobiliser de jeunes Français pour les envoyer en Allemagne, ou bien pour les mettre au service des armées, françaises et alliées, qui devaient débarquer, nul ne savait où. Toujours est-il qu'un décret de Lagardelle et Bichelonne du 22 septembre organise le recensement des travailleurs d'usine, sans recourir au SNS[28].

Mais le commence le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. Dès le 11, les troupes allemandes envahissent la zone sud. Le général Verneau, chef de l'État-major de l'Armée de terre (EMA), ordonne de « détruire les documents relatifs à la mobilisation clandestine »[29] . La flotte se saborde à Toulon le 27 . Tandis que Bridoux fait remettre aux Allemands la plus grande partie des armes et matériels camouflés, l'Armée d'armistice est dissoute ; certains officiers passent en Algérie, tandis que d'autres, en Métropole, créent alors ce qui deviendra l’Organisation de résistance de l'armée (ORA), que dirige d'abord le général Frère, désigné par Giraud comme son représentant. « C'est alors une organisation fort méfiante à l'égard du gaullisme, proche du giraudisme » écrit Jean Lacouture, dans sa biographie de De Gaulle. Et l'entourage du général Giraud, travaillant indépendamment de l'État-major de l'Armée d'armistice, ne se fie guère au plan de mobilisation de Carmille[30].

Les raisons qui avaient conduit Carmille à limiter le recensement AP à la zone libre (ne pas mettre un fichier d’adresses d’hommes mobilisables à la disposition de l’ennemi) valaient désormais pour toute la métropole. Le , il organise une visite du Maréchal Pétain à la direction régionale du Service national des statistiques à Clermont-Ferrand[31]. Selon un témoignage de 1975 de l’Inspecteur général de l’Insee R. Gaudriault, « à l’issue de la visite, le maréchal, M. Carmille, M. Rabache, directeur régional, M. Roques, (chef du service technique) et moi, nous nous sommes isolés dans une pièce et M. Carmille a décrit en détail le fonctionnement et l’emploi possible de ses fichiers. M. Carmille exposant qu'on pouvait réunir les éléments de plusieurs divisions, le maréchal a demandé “combien ?” ».

Reste l'Algérie. Le , la succursale du SNS d'Alger est réquisitionnée par les autorités militaires. Le général d'armée René Prioux, major-général des Forces terrestres et aériennes, reconstitue les bureaux de recrutement pour les Français de souche, et les sections spéciales de recrutement pour les indigènes, telles qu’elles existaient avant 1940. Ces bureaux et sections spéciales utilisent pour la mobilisation les cartes perforées du recensement AP en distinguant Français de souche, Juifs et indigènes[32].Le , à Alger, l'amiral Darlan est assassiné. Le , le commandement allié nomme le général Giraud « commandant en chef civil et militaire en Afrique ». Le 20 janvier, Marcel Peyrouton, le ministre de l'Intérieur d'octobre 1940, est nommé gouverneur général de l'Algérie[33].

Le 15 mars, Giraud invite de Gaulle à rejoindre Alger. Dès lors, les forces françaises entreprennent de trouver une formule permettant leur fusion. Le 18 mars, une série d'ordonnances rétablit le régime républicain, mais Giraud ne rétablit pas le décret Crémieux, il souhaite en effet « éliminer toute discrimination entre indigènes musulmans et israélites », jugeant qu'« en Afrique du Nord les Juifs ne doivent pas être considérés autrement que les Musulmans. Ce sont des indigènes pratiquant une religion différente de celle de leurs voisins, pas autre chose »[34]. Les Juifs sont incorporés dans des unités de Pionniers, dites «Compagnies de travailleurs"[35]. Giraud, avec l'armement américain décidé à la Conférence d'Anfa, se consacre alors à la campagne de Tunisie, à la libération de la Corse et à la constitution de l’armée française du général Alphonse Juin qui débarque en Italie.

