Murderabilia
Les murderabilia, mot-valise forgé à partir des termes latin memorabilia (« souvenirs ») et anglais murder (« meurtre »), désignent des objets liés à des meurtriers, notamment les tueurs en série et les tueurs de masse, marchandisés principalement sur des sites internet dévolus à ce type de commerce. Ce terme est inventé par Andy Kahan, directeur du bureau du maire pour les victimes d'actes criminels à Houston, qui se bat contre le commerce des murderabilia[1].
Ce marché concerne aussi bien des objets commercialisés représentant le tueur ou la scène de crime (T-shirts, cartes à jouer, magazines, calendriers, figurines, site web, pierre tombale ou motte de terre du jardin où le tueur a enterré ses victimes, etc.) que des objets appartenant au criminel ou créés par lui (photos, vidéos, lettres, dessins, œuvres d'art, autographes[2]). Les objets personnels sont notamment des bijoux, vêtements, voire des éléments corporels tels que des mèches de cheveux, rognures d'ongles... Les objets du premier type sont vendus sur des sites internet[3], les seconds sont achetés ou vendus via des ventes privées ou des enchères (site d'enchères en ligne[4], enchère judiciaire). Ce marché, initialement de niche, s'est développé dans les États-Unis à la fin des années 1990 avec le déploiement d'Internet[5].
Analyse sociologique du phénomène
modifierCertaines personnes vouent à ces objets une vénération qui peut procéder d'une pensée magique qui leur attribue des pouvoirs ou leur évoque des associations positives en les transportant dans un univers mental désirable, alors qu'ils devraient plutôt provoquer de l'aversion. Si l'on considère que le dégoût est un des mécanismes créés par la sélection naturelle pour maintenir l'homme à distance de ces objets ou de ces criminels[6], il est difficile d'expliquer pourquoi des objets utilisés, portés ou même touchés par ces meurtriers sont achetés par des collectionneurs. Les raisons de ce type d'achat peuvent être narcissiques (les collectionneurs pensent accéder à une certaine célébrité par l'acquisition de ces objets) ou financières (ils pensent pouvoir les revendre plus cher)[7].
Controverses
modifierEn , face à la pression médiatique, eBay interdit la vente d'articles de murderabilia, forçant cette industrie à devenir un marché de niche[8]. Un des principaux vendeurs de murderabilia sur eBay a alors lancé son propre site web, Supernaught[9], le premier de son genre destiné à la vente d'objets de collection liés à de vrais crimes. Un autre vendeur Todd Bohannon a créé le site d'enchères Murder Auction[10] en [11].
Aux États-Unis, les tableaux de tueurs en série tels que John Wayne Gacy, Wayne Henley ou Danny Rolling peuvent atteindre plusieurs milliers de dollars sur le Net, leur assurant un important salaire carcéral, si bien que certains États américains ont tenté d'enrayer ce phénomène. Le projet de loi fédérale du Texas vise à interdire les sites de murderabilia[12]. L'État de New York a adopté des lois, connues sous le nom de Son of Sam laws (en), qui prélèvent les profits que les criminels retirent de la commercialisation de leurs infractions et les reversent à un fonds destiné aux victimes, lois adoptées dans les années 1980 par 29 autres États américains. Cependant, ces lois n'interdisaient pas un tiers de vendre ce type d'articles et d'envoyer de l'argent ou des cadeaux pour les criminels emprisonnés[13]. De plus, en 1991, elles sont déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême des États-Unis car limitant la liberté d'expression protégée par le premier amendement[14].
En France, le phénomène est marginal mais certains comme l'écrivain Stéphane Bourgoin s'indignent par anticipation, considérant qu'il est « malsain et intolérable »[15], même s'il aura lui-même publié le recueil de peintures et de calligraphies Art Killer du tueur Danny Rolling.
Notes et références
modifier- (en) Hilary Hanson, « Murderabilia Has Andy Kahan, Victim Advocate, Up In Arms », sur Huffington Post,
- Redrumautographs.com
- www.serialkillercalendar.com, www.supernaught.com/
- (en) « True Crime Memorabilia / Supernaught », sur Supernaught (consulté le ).
- (en) Julie B. Wiest, Creating Cultural Monsters. Serial Murder in America, CRC Press, , p. 96
- (en) Valerie Curtis et Adam Biran, « Dirt, Disgust, and Disease : Is Hygiene in Our Genes ? », Perspectives in biology and medicine, vol. 44, no 1, , p. 17-31 (lire en ligne)
- (en) George E. Newman, Gil Diesendruck, Paul Bloom, « Celebrity contagion and the value of objects », Journal of Consumer Research, vol. 38, , p. 215-228 (DOI 10.1086/658999)
- (en) David Schmid, Natural Born Celebrities : Serial Killers in American Culture, University of Chicago Press, , p. 3
- www.supernaught.com/
- www.murderauction.com/
- (en) Hilary Hylton, « Cracking Down on "Murderabilia" », sur Time,
- Stéphane Bourgoin, Mes conversations avec les tueurs, Grasset, , p. 121
- Variations sur l'éthique, Publications Fac St Louis, , p. 437
- (en) Andrew Karmen, Crime Victims. An Introduction to Victimology, Cengage Learning, (lire en ligne), p. 404
- « Les fétichistes du crime ont leurs sites Internet », sur Le Parisien,
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Isabelle Horlans, L'amour (fou) pour un criminel, Paris, Le Cherche-Midi, , 208 p. (ISBN 978-2-7491-3527-4).
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier
- (en) Thomas Vinciguerra, « The ‘Murderabilia’ Market », sur The New York Times,