Abri du marin
Les abris du marin sont des lieux d'hébergement créés par Jacques de Thézac au début du XXe siècle dans des ports de Bretagne, principalement en Cornouaille, au bénéfice des marins en escale, trop souvent contraints à passer tout ce temps dans les tavernes du port.
Origine
modifierEn prenant connaissance de la vie des marins et notamment de leurs problèmes d'alcoolisme, Jacques de Thézac crée les Abris du Marin. Son but est de construire des établissements d'accueil pour les marins pêcheurs. Le premier abri est construit au Guilvinec en 1900, le dernier à Saint-Guénolé en 1952.
Les créations des « Abris du marin »
modifierJacques de Thézac décide d’offrir aux pêcheurs des locaux sains, chauffés, confortablement aménagés, des salles de réunion et d’éducation : les « Abris du marin », inspirés des sailor’s homes britanniques. Il s'agit de maisons, situées sur le port, toujours peintes en rose, les Abris devaient être des cabarets modèles. De 1900 à 1933, onze « Abris du marin » sont implantés dans des ports du Finistère et un dans le Morbihan. Quelques autres furent construits par la suite. Quinze abris en tout ont été construits entre 1900 et 1952.
Deux Abris se distinguent par leur plan et les emprunts au vocabulaire néogothique : Sainte-Marine et Douarnenez. Ces abris, ouverts au début des années 1910, conçus à l’aide d’un homme de l’Art, une note manuscrite du fondateur Jacques de Thézac mentionne le nom de René Darde (1883-1960) architecte établi à Sainte-Maxime, ami et compagnon de navigation du philanthrope qui a certainement contribué au dessin de ces deux abris[1].
La liste des « Abris du Marin », avec leur date d'ouverture, est la suivante :
La description des « Abris du marin »
modifierGuy de la Rochefoucauld décrit ainsi les « Abris du marin » en 1914 :
« Chaque abri est d'un modèle à peu près uniforme. Il a l'aspect d'une grande maison de style breton, mais qui donne l'impression de l'aisance et de la propreté. Il se compose de deux salles : l'une est proprement consacrée aux réunions des pêcheurs. On y cause, on y joue à des jeux dont l'intérêt pécuniaire est banni selon les prescriptions, rigoureuses à cet égard, du règlement. Une salle de lecture fait suite, dotée d'une bibliothèque qui renferme les éléments variés des manuels d'instruction professionnelle et de récréation intellectuelle. (...). Au premier étage, les dortoirs. Sous le préau adjacent, des agrès de gymnastique tout montés, tandis que dans la cour des jeux de quilles, de boules, etc. Dans la salle de lecture, on trouve à discrétion le papier à lettres et les fournitures de bureau, mis gratuitement à disposition des marins. Une citerne, enfin, permet aux pêcheurs de remplir leurs barils de saine eau douce[3]. »
Outre une salle de presse où étaient donnés des conférences, des cours de perfectionnement en navigation ou des séances de projection, les « Abris du marin » comportaient une bibliothèque, un dispensaire, des chambres pour les marins de passage, des ateliers et un préau équipé de matériels de gymnastique. Aux abords étaient organisés concours de natation, de maquettes de bateaux, de godille ou de chanson.
Charles Le Goffic a aussi décrit en 1907 ces « Abris du marin » dans son livre Sur la côte; cette description est disponible sur un site Internet[4].
Jacques de Thézac expérimente aussi à Sainte-Marine des « logements du marin » : cette œuvre « ébauchée à Sainte-Marine, met à portée de quelques familles, à bas prix, une saine et gaie maisonnette de quatre pièces, orientée vers la lumière, avec de larges fenêtres au lieu de la misérable lucarne qui laisse l'intérieur des vieilles chaumières dans l'ombre, l'ombre close favorable au développement des microbes. On y ajoute un petit champ qui aide encore à détourner le pêcheur du cabaret, en l'attirant à ses moments de loisir, quand le temps n'est pas maniable, quand la sardine ne donne pas, à la profitable culture de la terre. Ces maisons ne sont pas encore nombreuses, l'argent manque, mais elles servent de modèle ; elles suggèrent à tous l'idée et le désir d'une vie plus propre et plus heureuse[5] ».