La situation bascule quand Jean Moulin, délégué général en France du général de Gaulle, transmet à Londres un télégramme (daté du 8 mai 1943, il est reçu le 14) dans lequel il annonce la création du Conseil national de la Résistance. Celui-ci confirme que l'ensemble des mouvements de résistance reconnaissent le général de Gaulle comme chef de la Résistance, et réclament l'installation rapide d'un gouvernement provisoire, sous la présidence du général de Gaulle, le général Giraud devant en être le chef militaire[36]. De Gaulle arrive le 30 mai 1943 à Alger. Tandis que Pucheu arrivant en Afrique du Nord est placé en résidence surveillée le 12 mai, Prioux est écarté de tout rôle militaire en . Après de nombreuses pétitions, le décret Crémieux n'est discrètement rétabli que le 22 octobre 1943. La DR d'Alger du SNS restera sous statut militaire jusqu’au .

La guerre des faux papiers

modifier

René Carmille avait décidé, conformément à l'ordre du général Verneau, de détruire ou camoufler les activités liées à la mobilisation clandestine. Les codes (« tableaux de connexions » dans la technique mécanographique) et les fichiers essentiels avaient été cachés au séminaire des Jésuites de Mongré, près de Villefranche-sur-Saône[8]. Il consacre alors son action clandestine à la préparation des débarquements en Métropole des armées alliées. Il se concentre sur ses activités civiles de Directeur du Service national des Statistiques, fondant notamment l'École d'Application du SNS, devenue aujourd'hui l'ENSAE, et fait en sorte que le SNS ne prenne pas part au recrutement du STO.

La fabrication de faux papiers constitue une activité importante des résistants. La contrefaçon est essentielle dans le sauvetage. Il faut des faux papiers pour pouvoir circuler et des cartes d'alimentation pour survivre. La plupart des organisations de sauvetage s'emploient à en fabriquer. En 1942, les cartes d'identité s'achètent vierges dans les bureaux de tabac. Après les avoir remplies, il faut coller une photo, y apposer la signature du maire et de deux autres personnes puis un tampon administratif[37]. Le nouveau modèle de « carte d'identité de Français », à l'en-tête de l'État français, comporte le numéro d'identité et les déclarations de changement de domicile, mais sa distribution, prévue depuis la loi du (JO du ), ne commence qu'en août 1943.

Devant la mauvaise volonté de Carmille, Bichelonne songe à le remplacer à la tête du SNS par son adjoint Saint-Salvy, favorable à la collaboration, mais c’est ce dernier qui doit quitter le SNS, le . Le 6 avril, dans une note au commissaire général au STO, Carmille accepte qu'« un fichier numérique régional des entreprises et des professions soit constitué dans chaque direction régionale du STO ». Mais il demande en retour que « ces travaux soient exécutés dans les locaux du SNS sous la seule responsabilité de ses Directeurs régionaux. [...] Il ne saurait être envisagé de détacher, en aucun cas, du personnel et du matériel hors des locaux des directions régionales du SNS »[38]. Environ 875 000 requis français travailleront en Allemagne mais inversement des dizaines de milliers de jeunes gens prennent le maquis, passent en Espagne, et grossissent en tout cas les rangs de la Résistance, qui cherche à saboter l’organisation du STO.

Carmille s’efforce, au long de l'année 1943, de coordonner son action avec Alger et Londres. Il adhère au réseau de résistance « Marco Polo »[39]. et le , sur ses instructions, André Caffot[40], s'envole d’un terrain de fortune des environs de Reims pour Londres, pour remettre à l'Intelligence Service le nouveau modèle de la carte d'identité, à l'effigie de l'État français et incluant le numéro d'identité, ainsi qu'une des machines destinées à composter ce numéro dans les préfectures[41]. Ce modèle fut distribué, à titre d'essai et à partir d'août 1943, à Paris et dans 12 départements[42]. De « vraies-fausses » cartes d'identité sont mises par ailleurs à la disposition de résistants, de déserteurs allemands et de juifs.

