Algèbre tensorielle

En mathématiques, une algèbre tensorielle est une algèbre sur un corps dont les éléments (appelés tenseurs) sont représentés par des combinaisons linéaires de « mots » formés avec des vecteurs d'un espace vectoriel donné. Les seules relations de dépendance linéaire entre ces mots sont induites par les combinaisons linéaires entre les vecteurs.

Écriture générique d'un tenseur comme un mot
dont les lettres représentent des vecteurs.
Les lettres sont séparées par le symbole « ⊗ »
du produit tensoriel.

Si l'espace vectoriel sous-jacent est muni d'une base, son algèbre tensorielle s'identifie avec l'algèbre associative unitaire libre engendrée par cette base. Si cette base est finie, les tenseurs s'identifient avec des tableaux de coordonnées.

L'algèbre tensorielle permet d'étendre en morphismes d'algèbres toutes les applications linéaires d'un espace vectoriel vers les algèbres associatives unitaires. À ce titre, la construction de l'algèbre tensorielle sur un espace vectoriel est adjointe à gauche à l'oubli de la structure multiplicative.

Divers quotients de l'algèbre tensorielle constituent l'algèbre symétrique, l'algèbre extérieure

Construction mathématique

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Définition par l'algèbre libre

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Les sept mots de deux lettres ou moins
sur l'ensemble { }.
Le mot vide est noté « 1 ».

Un mot sur un ensemble est une suite finie d'éléments de cet ensemble, souvent notée sans séparateurs ni parenthèses. L'algèbre libre sur un ensemble   est l'espace vectoriel des familles presque nulles indexées par les mots sur  , muni de la multiplication induite par la concaténation. Chaque mot   est identifié avec la suite qui vaut 1 en   et 0 partout ailleurs.

La non-commutativité des lettres d'un mot empêche certaines simplifications usuelles comme dans l'égalité suivante :

 .

Il n'y a pas d'annulation de (− ) par (+ ), a contrario de l'identité remarquable valable pour les nombres réels ou complexes.

 
Exemple de relation linéaire entre deux éléments de l'algèbre tensorielle,
  est un scalaire et  ,   et   sont des vecteurs.

Pour définir l'algèbre tensorielle sur un espace vectoriel  , il suffit de considérer l'algèbre libre engendrée par tous les éléments de   puis de la quotienter par l'idéal bilatère engendré par les relations linéaires sur  . L'algèbre quotient est notée  . Dans ce cadre, les vecteurs servant de lettres dans chaque mot sont souvent séparées par le symbole du produit tensoriel, semblable à la croix de multiplication inscrite dans un cercle.

Construction par produit tensoriel

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On fixe un espace vectoriel   sur un corps  . Pour tout entier  , on considère la puissance tensorielle   (qui est le produit tensoriel sur   de   copies de  ). Par convention,  . Soit   l'espace vectoriel  . On peut munir   d'une structure de  -algèbre de la façon suivante :

1. Soient  . L'application  -linéaire canonique   induit par propriété universelle du produit tensoriel une application bilinéaire  . On notera l'image de   par  . Concrètement, si  [1] et  , alors

 .

2. On définit alors le produit   de   et   (avec  ) par :

 

On vérifie que cela définit bien une structure de  -algèbre, et on appelle   l'algèbre tensorielle de  .

Exemples

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Algèbre des polynômes non commutatifs à deux indéterminées   et  
sur un corps  .
  • Si   est un espace vectoriel de dimension 1 engendré par un élément  , l'algèbre tensorielle   s'identifie avec l'algèbre des polynômes à une indéterminée.
  • Si   est de dimension quelconque, tout choix d'une base sur   identifie son algèbre tensorielle avec l'algèbre des polynômes non commutatifs à indéterminées dans la base de  . Dans ce cas, les coefficients de ces polynômes constituent les valeurs de tableaux de coordonnées pour représenter chaque tenseur.

Propriétés

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Propriété universelle d'extension.
  • L'algèbre tensorielle   est une  -algèbre unitaire, non-commutative en général.
  • L'algèbre tensorielle est graduée par la longueur des mots. Chaque tenseur se décompose de façon unique en une somme de tenseurs homogènes, c'est-à-dire qui sont combinaisons linéaires de mots de même longueur. Ceci est une traduction de l'écriture de   comme somme directe des  ,  . Les tenseurs homogènes de degré   sont exactement les éléments de  . Les vecteurs de   sont donc les tenseurs homogènes de degré 1.
  • (Propriété universelle) Pour toute application linéaire   d'un espace vectoriel   vers une algèbre associative unitaire  , il existe un unique morphisme d'algèbres qui étende l'application   à l'algèbre tensorielle  . Concrètement, le morphisme envoie   sur  . Cette propriété caractérise l'algèbre tensorielle à isomorphisme unique près.

Applications : algèbres symétrique et extérieure

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L'algèbre symétrique sur un espace vectoriel   est le quotient de son algèbre tensorielle par l'idéal engendré par les commutateurs de la forme :

 .

Tout choix d'une base pour   identifie son algèbre symétrique avec l'algèbre des polynômes à indéterminées dans la base (i.e. à   indéterminées).

L'algèbre extérieure sur   est le quotient de son algèbre tensorielle par l'idéal bilatère engendré par les éléments de la forme :

 .

Généralisation : algèbre tensorielle d'un module

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Pour tout module   sur un anneau commutatif unitaire  , on construit de la même façon une  -algèbre unitaire graduée  . On a encore la propriété universelle qui caractérise l'algèbre tensorielle.

On définit encore l'algèbre symétrique   et l'algèbre extérieure   comme dans le cas des espaces vectoriels. L'image de   dans   (resp.  ) est la  -ième puissance symétrique   (resp.  -ième puissance extérieure  ) de  .

Lorsque   est libre,   est isomorphe à l'anneau des polynômes non-commutatif à coefficients dans   à indéterminées indexées par les éléments d'une base.

Soit   un homomorphisme d'anneaux commutatifs unitaires et notons   qui est un  -module par la multiplication à droite, alors   est canoniquement isomorphe à la  -algèbre  . Ceci est très utile pour appréhender la structure de   lorsque   n'est pas libre. Cette compatibilité avec l'extension de scalaires reste valable pour les algèbres et puissances symétriques et extérieures.

  1. On prendra garde que les éléments de   ne sont pas tous de cette forme en général. Ils sont des sommes finies de tels vecteurs.

Bibliographie

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