Oxygène noir
L'oxygène noir est de l'oxygène moléculaire (O2) présent dans les profondeurs des océans, à des profondeurs où la lumière ne peut pas pénétrer, éliminant ainsi la possibilité d'une origine photosynthétique. Ces conditions expliquent le nom d'oxygène noir (dark oxygen en anglais).
Selon l'explication avancée par les découvreurs, l'oxygène noir est produit par des nodules métalliques dans les zones océaniques profondes en dessous de 4000 mètres. Il résulterait de l'électrolyse de l'eau de mer, la dissociation de l'oxygène et de l'hydrogène en présence d'un courant électrique.
Cette découverte remet en question la théorie bien établie selon laquelle tout l’oxygène moléculaire a été initialement généré par la photosynthèse.
Découverte
modifierDécouverte et publication
modifierAndrew Sweetman est un océanographe britannique dirigeant le groupe de recherche Seafloor Ecology and Biogeochemistry de la Scottish Association for Marine Science (SAMS)[1]. Spécialiste de la biodiversité et de l'écologie du plancher océanique, il étudiait la zone Clarion-Clipperton (CCZ), un secteur de plaine abyssale situé dans l'Océan pacifique entre Hawaï et le Mexique, lorsque son équipe a fait la découverte, annoncée en 2024.
L'étude a été publiée dans la revue Nature Geoscience le 22 juillet 2024[2], et l'information a été abondamment reprise dans le monde entier, tant dans la presse de vulgarisation scientifique que dans les médias généralistes[3],[4],[5],[6].
Les données ont été recueillies sur les fonds marins (in situ) par l'installation sur plusieurs sites de la CCZ situés entre 5200 m et 4100 m de profondeur de chambres benthiques, des sortes de cloches permettant de mesurer les flux gazeux. Les mêmes mesures ont ensuite été menées en laboratoire à bord du navire océanographique (ex situ), dans un environnement reconstitué à partir de nodules remontés. La teneur en oxygène a été mesurée par deux méthodes, des capteurs optodes à oxygène et un titrage de Winkler effectué à intervalles réguliers[7].
Processus chimique
modifierLe processus hypothétique décrit pour produire de l’oxygène sombre est connu sous le nom d’électrolyse de l’eau de mer. Dans ce processus chimique, une différence de potentiel de seulement 1,5 V suffit pour séparer l'hydrogène et l'oxygène par électrolyse. La tension la plus élevée observée lors de l'expédition était de 0,95 V, mais l'hypothèse de travail est que l'eau de mer et les métaux rares présents dans les profondeurs océaniques agissent comme une pile électrique d'origine chimique[8],[9]. L'étude publiée dans Nature Geoscience n'aborde pas la raison pour laquelle la pile ne s'épuise pas ni les contraintes thermodynamiques telles que l'identification de la ou des sources d'énergie requises pour alimenter une électrolyse permanente.
Implications
modifierL'implication de la production d'oxygène sombre par électrolyse remet en question les théories et modèles actuels du développement de la vie biologique sur Terre. Jusqu’à présent, toutes ces théories supposaient que l’oxygène moléculaire était entièrement produit par la photosynthèse des plantes et des algues[10],[11].
D'un point de vue environnemental, la détection de l'oxygène noir pourrait aggraver les risques de dégâts causés par les projets d'exploitation minière des fonds marins[12]. Ces projets encore peu régulés sont normalement sous l'autorité de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). L'un des industriels engagés dans ces projets, The Metals Company, a sévèrement critiqué l'étude menée par Andrew Sweetman, ce à quoi il a rédigé une réponse détaillée précisant les méthodes utilisées et réaffirmant leur robustesse[13].
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- (en) [vidéo] SAMSmarinescience, « Discovering Dark Oxygen - How oxygen is produced in the deep sea », sur YouTube,
Notes et références
modifier- « Sweetman, Professor Andrew K — Scottish Association for Marine Science, Oban UK », sur www.sams.ac.uk (consulté le )
- (en) Andrew K. Sweetman, Alycia J. Smith, Danielle S. W. de Jonge et Tobias Hahn, « Evidence of dark oxygen production at the abyssal seafloor », Nature Geoscience, , p. 1–3 (ISSN 1752-0908, DOI 10.1038/s41561-024-01480-8, lire en ligne, consulté le )
- « Des scientifiques découvrent un étonnant "oxygène noir" dans les abysses de l'océan Pacifique », sur Franceinfo, (consulté le )
- Nelly Lesage, « Quel est cet étrange « oxygène noir » découvert dans les abysses du Pacifique ? », sur Numerama, (consulté le )
- « Exploration sous-marine : l’oxygène noir éclaire les abysses », sur France Culture, (consulté le )
- « De l'« oxygène noir » produit dans les abysses », sur Les Échos, (consulté le )
- (en) Andrew Sweetman, « Data from replicate benthic chamber experiments conducted at abyssal depths across the Clarion Clipperton Zone (CCZ), Pacific Ocean », sur Dryad,
- (en) Hunt, « Scientists discover 'dark' oxygen being produced more than 13,000 feet below the ocean surface », CNN, (consulté le )
- (en) Parshall, « Bizarre Mineral Clumps Make 'Dark Oxygen' on Deep Seafloor », Scientific American (consulté le )
- (en-GB) « Dark oxygen made by deep sea 'batteries' », www.bbc.com (consulté le )
- (en) Sascha Pare, « Discovery of 'dark oxygen' from deep-sea metal lumps could trigger rethink of origins of life », livescience.com, (consulté le )
- Reporterre, « « Oxygène noir » : une découverte cruciale pour la protection des abysses », sur Reporterre, le média de l'écologie - Indépendant et en accès libre, (consulté le )
- (en) Andrew Sweetman, « Prof Andrew Sweetman response to The Metals Company statement 23/07/24 », sur Politico Pro,