Les Allemands se méfient du SNS, notamment le lieutenant-colonel Von Passow, chargé d'une enquête sur lui dès mars 1943 ; ils redoutent la préparation, par ses services, des outils d’une mobilisation rapide[43]. La Gestapo surveille René Carmille pour ses activités résistantes (fourniture de faux papiers et distribution d'argent aux maquis) ; en témoigne la déposition du Sonderführer Walter Wilde, fait prisonnier en [44]. Et elle démantèle le réseau Marco Polo lors du coup de filet du [45]. Toujours est-il que le à midi, René Carmille est arrêté à Lyon, avec son chef de cabinet Raymond Jaouen. Désigné comme « grand ennemi de l'armée allemande, ayant entretenu des relations avec Londres et aidé des groupes terroristes », il est conduit à l'hôtel Terminus où il est interrogé par Klaus Barbie, qui le torture deux jours durant. Il est interné à la prison Montluc, où il reste quatre mois, jusqu'à ce que Klaus Barbie fasse transférer les deux prisonniers à Compiègne. De là ils partent pour Dachau par le Train de la mort des 2-, un des derniers convois de déportés[46]. Jaouen meurt étouffé pendant le trajet, Carmille meurt du typhus le .

Prolongements et controverses

modifier

Le numéro de sécurité sociale

modifier

En trois ans Carmille a doté la France d'un service de statistiques civiles performant, gérant des fichiers d’individus, d'entreprises et d'établissements, pratiquant sondages et enquêtes, recrutant à l'École polytechnique des cadres qui prêtent serment de respecter un secret professionnel strict, disposant d’une École d’application, qui deviendra l'ENSAE en 1962. En , la rubrique « race » est annulée sur tous les documents détenus par le Service national des statistiques. En , la première composante du numéro d'identification est définitivement limitée au sexe : 1. masculin 2. féminin.[réf. nécessaire]. L'obligation de déclaration de changement de domicile fut abolie[47].

Selon le témoignage de Pierre Laroque , « lorsqu'a été entrepris le travail préparatoire du Plan français de sécurité sociale, à l'automne 1944, le numéro d'identité de M. Carmille était déjà bien implanté et a été considéré tout naturellement comme devant devenir le numéro de sécurité sociale en accord avec l'INSEE (sic). En tout état de cause l'élaboration de la législation sur la sécurité sociale a abouti aux ordonnances de base d' et à l'entrée en application du régime nouveau le . J'ai toute raison de penser qu'à ces diverses dates le nouveau numéro de sécurité sociale, substitué au numéro ancien des assurances sociales, était adopté sans contestation par qui que ce soit. » Cette affectation à la sécurité sociale était providentielle. Au lieu de servir à une contrainte comme le service militaire ou la déclaration de revenus, le numéro Carmille recevait un usage apprécié de la population à qui il permet de faire valoir ses droits à prestations, pensions et remboursements variés.

En , le SNS devient l'Insee, qui utilise le numéro pour la gestion des listes électorales et se charge, en , de la notification à la sécurité sociale du numéro d'identification.

Projet Safari

modifier

En 1971, l'Insee décida de centraliser les répertoires d'identification à Nantes[48]. Le projet fut baptisé « Safari » (Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus). En , l'administration prévoit de cumuler la centralisation du répertoire de l'Insee à Nantes avec celle du fichier national des assurés (avec l'adresse) de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) à Tours. D'éventuelles utilisations abusives de l'interconnexion des fichiers font discrètement débat[49], jusqu'à ce que, le Le Monde dénonçe une fusion éventuelle des fichiers d'état civil avec les fichiers de police du ministère de l'Intérieur, sous le titre « Safari ou la chasse aux Français »[50]. Dans la campagne passionnelle qui s’ensuivit, d’aucuns firent état de prétendues utilisations du numéro Carmille, « créé par Vichy », pour la chasse aux juifs, aux résistants, aux réfractaires au STO, etc.

Le calme ne revint qu'avec le vote de la Loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, créant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)[51]. L'article 18 de la loi dispose en particulier que « l'utilisation du répertoire national d'identification des personnes physiques en vue d'effectuer des traitements nominatifs est autorisé par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission. » La CNIL considère que « l'utilisation du numéro de sécurité sociale [équivaut] à l'utilisation du RNIPP »[52].

