« Coureur des bois » : différence entre les versions

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[[Fichier:La Vérendrye.jpg|vignette|Représentation romantique d’un coureur des bois dans le tableau ''La Vérendrye at the Lake of the Woods'' de [[Arthur H. Hider]], v. 1900-1930.]]
Un '''coureur des bois'''
Les '''coureurs de bois''' (ou '''coureur des bois''') désigne des colons de la Nouvelle-France allant au pays autochtones faire la traite des fourrures sans permission. L'expression est apparue dans une ordonnance du gouverneur Frontenac.
<ref>Coureur ''de'' bois ou coureur ''des'' bois. {{refsou|L'expression ''coureur des bois'' apparaît dans une ordonnance de [[Louis de Buade de Frontenac]]}}.</ref> est, en [[Nouvelle-France]], un colon indépendant
qui pratique la [[traite des fourrures]]. {{refsou|Avant eux, les [[Autochtones d'Amérique]] avaient pour seuls interlocuteurs européens les interprètes des compagnies marchandes, puis les missionnaires et leurs domestiques.}}
 
Rapidement, d’autres font la même chose auprès de nations autochtones. Aguerris à la vie en forêt comme l’ont été avant eux les interprètes des compagnies marchandes, puis les missionnaires et leurs domestiques, les coureurs de bois{{refsou|Ils se déplacent sur de longues distances, en [[canoé|canot]], entre la [[vallée du Saint-Laurent]] et l’intérieur du continent, le plus souvent dans la [[Grands Lacs (Amérique du Nord)|région des Grands Lacs]]. Ils hivernent parfois avec les populations locales, troquent des vêtements, des haches, des fusils, des chaudrons contre des peaux de castor, d’orignal, de caribou, etc.}}. Après la [[guerres franco-iroquoises|paix franco-iroquoise de 1653 et 1667]], les routes vers l’Ouest deviennent plus sûres pour les Français et leurs alliés. Les coureurs de bois se font plus nombreux, et {{refsou|le [[centre de gravité]] du [[commerce franco-autochtone]] se déplace vers l'ouest}}.
L'abondance de fourrures sur le marché européen menace l’économie de la Nouvelle-France. En 1681, [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] instaure un système de [[congés de traite]] destiné à la freiner, mais sans succès: dès 1696, ce système est révoqué par [[Louis XIV]], qui fait fermer presque tous les postes de la colonie.
 
AprèsLes lareligieux repriseet dules commerceadministrateurs descoloniaux fourruresconsidèrent enles coureurs de bois comme associés à 1715l’illégalité, leaux mœurs dissolues, au banditisme et à la contrebande avec les [[Nouvelle-Néerlande|Anglo-hollandais]] de [[Fort Orange (Nouvelle-Néerlande)|Fort Orange]]. Le terme ''coureur de bois,'' quis’efface aau unecours connotationdu péjorative, s’efface{{s|XVIII}} au profit de celui de ''voyageur'' puis d’engagéd’''engagé''. Le commerce s’organise autour de marchands ou d’officiers militaires qui emploient des voyageurs pour faire la traite avec les Autochtones des [[Pays d’en haut]]. La course de bois se poursuit après [[Guerre de la Conquête|la Conquête]] en 1763. Elle s’adapte avant d’êtreest monopolisée par deux grandes compagnies etavant de péricliter au {{s-|XIX}}.
Après la paix franco-iroquoise de 1653 puis celle de 1667, les routes vers l’Ouest deviennent plus sûres pour les Français et leurs alliés. Les coureurs de bois se font plus nombreux et contribuent à déplacer vers l’ouest le centre de gravité du commerce franco-autochtone.
 
Mal perçus par les religieux et les administrateurs coloniaux, les coureurs de bois sont associés à l’illégalité, aux mœurs dissolues, au banditisme et à la contrebande avec les [[Nouvelle-Néerlande|Anglo-hollandais]] d’[[Fort Orange (Nouvelle-Néerlande)|Albany]].
 
Le ministre Colbert instaure un système de congés de traite (ou permis de traite) en 1681. Cela ne freine pas la surabondance de fourrures qui inonde le marché européen et menace l’économie de la Nouvelle-France d’effondrement. [[Louis XIV]] révoque, le 21 mai 1696, les [[congés de traite]] et fait fermer presque tous les postes de la colonie.
 
