Albert Naud
Albert Léopold Naud, né le à Graves (Charente) et mort le à Paris 13e[1], est un journaliste, militant politique, avocat pénaliste et résistant français.
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Albert Leopold Naud |
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Biographie
modifierFils d'agriculteurs, Albert Naud suit les cours de l'École normale d'instituteurs de Ruffec, avant de gagner Paris[2]. Secrétaire administratif à la Chambre syndicale des raffineurs de sucre, il entre à la fin des années 1920 à L'Écho de Paris dont il est un rédacteur pendant quatre ans. Il fréquente le cours d'orateurs du Centre de propagande des républicains nationaux[3] d'Henri de Kérillis, chef des informations politiques de L'Écho de Paris, et devient dans les années 1930 l'un des principaux orateurs et l'une des plumes de ce Centre.
Ayant obtenu sa licence en droit, il devient avocat et s'inscrit au barreau de Paris en 1933, et plaide notamment pour des procès d'assises. Ce militant de la droite « nationale » plaide en faveur d'un déserteur de la Première Guerre mondiale en 1933[4]. Premier secrétaire de la Conférence des avocats du barreau de Paris en 1934-1935[5], il plaide en 1937 en correctionnelle pour Kerillis[6] et pour le colonel François de La Rocque[7].
Mobilisé en 1939, il est deux fois blessé pendant la bataille de France. Il reprend ses activités d'avocat en 1940 et entre tôt dans la Résistance. Il est arrêté et inculpé avec d'autres avocats pour propagande gaulliste en [8]. Il est emprisonné à la Santé pendant deux mois. Après le démantèlement de son premier réseau, il entre dans un autre groupe et participe au combat pour la libération de Paris[9].
À la Libération, il reprend son métier d'avocat. Il est avocat commis d'office de Pierre Laval en 1945, avec ses confrères Jacques Baraduc et Yves-Frédéric Jaffré, mais ils demandent à être déchargés de cette mission « pour protester hautement devant l'opinion, afin qu'elle sache que, dans une telle affaire, il y a des avocats sans dossier »[10]. Il s'en explique dans son livre Pourquoi je n'ai pas défendu Laval et dans un article au Monde en 1969[11]. Il est aussi l'avocat d'Henri Béraud[12] en 1944, de Louis-Ferdinand Céline de 1947 à 1951, d'Adrien Marquet et d'Henri Labroue en 1948[13], et défend également d'autres collaborateurs, pour la plupart condamnés à mort comme Robert de Beauplan, Mathilde Carré[14] ou trois anciens gardiens du camp de concentration de Natzweiler-Struthof en 1955[15]. Sa conférence sur le thème « la Justice partisane et l'amnistie » est interdite en 1949[16].
Il plaide parallèlement pour d'autres affaires qui ne sont pas liées à la guerre, comme dans celle impliquant Marc Fleurot, en 1950[17].
Il est membre du Conseil de l'ordre des avocats à la Cour de Paris. Élu en 1956, il est réélu en 1957 et 1958[18].
Il plaide ensuite dans plusieurs grands procès, notamment politiques, comme l'affaire Ben Barka : il y défend Ahmed Dlimi, directeur adjoint de la Sûreté marocaine, accusé d'avoir participé à l'organisation de l'enlèvement de Ben Barka[19]. Il participe à des procès criminels comme celui de Lucien Léger, qu'il défend en 1966[20], ou celui du truand Marcel Francisci[21]. Enfin, il s'investit dans des affaires de mœurs, comme celle impliquant Gabrielle Russier. Il sera d'ailleurs, par la suite, coscénariste de Mourir d'aimer, le film inspiré de cette affaire. Ces procès ne doivent pas faire oublier que Me Naud était d'abord un « civiliste à 90 % », selon ses propres dires[22].
Il se bat pour l'abolition de la peine de mort, par la publication de livres [23] et en militant dans plusieurs associations, l'Union pour la liberté en 1952[24], puis l'Association française contre la peine de mort[25]. Dans cette optique militante, il accepte, en 1968, de collaborer en tant que conseiller technique à un projet du jeune réalisateur Claude Lelouch. Le film, baptisé La Vie, l'Amour, la Mort, relate une enquête criminelle se concluant par une scène d'exécution capitale. Séduit par le naturel de Naud, Lelouch lui proposera à terme d'incarner l'avocat de la défense.
Il est candidat sans succès à l'Académie française, par deux fois, en 1968 et en 1975-1976[26].
En 1976, il témoigne dans le film documentaire Chantons sous l'Occupation d'André Halimi.
Henri Leclerc est son collaborateur pendant douze ans[27].
Il est fait citoyen d’honneur de Ruffec.
Œuvres
modifier- Pourquoi je n'ai pas défendu Pierre Laval, Paris : A. Fayard, 1948
- Peau d'orange ou l'école du soir, Grasset, 1951 (roman)
- Tu ne tueras pas, Paris, La Table ronde, 1963
- Contre la peine de mort, pendant de Pour la peine de mort de Jacques Charpentier (bâtonnier), Berger-Levrault, collection Pour ou contre, 1967
- L'Agonie de la peine de mort ?, Paris, La Table ronde, 1972
- Les défendre tous, Paris, Robert Laffont, 1973
Pour approfondir
modifierBibliographie
modifier- Frédéric Monnier, Lettres à son avocat. 118 lettres inédites à Me Albert Naud, notice biographique de Me Naud sur le site louisferdinandceline.free.fr
- Jean-Marc Théolleyre, « Du côté du faible, même assassin », Le Monde, (nécrologie)
- Emmanuel Pierrat, Quand les avocats font l'histoire. De l'Antiquité à nos jours, Albin Michel, 2022
Liens externes
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Notes et références
modifier- Insee, « Extrait de l'acte de décès de Albert Léopold Naud », sur MatchID
- « Albert Naud », sur academie-angoumois.org (consulté le ).