Rapport Rémond

modifier

En 1991, Serge Klarsfeld ayant découvert le fichier de police ayant servi à la persécution des Juifs en 1941 dans les archives du secrétariat d'État aux Anciens Combattants, l'Insee fut accusé d’avoir conservé des codifications raciales dans le 1er chiffre du numéro de sécurité sociale. Cette mise en cause aboutit au rapport de René Rémond, missionné par Jack Lang, rapport qui amalgamait[53] le SNS aux autres administrations du régime de Vichy et faisait de René Carmille un maréchaliste convaincu, adhérant à l'idéologie du régime. Ce qui ne satisfaisait ni l'Insee, ni Robert Carmille, fils de René. Tandis que celui-ci diffusait une brochure de protestation[54], le Directeur général de l'Insee demandait au principal rédacteur du rapport Rémond, Jean-Pierre Azéma, de diriger une mission chargée d'un nouveau rapport[55].

Azéma et les « vichysto-résistants »

modifier

Or, Azéma concluait à son tour que le SNS n'avait pas été un organisme résistant, et qualifiait d'invérifiables les consignes orales de sabotage alléguées par Robert Carmille[56]. Dans le même temps qu'il s'intéressait à Carmille, il témoignait au procès de Maurice Papon (-) ; il y opposait les "vichysto-résistants" qui avaient « commencé par Vichy mais se sont rendu compte de leur aveuglement et qui ont choisi une autre voie », pour les opposer au « vichysto-vichyste » Papon. Plus tard, une de ses thésardes, Johanna Barasz, approfondit cette catégorie dans laquelle figurait Carmille[57] :

« (...) il y eut bien dans la Résistance active des hommes qui (...) ont été des soutiens effectifs de l’État français (...) Pour les premières années de l'Occupation, le général de La Laurencie, le colonel Groussard, le commandant Loustaunau-Lacau et le noyau initial d'Alliance, le général Cochet (...). Autre vivier manifeste de vichysto-résistants, les services de renseignement de Vichy, officiels ou camouflés comme les services du colonel Paillole , ainsi que les groupes de militaires qui, autour de l'état-major de l'Armée d'armistice, organisèrent en zone nord les Groupes d'autodéfense (gad) ou couvrirent les activités officieuses du colonel Mollard et de son service de Camouflage du matériel ainsi que celles du contrôleur général Carmille dont les statistiques devaient permettre la préparation d’une mobilisation secrète. Vinrent plus tard Dunoyer de Segonzac et son équipe d'Uriage, les prisonniers de guerre dont François Mitterrand prit la tête, et bien sûr l'Organisation de résistance de l'armée (ORA). Cette seconde génération de « vichysto-résistants » (...) côtoya la résistance se réclamant du général Giraud. »

Sur les « vichysto-résistants », voir aussi le livre de Bénédicte Vergez-Chaignon[58].

IBM et l'Holocauste

modifier

En parut en France le livre d’Edwin Black, IBM et l'Holocauste. Le chapitre 11, intitulé « La France et la Hollande », compare l'utilisation systématique des machines de la Dehomag en Hollande, où la proportion de Juifs assassinés fut de 73 %, à la pagaille des fichiers manuels utilisés en France, accentuée, dit-il, par le refus de Carmille d'utiliser ses machines Bull pour identifier les Juifs, où cette proportion fut d'environ 25 %. Black cite in extenso, p. 371, la lettre du où Carmille fait des offres de service à Xavier Vallat. Il conclut : « René Carmille (...) fut honoré à titre posthume pour ses hauts faits patriotiques, mais l'exploit qu'il a accompli en limitant spectaculairement le nombre des victimes juives en France n'a jamais été véritablement reconnu. Il a même été, parfois, contesté » (p. 382).