Après la reprise du commerce des fourrures en 1715, le terme coureur de bois, qui a une connotation péjorative, s’efface au profit de celui de voyageur puis d’engagé. Le commerce s’organise autour de marchands ou d’officiers militaires qui emploient des voyageurs pour faire la traite avec les Autochtones des Pays d’en haut. La course de bois se poursuit après la Conquête en 1763. Elle s’adapte avant d’être monopolisée par deux grandes compagnies et de péricliter au {{s-|XIX}}.
 
== Évolution de la traite des pelleteries franco-autochtone ==
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=== La carrière des « employés » de la traite après 1715 ===
[[Fichier:Pierre Le Royer, coureur des bois, en 1889.jpg|thumb|Pierre Le Royer, coureur de bois canadien-français, au retour d'une expédition en 1889.]]Après un épisode de surproduction, la course reprend de plus belbelle. Cette fois, elle évolue dans un environnement mieux organisé. On remarque d'abord une recrudescence des contrats entre employeur et engagé entre 1720 et 1763.
 
Un simple engagé, pagayeur ou voyageur n’est pas autorisé à commercer dans les postes. En effet, ce rôle revient plutôt aux marchands ou aux détenteurs de permis de traite qui les emploient.
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Le témoignage du chapelier parisien [[Louis Guiguer|Louis Guigues]] donne un bon aperçu de la traite au début du {{s-|XVIII}} :<blockquote>« Un particulier achète un congé qu’il paye très cher, il le vend à sept ou huit personnes qui se joignent ensemble pour aller à la Course. Ces gens qui sont proprement des vagabonds sans feu ny lieu s’obligent à en payer le prix en castor […] ils traittent avec un ou plusieurs marchands d’une quantité d'eau de vie et autres marchandises pour emporter avec eux, payable à leur retour en castor à un prix convenu<ref name="Havard"/>{{rp|128-129}}. »</blockquote>Les coureurs de bois sont davantage des engagés de la traite que des traiteurs clandestins, car de nombreux engagés voyagent sous le commandement d’un officier ou d'un marchand-voyageur qui s'assure de la validité du permis et vérifie l'état des cargaisons destinées aux [[Pays-d'en-Haut]]. De plus, comme le souligne l'historien Gilles Havard, « ces hommes sont sommés de faire leur traite uniquement dans les postes [...], sous les yeux des commandants<ref name="Havard"/>{{rp|237}}. » Bien que cette réglementation ne soit pas appliquée au sens strict, on observe néanmoins une régulation des voyages par l'État dans l'optique de limiter les comportements qui seraient inappropriés et surtout, la contrebande issue de coureurs de bois « illégaux ».[[Fichier:François Mercier, voyageur canadien.jpg|thumb|« Frs. Mercier, célèbre voyageur canadien » (1871), gravure tirée du périodique canadien-français ''L'Opinion publique''.]]Les sources laissent aussi entendre qu’il y a une hiérarchie au sein des groupes de voyageurs. Les convois semblent souvent se diviser entre les individus expérimentés et moins expérimentés, entre les guides, ceux qui ont passé plusieurs hivers dans les postes éloignés, et les engagés de provenances diverses et parfois inexpérimentés. On peut déterminer l'expérience des membres d’une expédition par la place qu'ils occupent à l'intérieur du canot. Les hommes de « devant » et du « gouvernail » sont généralement les plus anciens et commandent les convois de canots alors que les « milieu » sont les voyageurs semi-réguliers<ref name="Wien">{{Article|langue=fr|auteur1=Thomas Wien|directeur2=oui|titre=Les temps de l'engagement|sous-titre=La main-d'œuvre du commerce canadien des fourrures entre le calendrier agricole et commercial au {{s-|XVIII}}|périodique=Familles, Terres, Marchés : logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux ({{sp-|XVII|-|XX}}s). Actes du colloque ''France-Québec-Suisse''|lieu=Rennes|éditeur=Presses Universitaires de Rennes|date=2004|isbn=978-2-86847-949-5|oclc=1015982797|format=24 cm|pages totales=278}}.</ref>{{rp|263}}. Entre eux, on retrouve les individus moins expérimentés qui détiennent le titre de « second devant » ou de « second derrière ». Souvent issus du milieu agricole, ces derniers n'effectuent qu'un ou deux voyages au cours de leur vie.
 