- Cf. ses mémoires, citées par Jean-Yves Boulic et Annick Lavaure, dans Henri de Kérillis, l'absolu patriote, Presses Universitaires de Rennes, 1997
- Le Populaire, 22 mars 1933, p. 1 et 2
- La France judiciaire, 31 juillet 1932, L'Écho de Paris, 11 juillet 1934, « À la conférence des avocats » (photographie)
- « L'organe officiel des soviets est condamné pour diffamation », Le Matin, 13 novembre 1937
- « Les procès intentés par le colonel de La Rocque », '’L’Ouest-Éclair, 22 décembre 1937
- « Des Degaullistes poursuivis », '’L’Ouest-Éclair, 24 janvier 1941, « L'affaire de distribution de tracts anglophiles. Silhouettes d'inculpés », Le Journal, 22 janvier 1941: la presse rappelle son passé au service du Centre de propagande
- Son premier réseau était le réseau « Temple de la Résistance » , fondé par l'avocat Pierre Weill-Curiel, envoyé en mission en France à l'été 1940. Il créa, au palais de justice un réseau qui compta parmi ses chefs d'autres avocats: Léon-Maurice Nordmann, Albert Naud, René-Georges Etienne, Robert Lacoste, Alexandre Mitterand : Le Monde, 19 octobre 1949.
- « La deuxième audience du procès Laval », Le Monde, 6 octobre 1945
- Le Monde, 10 juin 1969, Me Albert Naud, "J'aurais pu sauver Pierre Laval": « Commis d'office par le bâtonnier de l'époque pour assurer la défense de Pierre Laval, que je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vu ailleurs que sur les écrans des cinémas ; dont en outre je n'aimais pas la " politique " et par la personne de qui je n'étais pas attiré ; contre qui, enfin, je croyais avoir lutté durant l'occupation - j'avais pris ma tâche à cœur. J'avais d'un seul coup fait taire mes partis pris et mes hostilités, pour rechercher avec cet homme ce contact du cœur sans quoi aucune défense n'est possible. La chose avait été aisée : Laval était malheureux et séduisant. Sa solitude, ce sentiment intime qu'il avait d'être injustement traité, son désarroi indigné en face d'une juridiction conçue non pour juger mais pour tuer, ce vertige au bord d'une mort probable et apparemment ignominieuse, avaient, d'emblée, mêlé sa personnalité à la mienne ». Il a cependant plaidé lors de l'audience du 5 octobre, comme les deux autres avocats, demandant un complément d'information, rejeté par la Cour: Jean Galtier-Boissière, Journal 1940-1950, Quai Voltaire, 1992, p. 522, Déclaration de Me Naud et Baraduc du 30 octobre 1945 aux agences de presse étrangères. Cf. Fred Kupferman, Le procès de Vichy, Pucheu, Pétain, Laval, Complexe, 2006
- Le Monde, 4 janvier 1950, Jean Galtier-Boissière, Journal 1940-1950, Quai Voltaire, 1992, p. 299-300
- Le Monde, 5 janvier 1948, Le Monde, 16 octobre 1953, Le Monde, 7 décembre 1948
- Le Monde, 28 mai 1945, "Condamnation à mort du général Mangeot", Le Monde, 2 novembre 1945, "Jean Lousteau condamné à mort", Le Monde, 28 novembre 1945, "Robert de Beauplan condamné à mort", Le Monde, 20 janvier 1948, Le Monde, 10 janvier 1949, "Mathilde Carré condamnée à mort"
- Le Monde, 16 mai 1955, Le Monde, 19 mai 1955
- Le Monde, 26 février 1949
- Un ingénieur malor de l'école Centrale, accusé d'avoir assassiné son riche beau-père: Le Monde, 7 mars 1950, 9 mars 1950, 10 mars 1950
- Le Monde, 1er juillet 1956, Le Monde, 7 juillet 1956, Le Monde, 22 juin 1957, Le Monde, 21 juin 1958
- Le Monde, 14 décembre 1966, 15 décembre 1966, 27 février 1967, 26 mai 1967, 6 mai 1967, 7 juin 1967
- Le Monde, 19 juillet 2008, "Lucien Léger"
- Le Monde, 22 janvier 1973, 9 mai 1973, 16 mai 1973
- Le Monde, 22 décembre 1973
- Le Monde, 9 janvier 2010 (reproduction d'un article du 11 janvier 1960), "Tu ne tueras pas de Me Albert Naud", Le Monde, 9 avril 1971
- Le Monde, 3 novembre 1952
- Le Monde, 11 février 1963, "Onze orateurs ont plaidé pour l'abolition de la peine de mort
- Le Monde, 21 février 1976, 23 février 1976
- Franck Johannès, « L’avocat Henri Leclerc, ardent défenseur des libertés publiques, est mort », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )