Pierre-Henri Teitgen
Pierre-Henri Teitgen, né le à Rennes (Ille-et-Vilaine) et mort le à Paris[1], est un juriste, professeur, résistant et un homme politique français.
Il est considéré comme l'une des plus importantes figures de la démocratie-chrétienne française de l'après-guerre.
Biographie
modifierJeunesse et études
modifierPierre-Henri Teitgen est le fils d'Henri Teitgen, ancien rédacteur en chef du quotidien régional L'Ouest-Éclair. En 1934, Il soutient sa thèse de doctorat à Nancy sur la police municipale sous la direction du Doyen Louis Trotabas, « thèse pionnière » dans le droit administratif[2]. La même année, il est nommé Professeur après sa réussite au concours d’agrégation de droit public dont il est reçu premier par le jury présidé par Achille Mestre. À 26 ans, il est alors le plus jeune agrégé de France[2].
Parcours
modifierIl est, avec François de Menthon, à l'origine de la création de la Revue Droit social éditée à partir de 1938[2].
Fait prisonnier de guerre en 1940, il s'évade et se replie en zone libre, à Montpellier. Depuis Montpellier il distribue le journal Vérités et contribue à la création de réseaux de résistance.Il se lie d'amitié avec Pierre Dumas (homme politique, 1891-1968)
Avec son père et deux personnalités historiques de la démocratie chrétienne, Georges Bidault et François de Menthon, il crée en 1942 le réseau Liberté, qui deviendra Combat[2]. Il joue un rôle important dans la Résistance en devenant la même année le secrétaire général du Comité général des études, groupe d’experts chargé au nom du général de Gaulle de préparer les mesures immédiates à prendre dès la libération du territoire[2].
En 1943, il est révoqué de son poste de professeur à la Faculté de droit de Nancy par le gouvernement de Vichy[2].
À partir de 1944, il exerce les fonctions d'adjoint d'Alexandre Parodi, le délégué général du Comité français de libération nationale. Le , il est arrêté par la Gestapo, torturé et envoyé en Allemagne par convoi ferroviaire dont il parvient à s'évader en [2].
Ministre de l'Information, il est chargé en 1944 par le général de Gaulle de trouver un directeur pour la reprise du journal Le Temps qui, victime de l'ordonnance du 30 septembre 1944 sur les titres ayant paru sous l'Occupation, a vu ses locaux réquisitionnés et son matériel saisi. Il sollicite Hubert Beuve-Méry, résistant et ancien journaliste du Temps et lui propose de s'installer dans les locaux du journal, 5 boulevard des Italiens, et de lancer un grand quotidien national d'information, le journal Le Monde[3]. Par ailleurs, il travaille dès avril 1944 à l'élaboration d'une circulaire pour bâtir le monde de l'information d'après-guerre, appelée Cahier Bleu[4].
Élu député MRP d'Ille-et-Vilaine de 1945 à 1958, il est nommé le ministre de la Justice et chargé de l'épuration administrative[2]. Le , il nomme ainsi le malouin Edmond Miniac avocat général à la chambre sociale de la Cour de cassation.
Il fait partie de l'aile gauche du Mouvement républicain populaire[5], parti d'inspiration démocrate-chrétienne qu'il préside de à [6]. À l'issue de sa présidence, il remet, au XIIe congrès du parti, à Montrouge, un rapport soutenant la politique répressive de Robert Lacoste en Algérie. Lors de son discours, il compare le nationalisme arabe au nazisme et tout compromis avec le FLN aux accords de Munich[7].
Il siège également à l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier dès 1952.
Il est cité comme membre de la Fondation culturelle bretonne en 1957[8].
Il est de nombreuses fois ministre dans les gouvernements de la IVe République. Bien que membre du Comité consultatif constitutionnel en 1958[9], il devient critique à l'égard de la politique de Charles de Gaulle. Il soutient la tentative de candidature de Gaston Defferre à l'élection présidentielle de 1965.
Il est nommé professeur de droit à la faculté de Rennes, puis à Paris[9].
En mai 1976, il participe a un débat télévisé faisant suite à la diffusion d'un documentaire sur Pétain dans Les Dossiers de l'écran, sur Antenne 2, où défenseurs de Pétain et résistants sont opposés[10]. D'après l'historien Laurent Joly, cette émission constitue un point de bascule dans l'évolution de la mémoire collective française sur la période de la Collaboration[10]. Il pointe en particulier la prise de parole de Teitgen « ému aux larmes » qui insiste sur la responsabilité de Vichy dans le sort des Juifs de France pendant la Guerre et notamment la déportation des enfants juifs, face à l'avocat de Pétain, Jacques Isorni, qui « perd de sa superbe »[10],[11].