Un convoi est généralement composé d'équipage de 5 à 9 hommes. Au {{s-|XVIII}}, ils proviennent de la région de Montréal dans une proportion de près de {{Pourcentage|80}}<ref name="Wien" />. Enfin, ces convois sont majoritairement constitués d’une flottille qui oscille entre 4 et 6 [[Canot|canots]] prêtés et équipés par un marchand-équipeur ou une société de voyageurs qui s'engage pour une durée variable auprès d'un marchand-équipeur<ref name="Familles">{{Article|langue=fr|auteur1=Thomas Wien|directeur2=oui|titre=Familles paysannes et marché de l'engagement pour le commerce des fourrures au Canada au {{s-|XVIII}}|périodique=Famille et marché. {{sp-|XVI|-|XX}}|lieu=Québec|éditeur=Éditions du Septentrion|date=2003}}.</ref>{{rp|167-172}}.
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*''The Big Sky'' (1947) d'[[A. B. Guthrie]]{{Commentaire|Publié en français sous le titre ''La Captive aux yeux clairs'', Paris, Denoël, 1947 ; réédition, Arles, Actes Sud, coll. « L’Ouest, le vrai », 2014.}}
'''Dans la bande dessinée'''
*  Le tome 26 de la série ''[[Les Tuniques bleues]]'' de [[Raoul Cauvin|Cauvin]] et [[Lambil]], ''L'Or du Québec'', donne une vision humoristique du coureur de bois, sous les traits d'un traqueur asthmatique doté d'un sens de l'orientation proche de celui de la poule…
'''Au cinéma'''
*  ''[[La Captive aux yeux clairs]]'' (1952) d'[[Howard Hawks]], d'après le roman d'[[A. B. Guthrie]].
*  ''[[The Revenant]]'' (2015) d'[[Alejandro González Iñárritu]] avec [[Leonardo DiCaprio]].
{{Commentaire|Le récit de coureurs de bois aux prises avec des Autochtones [[Arikaras]] dans l'actuel [[Dakota du Nord]].}}
 
'''À la télévision'''
*  Une série québécoise : ''Coureur des bois - Un père et sa fille parcourent le Québec à la recherche de saveurs des forêts''.
* Dans la série américaine [[Colorado (mini-série)|''Colorado'']] (adaptée du livre de [[James A. Michener]]), le rôle du coureur des bois Pasquinel est interprété par l'acteur [[Robert Conrad]]<ref>{{Lien vidéo|titre=Colorado|url=https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=3779.html|langue=fr|consulté le=2024-06-23|auteur=AlloCine}}</ref>.
'''Dans les jeux vidéo'''
*  Les coureurs de bois sont les colons français dans le [[jeu vidéo]] ''[[Age of Empires III]]''.
 