L'accueil des spécialistes fut froid[59]. Dans sa critique[60], Annette Wieviorka écrit : « On comprend mal d’abord l’accumulation d’erreurs factuelles grossières. (...) Sur Carmille, Black n’apporte aucun élément nouveau. Alors que l'homme est controversé (...), Black en fait un personnage jouant double jeu. Il aurait proposé ses services à Vichy en pour tromper l’ennemi. Il n'aurait jamais eu l'intention de livrer les Juifs. Black attire à nouveau l'attention sur un homme qui mériterait une vraie biographie. En revanche, nul ne peut admettre une conclusion qui gomme l'ensemble des facteurs historiques capables de rendre compte du sort contrasté des Juifs de France et des Juifs hollandais. » L'amalgame de Black est en somme inverse de celui d'Azéma. Celui-ci accuse Carmille d'avoir facilité indirectement les rafles et déportations de Juifs, Black l'honore pour avoir « limité spectaculairement le nombre des victimes juives en France ». René Carmille a certainement sauvé les juifs et résistants à qui il a fourni de fausses cartes d’identité en 1943. Mais en 1942, son sabotage avéré du dépouillement mécanographique du CGQJ n'a empêché que des spoliations, non des arrestations.

Mais la thèse de Black fit son chemin outre-Atlantique, où Carmille est désigné comme le First Hacker dans une vidéo YouTube[61], un article de revue[62], et comme A Quiet Hero dans le roman de Dwight Harshbarger[63].

Articles et ouvrages

modifier

Hommages

modifier

Voir aussi

modifier

Articles connexes

modifier

Bibliographie

modifier

[1]

Vidéographie

modifier

Notes et références

modifier
  1. « https://francearchives.fr/fr/file/ad46ac22be9df6a4d1dae40326de46d8a5cbd19d/FRSHD_PUB_00000355.pdf »
  2. Michèle Tribalat, Statistiques ethniques, une polémique bien française, L'artilleur, (ISBN 978-2-8100-0690-8, lire en ligne)
  3. Olivier DARRIEULAT : Le ministère de la Guerre et la mécanographie dans les années 1930 : entre la nécessité de soutenir la Compagnie des machines Bull et le besoin de solutions compétitives; Voir aussi la thèse de Paulette Richomme, Une entreprise à l'épreuve de la Guerre et de l’Occupation, « La Compagnie des machines Bull » 1939-1945, Université Paris X Nanterre, 2006-2007 [PDF] feb-patrimoine.com, Tome 1 feb-patrimoine.com, Tome 2.
  4. René Carmille, La Mécanographie dans les administrations, Recueil Sirey, Paris, 1936.
  5. Sur l'intérêt croissant de René Carmille pour la mécanographie, Fabrice Bardet, La statistique au miroir de la région : Eléments pour une sociologie historique des institutions régionales du chiffre en France depuis 1940 (thèse Science politique. Paris 1 - Panthéon-Sorbonne), Paris, (lire en ligne), p. 59-63.
  6. Sous une forme légèrement différente, l'idée sera reprise par l''Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) en 1970 avec le Projet SAFARI, qui sera abandonné en 1978 à la suite de l'adoption de la Loi Informatique et Libertés.
  7. « CHM Revolution », sur www.computerhistory.org (consulté le )
  8. a b et c Carmille 2000.
  9. Carmille entretiendra des contacts permanents avec le colonel Rivet assisté par le commandant Paillole, ainsi qu'avec les dirigeants du SR Guerre (lieutenant-colonel Perruche) et du SR Air (colonel Ronin). Le commandant Émile Mollard est parallèlement chargé du camouflage du matériel militaire (CDM).
  10. Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, tome 1, L’Appel, Plon, 1954, pp. 128 et 229. Les généraux Frère et Verneau seront les deux premiers chefs de l'Organisation de résistance de l'Armée
  11. Colonel A. de Dainville : L'ORA : La Résistance de l'Armée, 1974
  12. Histoire de la Compagnie des Machines Bull 1941-1947
  13. Piazza, §41, et note 34
  14. Voir à ce sujet Claude Poulain : "SAFARI a existé de 1941 à 1944", Terminal, n° 132-133 |2022
  15. Xavier Jacquey, p. 14-15 et note 17. Sur le refus d'étendre le recensement AP à la zone occupée, voir les p. 18 à 21.
  16. Le décret no 2275 du 27 mai 1941 relative au recensement des personnes des deux sexes nées entre le 1er janvier 1876 et le 31 décembre 1926 (JOEF du 31 mai 1941, pages 2265 et 2266), est uniquement signé par le maréchal de France, chef de l'État, Philippe Pétain, l'amiral de la flotte, ministre de l'Intérieur, François Darlan, et le ministre à l'Économie et aux Finances, Yves Bouthillier.
  17. Loi du 27 octobre 1940 instituant la carte d’identité de Français (JORF du 20 novembre 1940, pages 5740 et 5741)
  18. Piazza, Document 4
  19. Tal Bruttman : Au bureau des Affaires juives. L'administration française et l'application de la législation antisémite (La Découverte 2006) p. 76 : « Il n’a été trouvé aucune circulaire du ministère de l'Intérieur faisant de la « qualité de Juif » un élément de l’état civil. » La note 17 ajoute : « Le Service national des statistiques (SNS) a rapidement intégré, dès juin 1941, dans ses formulaires d’enquêtes la « race » parmi les informations sur la nationalité à collecter. Mais il ne s’agit pas d'instructions aux forces de l'ordre ».
  20. Sur les réserves d'Alfred Sauvy, alors sous-directeur de la SGF, voir Xavier Jacquey, note 3, p. 6
  21. "A propos d'un anniversaire", note ronéotée d'André Caffot référencée par Piazza, note 29
  22. Voir le compte-rendu du général Zeller de mai 1945, cité dans Xavier Jacquey, note 36, p. 32-33
  23. Paxton 2005, p. 319-320.
  24. Piazza §§ 27 et 28
  25. Notice du 6 novembre 1941 Piazza §§ 17 et 18
  26. Piazza §§ 14 et 15 et Document 8
  27. Le 25 juillet 1942, une circulaire du SNS sur la "situation numérique par nationalité des juifs résidant en France" fait savoir aux préfets que "les résultats du recensement des juifs effectué en juin-juillet 1941 ne sont pas encore connus," que les bulletins sont souvent établis "de très mauvaise foi" et nécessiteraient des "recherches longues et minutieuses". Cité dans Jean-Louis Issartel : "Le recensement des Juifs sous Vichy" Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, n° 157, 15 février 2023, p.70
  28. Raphael Spina : Histoire du STO, Perrin 2017, chap. 5, §16
  29. Jorris Alric, « L’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA) », La Revue d'Histoire Militaire,‎ (lire en ligne).
  30. Paxton 2005, p. 331.
  31. Cette visite (mais non sa date) est attestée par la déposition au procès Pétain (8 août 1945) du Général Campet, chef de son cabinet militaire. Le nom de Carmille a été estropié par le sténographe en "Verminy".