La fréquentation des « Abris du marin »
modifierLe journal Ouest-Éclair donne, pour l'année 1919, des précisions sur leur fréquentation :
« Les « Abris du marin » ont retrouvé leur vie normale : les entrées de 1919 ont progressé de plus de cent mille sur l'année précédente. Ces établissements ont enregistré 335 670 entrées de marins, dont 60 134 entrées aux salles de lecture. Ces entrées se répartissent comme suit : Abri du marin de l'Île-de-Sein : 11 188, Guilvinec 52 874, Passage-Lanriec 33 230, Concarneau 23 164, Audierne 30 596, [Le] Palais 14 509, Camaret 12 872, Sainte-Marine 7 457, l'Île-Tudy 10 076, Roscoff 15 219, Douarnenez 129 085. »
« Les propagandes contre l'alcoolisme, la tuberculose, les préjugés et les erreurs antihygiéniques, ont été poursuivies méthodiquement : les conférences ont attiré beaucoup d'auditeurs très attentifs. Les cours d'électricité et de T.S.F., à leurs débuts cependant, ont été une révélation. (...) La « Société des Abris-du-Marin » constate avec bonheur d'une part, le recul indéniable de l'alcoolisme sur la côte bretonne par la diminution de consommation des boissons distillées, en même temps la merveilleuse activité dont les ports de pêche bretons ne cessent de donner le consolant spectacle[6]. »
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Concarneau : vieux loups de mer faisant une partie de Vache à l'Abri du marin (vers 1910)
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Une salle de l'Abri du marin d'Audierne en hiver vers 1914.
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La salle de couchage de l'Abri du marin d'Audierne vers 1914.
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Sainte-Marine : l'Abri du Marin au début du XXe siècle.
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Sainte-Marine : Abri du marin, mousses faisant de la dentelle pour tenter de gagner leur vie pendant la crise sardinière du début du XXe siècle.
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Sainte-Marine : Abri du marin, l'un des murs de la salle principale.
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Sainte-Marine : « Abri du marin », affiche.
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Sainte-Marine : Abri du Marin 1.
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Sainte-Marine : Abri du Marin 2.
Les femmes n'étaient autorisées à entrer dans les Abris du marin que lorsque des conférences ayant trait à l'hygiène, la santé ou la famille étaient organisées, mais Jacques de Thézac encourage les organisations où les jeunes filles et femmes confectionnent de la dentelle (du picot bigouden) pour subvenir aux besoins de leur famille pendant la crise sardinière du début du XXe siècle[7].
Jean Raffenel succède à Jacques de Thézac après la mort de ce dernier en 1936; il crée notamment des cours d'enseignement ménager pour les jeunes filles. Avec l’amélioration des conditions de vie des pêcheurs, de nombreux « Abris du marin » disparaissent après les années cinquante.
Notes et références
modifier- Ministère de la Culture, « Les abris du marin en Bretagne » [PDF], sur culture.gouv.fr (consulté le )
- L'Ouest-Éclair du samedi 13 octobre 1906 lire en ligne sur Gallica
- Guy de la Rochefoucauld, Une race en péril : les abris du marin, 1914, G. Grès, Paris, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55265841/f106.image.r=Sainte-Marine.langFR
- Ma revue, hebdomadaire, 5 mai 1907, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57767605/f9.image.r=Sainte-Marine.langFR
- André Cheveillon, Les Abris du marin, Journal des débats politiques et littéraires no 32 du 2 février 1912, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k484441t/f2.image.r=Sainte-Marine.langFR
- Journal Ouest-Éclair n° 7476 du 8 juin 1920, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5830697/f3.image.r=Sainte-Marine.langFR
- Notice de l'exposition "Les enfants de Sainte-Marine" organisée à l'Abri du marin de Sainte-Marine en 2014
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Frédéric Tanter, Les pêcheurs bretons & les Abris du marin, éditions Sked, 1995.
- Anne Forrer, Les Pêcheurs côtiers de Cornouaille, 1899-1936 : Les soins dans les Abris-du-Marin et l’almanach du Marin Breton., Ed Coiffard, (ISBN 978-2-919339-63-1)
Liens externes
modifier- Site Marine Marchande
- Article du 13/10/1906, de L'Ouest-Éclair, Rennes, BnF Gallica
- [PDF] Les abris du marin en Bretagne, dossier de la DRAC Bretagne
- Association Les Abris des Marins, fondée en 1899 par Jacques de Thézac, Combrit Sainte-Marine