En septembre 1976, il est nommé juge à la Cour européenne des droits de l'homme[9].
Vie privée
modifierIl est le frère de Paul Teitgen, résistant et secrétaire général de la police française à Alger pendant la guerre d'Algérie, et aussi le père de Francis Teitgen et de Pierre Yves qui fut directeur juridique du Figaro. Son épouse, née Jeanne Fonlupt le , est décédée à Saint-Palais (dans les Pyrénées-Atlantiques) le à 90 ans.
Fonctions gouvernementales
modifier- Ministre de l'Information du gouvernement Charles de Gaulle (1) (du au )
- Ministre de la Justice du gouvernement Charles de Gaulle (1) (du au )
- Ministre de la Justice du gouvernement Charles de Gaulle (2) (du au )
- Ministre de la Justice du gouvernement Félix Gouin (du au )
- Ministre de la Justice du gouvernement Georges Bidault (1) (du au ), il a pour mission l’organisation des procès des partisans de Vichy et des collaborateurs avec l'occupant allemand
- Ministre d'État, Vice-président du conseil du gouvernement Paul Ramadier (1) (du au )
- Ministre des Forces armées du gouvernement Paul Ramadier (2) (du au )
- Ministre des Forces armées du gouvernement Robert Schuman (1) (du au )
- Vice-président du conseil du gouvernement André Marie (du au )
- Ministre d'État chargé de l'Information du gouvernement Georges Bidault (2) (du au )
- Vice-président du conseil du gouvernement Joseph Laniel (1) du au
- Ministre de la France d'Outre-mer gouvernement Edgar Faure (2) (du au )
Décorations
modifier- Grand officier de la Légion d'honneur
- Compagnon de la Libération par décret du 27 août 1944[12]
- Grand-croix de l'ordre national du Mérite
- Croix de guerre – (2 citations)
- Médaille de la Résistance française avec rosette par décret du 31 mars 1947[13]
- Médaille des évadés
Publications
modifier- L'application du Droit communautaire par les juridictions françaises, Bruxelles, 1965
- Cours de droit administratif européen, Paris, 1970
- Cours de droit institutionnel communautaire. Structure et fonctionnement des communautés, Paris, 1976
- Origines, objectifs et nature des communautés européennes, Paris, 1978
- Faites entrer le témoin suivant, 1940-1958, de la Résistance à la Ve République, Ouest-France, 1988, 583.p. (ISBN 2737301491)
Notes et références
modifier- Insee, « Extrait de l'acte de décès de Pierre-Henri Teitgen », sur MatchID
- Renaudie 2015, p. 233-241.
- « Un nouveau journal paraît, Le Monde, sous la direction d'Hubert Beuve-Méry », sur Gouvernement.fr (consulté le )
- Yves Guillauma, « Les quotidiens de transition à la Libération », Le Temps des Médias, no 8, , p. 193 (lire en ligne)
- Christiane Rimbaud, Pinay, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-00689-1, lire en ligne), chap. V (« Le temps des succès »), p. 134
- Paul Galliano, La France de la Quatrième République, 1945/1958, , 256 p., p. 243
- Jean-Yves Bernard, La genèse de l’expédition franco-britannique de 1956 en Égypte, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Internationale », , 414 p. (ISBN 978-2-85944-479-2, OCLC ocm53803203, lire en ligne), p. 325
- « 1991.6.4. Journée de la langue bretonne - 30 mai 1957 Musée départemental breton », sur musee-breton.finistere.fr (consulté le )
- Nicole GAUTHIER, « Mort de l'ancien ministre Pierre-Henri Teitgen. Unefigure démocrate-chrétienne de la IVe République. », sur Libération (consulté le )
- Béatrice Bouniol, « « En 1976, Pétain est devenu indéfendable » », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- Émission des Dossiers de l'écran du 25 mai 1976
- « Pierre-Henri TEITGEN », sur Musée de l'Ordre de la Libération (consulté le )
- « - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Olivier Renaudie, « Pierre-Henri Teitgen, un grand Professeur de la Faculté de droit de Nancy », Civitas Europa, IRENEE (Institut de recherches sur l'évolution de la nation et de l'État), no 35, , p. 233-241 (ISSN 1290-9653, e-ISSN 2496-4514, lire en ligne).
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Ressources relatives à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Biographie sur le site de l'Ordre de la Libération