  32. Xavier Jacquey De la statistique au camouflage. Une administration résistante", note 51, p. 42
  33. Le CFLN, procédant à l'épuration des collaborateurs, obtient son départ le 3 juin. Il sera arrêté le 22 décembre 1943. Inculpé d'« actes susceptibles de nuire à la défense nationale », pour lesquels la peine maximum prévue par le code pénal est de cinq ans de prison, il ne sera libéré qu'en juin 1948. Mais il sera acquitté par la Haute Cour le 22 décembre 1948.
  34. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Éditions Odile Jacob, , 417 p. (présentation en ligne).
  35. Geneviève Dermenjian : Les Juifs d’Algérie pendant la Seconde Guerre mondiale (1940-1943). Presses universitaires de Provence, 2018
  36. Voir Situation politique en Afrique libérée (1942-1943)
  37. Mémorial de la Shoah, Espace pédagogique.
  38. Cité dans Bardet 2000, p. 110.
  39. Réseau créé par Pierre Sonneville en novembre 1942, dirigé ensuite par Paul Guivante, dit Saint Gast, puis par René Pellet.
  40. Sur Caffot, voir Xavier Jacquey, note 29, p. 26
  41. Piazza, §35, et note 29. Il est question de cette mission dans le rapport qu'« Octave » (René Pellet) fait au BCRA de Londres en octobre 1943. Voir Régis Le Mer, Jacques Pellet : René et Marguerite Pellet, de la pédagogie à la résistance. Réseau Marco-Polo, Lyon, 1942-1944, Éditions Tirésias, coll. « Ces oubliés de l'histoire », , p.339.
  42. Ariège, Bouches-du-Rhône, Eure, Gard, Haute-Garonne, Hautes et Basses-Pyrénées, Hérault, Pyrénées-Orientales, Seine inférieure, Somme et Paris. Pierre Piazza, La carte d'identité sous Vichy, 2006.
  43. Bardet 2000, note 53, p. 112.
  44. Déposition du Sonderführer Walter Wilde.
  45. Le Mer 2018, p. 221-223.
  46. Dans les listes de déportés, Carmille porte le prénom de « Léon ».
  47. Après guerre, il fut apposé au dos de la carte nationale d'identité la mention : « Le changement de domicile dont la déclaration n'est en aucun cas obligatoire, est mentionnée sur demande faite au Commissariat de police ou, à défaut, au Maire du nouveau domicile. »
  48. Jacques Desabie, « L'Insee entreprend d'automatiser le répertoire des personnes », Économie et Statistique, no 10, 1970
  49. Jean-Pierre Clerc, « Les Français en fiches », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  50. [PDF]Philippe Boucher, « Safari ou la chasse aux Français », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  51. Sur le projet Safari et la création de la CNIL, voir les deux articles de Claude Poulain dans Terminal
  52. Voir Michèle Tribalat, Statistiques ethniques, une querelle bien française, L'Artlleur, 2016, chap. I : "Débats qui ont entouré la création de la CNIL. Du fichier Safari... au fichier juif", p. 21-62
  53. Voir par exemple : Eric Conan Les fichiers de la honte, L'Express, 4 juillet 1996
  54. Des apparences à la réalité : le "fichier juif". Rapport de la commission présidée par René Rémond au Premier ministre : Mise au point par Robert Carmille., brochure mise en ligne en 2008, après la mort de Robert Carmille
  55. Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay], Mission d'analyse historique sur le système de statistique français de 1940 à 1945 (Ronéoté). Ce rapport n'a jamais fait l'objet d'une publication officielle
  56. « Un rapport s'interroge sur le rôle de la statistique sous Vichy », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  57. Barasz, Johanna. « De Vichy à la Résistance : les vichysto-résistants 1940-1944 », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 242, no. 2, 2011, pp. 27-50.
  58. Bénédicte Vergez-Chaignon, Les vichysto-résistants de 1940 à nos jours, Paris, Perrin, , 775 p. (présentation en ligne). Édition revue et augmentée : Les vichysto-résistants, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 655), , 910 p.. Dans la présentation de l'éditeur sont énumérés le Maréchal de Lattre, Marie-Madeleine Fourcade, Pierre Bénouville, Henri Frenay, André Bettencourt, Maurice Clavel, François Mitterrand
  59. Pour une comparaison chiffrée des déportations de Juifs "depuis la France, les Pays-Bas et la Belgique", voir Laurent Joly, L'État contre les Juifs, Grasset 2018, p. 217
  60. « Un beau sujet gâché », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  61. « Interregnum | the first hacker » (consulté le )
  62. (en) « The Institute - IEEE Spectrum », sur spectrum.ieee.org (consulté le )
  63. A Quiet Hero A Novel of Resistance in WWII France, Mascot Books,2019
  64. « À proximité - Le Mont Valerien, haut lieu de la mémoire nationale », sur www.mont-valerien.fr (consulté le )
  65. « Contrôleur Général CARMILLE », sur www.guer-coetquidan-broceliande.fr (consulté le )
  66. « Chronique seynoise », sur jcautran.free.fr (consulté le )

Liens externes

modifier