== Notes et références ==
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*Donatien Frémont, ''Pierre Radisson. Roi des coureurs de bois'', Montréal, Éditions Albert Lévesque, 1933, 264 p.
*[[François-Xavier Garneau]], ''Histoire du Canada depuis la découverte'', Québec, N. Aubin, 1845-1852, 4 volumes. Musée de la Civilisation (23.1.19.V1) ou Bibliothèque nationale du Québec (971 G234 1845/52).
*[[Georges-Hébert Germain]], ''Les Coureurs des bois. La Saga des Indiens blancs'', Montréal, Libre Expression, 2003, 162 p. 
* {{Article|langue=en|auteur=Allan Greer|titre=Fur‑Trade Labour and Lower Canadian Agrarian Structures|périodique=Historical Papers / Communications historiques|volume=16|numéro=1|date=1981|pages=197-214|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/hp/1981-v16-n1-hp1116/030875ar.pdf|consulté le=2021-07-07}}. 
* {{ouvrage|prénom1=Lionel|nom1=Groulx|lien auteur1=Lionel Groulx|titre=Histoire du Canada français depuis la découverte|numéro d'édition=4|éditeur=Fides|lieu=Montréal|année=1976|pages totales=252|isbn=}}
*{{ouvrage|prénom1=Lionel|nom1=Groulx|titre=L'Appel de la race|éditeur=Fides|lieu=Montréal|date=1956|isbn=}}.
*{{ouvrage|prénom1=Lionel|nom1=Groulx|titre=La Naissance d’une race|éditeur=Bibliothèque de l’Action française|lieu=Montréal|date=1919|pages totales=294|isbn=}} 
*{{ouvrage|prénom1=Lionel|nom1=Groulx|titre=Les Lendemains de la Conquête|éditeur=|lieu=Montréal|année=1977|pages totales=199|isbn=}}
*{{ouvrage|prénom1=Lionel|nom1=Groulx|titre=Notre grande aventure|sous-titre=l’empire français en Amérique du Nord, 1535-1760|éditeur=|lieu=Montréal|date=1976|pages totales=299|isbn=}}
*Jean Hamelin, ''Économie et société en Nouvelle-France'', Québec, Presses de l’Université Laval, [s.d.]. 137 p.
*[[Gilles Havard]], ''Indiens et Français dans le Pays d'en Haut, 1660-1715'', Paris et Québec, Presses de l’université de Paris-Sorbonne et Septentrion, 2003, 870 p.
*{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilles Havard|titre=Histoire des coureurs de bois|sous-titre=Amérique du Nord 1600-1840|lieu=Paris|éditeur=Perrin (Tempus)|année=2021|lire en ligne={{Google Livres|2ff1jwEACAAJ}}|isbn=978-2-84654-424-5|oclc=965621111|pages totales=885|format=24 cm}} 
*Gilles Havard, ''L'Amérique fantôme:'' ''les aventuriers francophones du Nouveau monde'', Montréal, Flammarion Québec, 2019.
*{{en}} [[Harold Innis]], ''The Fur Trade in Canada : An Introduction to Canadian Economic History'', New Haven, Yale University Press, 1930, 444 p.
*[[Philippe Jacquin]], ''Les Indiens blancs : Français et Indiens en Amérique du Nord, du {{sp-|XVI|au|XVIII}}'', Paris, Payot, 1987, 310 p.  (Coll. « Bibliothèque historique »).
*{{en}} Lawrence M. Lande, ''The Development of the Voyageur Contract'', Montréal, [s.n.], 1989.
*{{Article|langue=fr|auteur=Robert Le Blant|titre=Le Commerce compliqué des fourrures canadiennes au début du {{s-|XVII}}|périodique=RHAF|volume=26|numéro=1|mois=juin|année=1972|pages=53-66}}.
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*Émile Salone, ''La Colonisation de la Nouvelle-France, étude sur les origines de la nation canadienne-française'', Trois-Rivières, Boréal Express, 1970 (1905), 505 p.
*Benjamin Sulte, ''Les coureurs des bois au Lac Supérieur, 1660'', Ottawa, Société royale du Canada, 1911.
*Marcel Trudel, « Pêcheur basques et la traite de la fourrure dans le Saint-Laurent au {{s-|XVI}} », dans Bruce G. Trigger, Toby Morantz et Louise Dechêne, dir., ''Le castor fait tout : choix de textes présentés à la {{5e}} conférence Nord-américaine sur la fourrure'', Montréal, Société historique du Lac Saint-Louis, 1985, p.  14-24.
*{{Article|prénom1=Thomas|nom1=Wien|titre=Compte-rendu de l’œuvre de Martin Fournier, 2001|périodique=RHAF|date=2003|volume=57|numéro=2|pages=278-280}}.
*{{Article|langue=fr|auteur1=Thomas Wien|directeur2=oui|titre=Le Pérou éphémère|sous-titre=termes d'échanges et éclatement du commerce des franco-amérindien, 1645-1670|périodique=Vingt ans après Habitants et marchands : lectures de l'histoire des {{s2-|XVII|XVIII}} canadiens|lieu=Montréal|éditeur=McGill-Queen's University Press|date=1998|pages=160-188|lire en ligne=|consulté le=2020-09-01}}.
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=== Liens externes ===
*  {{Lien web|langue=fr|url=http://www.onf.ca/film/canada_vignettes_coureurs_des_bois|titre=Canada vignettes : coureurs des bois|année=1978|site=ONF.ca}}
* {{Dictionnaires}}